Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par trois demandes distinctes, l'annulation de la délibération du 26 juin 2019 du conseil municipal de la commune de Montauban abrogeant, à compter du 1er septembre 2019, le règlement général adopté par délibération du 28 septembre 1945, modifié par délibération du 14 février 1966, affectant la " Maison du peuple " aux syndicats professionnels et aux associations et affectant, à compter du 1er septembre 2019, la " Maison du peuple " à l'implantation du " Tiers-lieu " ainsi qu'à l'accueil des services mutualisés du développement économique, l'annulation de la lettre du 5 juillet 2019 de la maire de Montauban rappelant à l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne son obligation de libérer les locaux au plus tard le 31 août 2019, et l'annulation de la délibération du 4 juin 2020 du conseil municipal de la commune de Montauban abrogeant la délibération du 26 juin 2019, précitée, et affectant, à compter du 1er septembre 2020, la " Maison du peuple " à l'implantation du " Tiers-lieu " dans le cadre du plan " Action cœur de ville "
Par un jugement n°s 1903606-1904476-2002427 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 12 juillet 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne, représentée par Me Panfili, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) l'annulation de la délibération du 26 juin 2019 et de la délibération du 4 juin 2020 du conseil municipal de la commune de Montauban abrogeant cette délibération du 26 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Montauban, à titre principal, de mettre à sa disposition des locaux, tenant compte de son activité, de sa représentativité et de sa mission d'intérêt général, soit à titre principal, par le maintien de ses droits actuels d'occupation des locaux de la " Maison du peuple ", soit, à titre subsidiaire, en lui attribuant, à titre exclusif au 17 rue d'Albert des locaux équivalents à ceux occupés dans la " Maison du peuple " ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montauban la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la " Maison du Peuple " appartient au domaine public communal ;
- les délibérations attaquées du 26 juin 2019 et du 4 juin 2020 sont entachées d'un vice de procédure, faute de respect des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales en vertu desquelles une note explicative de synthèse doit être adressée aux membres du conseil municipal pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause ;
- la délibération du 4 juin 2020 est entachée d'illégalité dès lors que, compte tenu de ce que le second tour des élections municipales était fixé au 28 juin 2020, le conseil municipal ne pouvait délibérer que sur des affaires courantes, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, compte tenu de l'ampleur du projet de création du " Tiers-Lieu " ;
- cette délibération est également entachée d'illégalité au regard des règles applicables aux marchés de travaux ;
- les délibérations attaquées portent atteinte à la liberté syndicale, garantie par l'article 6 du préambule de la constitution de 1946 et par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- par ailleurs, si, en vertu de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, les syndicats ne possèdent pas un droit absolu à obtenir le local municipal qu'ils sollicitent ou revendiquent, la commune dont ils dépendent doit être mesure de démontrer que son choix de ne pas leur attribuer le local est justifié par le fonctionnement de ses services, le maintien de l'ordre public ou encore par l'intérêt général ; elle dispose d'un droit d'usage permanent de locaux situés au 1er étage de la " Maison du Peuple " depuis 1945, octroyé par la délibération du conseil municipal ;
- les délibérations attaquées sont entachées d'un détournement de pouvoir, dès lors que les projets dont se prévaut la commune n'ont pour seule finalité que de l'évincer des locaux occupés ;
- il est porté atteinte à ses missions d'intérêt général ;
- il est porté atteinte au principe d'égalité devant la loi, garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, qui ne permet pas de discrimination entre les organisations syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, la commune de Montauban conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 26 juin 2019 sont devenues sans objet compte tenu de l'intervention de la délibération du 4 juin 2020 ;
- par ailleurs, les conclusions en injonction présentées en appel tendant, à titre subsidiaire, à l'attribution à titre exclusif au 17 rue d'Albert, des locaux équivalents à ceux occupés dans la " Maison du peuple ", constituent des conclusions nouvelles irrecevables en appel ;
- par ailleurs, les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 août 2023.
Un mémoire en production de pièces a été présenté le 5 septembre 2023 pour le syndicat appelant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Panfili, représentant le syndicat l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne, et de Me Pélissier, représentant la commune de Montauban.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 26 juin 2019, le conseil municipal de la commune de Montauban a abrogé, à compter du 1er septembre 2019, le règlement général adopté par délibération du 28 septembre 1945, modifié par délibération du 14 février 1966, affectant la " Maison du peuple " aux syndicats professionnels et aux associations, et a décidé d'affecter, à compter du 1er septembre 2019, la " Maison du peuple " à l'implantation du " Tiers-lieu " destiné à l'accueil de différents services publics et de mise à disposition aux usagers de services numériques. Le 5 juillet 2019, la maire de Montauban a rappelé à l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne son obligation de libérer les locaux au plus tard le 31 août 2019. Par une délibération du 4 juin 2020 le conseil municipal de la commune de Montauban a abrogé la délibération du 26 juin 2019 et a affecté, à compter du 1er septembre 2020, la Maison du peuple à l'implantation du " Tiers-lieu " dans le cadre du plan " Action cœur de ville ".
2. Par un jugement n°s 1903606-1904476-2002427 du 15 juin 2021, le tribunal administratif a joint ces trois demandes, et les a rejetées. L'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation des délibérations des 26 juin 2019 et 4 juin 2020 du conseil municipal de la commune de Montauban.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. Les demandes présentées par l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne devant les premiers juges tendaient à l'annulation des délibérations des 26 juin 2019 et 4 juin 2020 du conseil municipal de Montauban en tant qu'elles portaient sur l'affectation à des services publics municipaux de locaux précédemment attribués à l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne depuis 1945. Dans ces conditions, la juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions dirigées contre de telles décisions administratives, qui portent, du reste, sur des locaux appartenant au domaine public communal.
4. C'est donc à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes présentées par l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne.
5. Il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette les demandes dirigées contre les délibérations des 26 juin 2019 et 4 juin 2020 précitées, seules contestées en appel, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces demandes.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les délibérations du 26 juin 2019 et du 4 juin 2020 :
S'agissant de l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense par la commune de Montauban :
6. Dans le cas où la personne publique se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. En l'espèce la délibération du 4 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montauban a décidé l'abrogation de la délibération du 26 juin 2019, est également en litige dans la présente instance et ne présente donc pas un caractère définitif. Par suite, en tout état de cause, l'exception de non-lieu à statuer soulevée en défense ne peut être accueillie.
S'agissant du bien-fondé de ces conclusions :
Quant à la légalité externe :
7. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de plus de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. En l'espèce, ainsi que le fait valoir l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une note explicative de synthèse aurait été adressée aux membres du conseil municipal avant l'intervention de la délibération du 26 juin 2019 du conseil municipal de la commune de Montauban abrogeant, à compter du 1er septembre 2019, le règlement général adopté par délibération du 28 septembre 1945, modifié par délibération du 14 février 1966, affectant la Maison du peuple aux syndicats professionnels et aux associations et affectant, à compter du 1er septembre 2019, la Maison du peuple à l'implantation du Tiers-lieu ainsi qu'à l'accueil des services mutualisés du développement économique, ni que leur aient été adressés des documents leur permettant de disposer d'une information adéquate au regard du contenu de ladite délibération. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'une note de synthèse ait été transmise aux membres du conseil municipal avant l'intervention de la délibération du 4 juin 2020. Dans ces conditions, l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne est fondée à soutenir que ces délibérations sont intervenues sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation pour ce motif.
9. Il résulte de ce qui précède que l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne est fondée à demander l'annulation du jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette ces conclusions en annulation des délibérations du 26 juin 2019 et du 4 juin 2020 du conseil municipal de la commune de Montauban et à demander l'annulation de ces délibérations.
Sur les conclusions en injonction :
10. Compte tenu de ce que l'annulation par le présent arrêt est prononcée pour illégalité externe, et dès lors qu'aucun moyen de légalité interne de nature à faire droit aux conclusions en injonction présentées par l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne ne peut en l'espèce être retenu, la présente annulation n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions en injonction présentées par l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Montauban demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Montauban au bénéfice de l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er: Le jugement n°s 1903606-1904476-2002427 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les demandes présentées par l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne tendant à l'annulation des délibérations du 26 juin 2019 et du 4 juin 2020 du conseil municipal de la commune de Montauban.
Article 2: Les délibérations du 26 juin 2019 et du 4 juin 2020 du conseil municipal de Montauban sont annulées.
Article 3: La commune de Montauban versera à l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le surplus des conclusions de l'Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Montauban sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Union départementale des syndicats CGT de Tarn-et-Garonne et à la commune de Montauban.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21TL22970
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