Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'une carte de résident et l'a invité, en application de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2100469 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er septembre et le 21 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Hamza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'une carte de résident et l'a invité, en application de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français ainsi que la décision du 4 janvier 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux présenté par une lettre reçue le 28 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à cette même autorité de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'inexactitude matérielle quant à la durée de son incarcération et quant à la mention de condamnations pénales antérieures à la période de validité de sa précédente carte de résident ;
- elle méconnaît l'article L. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- elle méconnaît l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain, né le 28 avril 1982, a résidé en France du 20 juillet 2009 au 19 juillet 2019 sous couvert d'une carte de résident dont il a demandé le renouvellement. M. A... demande l'annulation du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français sur le fondement de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " La carte de résident est valable dix ans. Sous réserve des dispositions des articles L. 314-5 et L. 314-7, elle est renouvelable de plein droit ". L'article L. 314-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public ". L'article R. 311-2 de ce code prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : (...) / 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2. / À l'échéance de ce délai et en l'absence de présentation de demande de renouvellement de sa carte de séjour, il justifie à nouveau des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance de la carte de séjour (...) ".
3. Ainsi que l'a dit pour droit le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, au moment où il formule une demande de renouvellement de sa carte de résident, l'étranger peut se prévaloir d'une présence régulière sur le territoire français d'une durée de dix ans au moins. En raison d'une telle stabilité, de nature à avoir fait naître entre l'étranger et le pays d'accueil des liens multiples, une simple menace pour l'ordre public ne saurait suffire à fonder un refus de renouvellement de ce titre de séjour sans atteintes excessives au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale et privée, alors qu'à tout moment la préservation de l'ordre public permet à l'autorité administrative, en cas de menace grave, de prononcer son expulsion. Par suite, la Constitution fait obstacle à ce que le renouvellement d'une carte de résident valable dix ans puisse être refusé pour un motif d'ordre public.
4. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République.
5. Ainsi, lorsqu'un étranger présente, après l'expiration du délai de renouvellement du titre qu'il détenait précédemment, une nouvelle demande de titre de séjour, cette demande de titre doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de tenant à l'absence de menace à l'ordre public prévue par les dispositions précitées de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut, dès lors, être opposée.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France pour la première fois en 1982, accompagné de sa mère. Le 7 mars 2000, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un premier titre de séjour. Après avoir résidé en France sous couvert de titres de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelés entre le 5 mai 2000 au 19 juillet 2009, l'intéressé a été mis en possession, en dernier lieu, d'une carte de résident valable du 20 juillet 2009 au 19 juillet 2019. Le 22 juin 2020, selon le préfet du Gard, et le 5 novembre 2019 et le 30 avril 2020, selon l'intéressé, M. A... a sollicité le renouvellement de sa carte de résident. Dès lors que M. A... a, en tout état de cause, demandé le renouvellement de son titre de séjour au-delà des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de résident dont il était titulaire, l'autorité préfectorale était en droit de regarder cette demande comme une première demande de titre de séjour à laquelle la condition de l'absence de menace à l'ordre public pouvait, compte tenu des principes rappelés aux points 2 à 5, être régulièrement opposée.
7. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait du casier judiciaire B2 et des mentions contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, que M. A... a fait l'objet de très nombreuses condamnations pénales entre 2001 et 2019 assorties de peines privatives de liberté, notamment, en 2001 pour des faits de violences sur une personne chargée d'une mission de service public suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours, en 2001 pour des faits d'extorsion par violence, menace ou contrainte, de port prohibé d'arme de sixième catégorie et de fourniture d'identité imaginaire pouvant provoquer des mentions erronées sur le casier judiciaire, en 2002 pour des faits d'agression sexuelle commis sur mineur de 15 ans, de vol aggravé par deux circonstances et de séquestration ou détention arbitraire ayant donné lieu à une condamnation à une peine de quatre ans de prison dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de 18 mois, en 2003 pour des faits de refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, en 2015 pour un refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter par un conducteur de véhicule, en 2019 pour des faits de violences conjugales suivies d'une interruption temporaire de travail de moins de huit jours ayant donné lieu au prononcé d'une peine de deux ans de prison dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans. Il ressort également des pièces du dossier que sur la période comprise entre 1998 et 2019, y compris au demeurant postérieurement à l'arrêté en litige, l'intéressé s'est fait défavorablement connaître des services de police pour des faits de vol simple, recel de bien provenant d'un vol, de contrefaçon ou de falsification de chèque, d'outrage à personne chargée d'une mission de service public, de port illégal d'arme de sixième catégorie, de vol avec violences, de menace de délit contre les personnes, de vol, de violences volontaires sur conjoint, de harcèlement de personne étant ou ayant été conjoint suivi d'interruption temporaire de travail, de circulation avec un véhicule sans assurance, de filouterie de carburant, de harcèlement moral et de conduite d'un véhicule sous l'emprise de produits stupéfiants. Eu égard à la trajectoire délinquante constante adoptée par l'intéressé depuis son entrée en France et compte tenu du caractère grave et répété des atteintes aux personnes et aux biens commises par M. A..., y compris de manière récente, le préfet du Gard n'a ni fait une inexacte application des articles L. 314-1 et L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'une carte de résident au motif que son comportement représente une menace pour l'ordre public, ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle.
8. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... se prévaut de son entrée en France à l'âge de quatre mois où il a suivi l'intégralité de sa scolarité jusqu'à l'obtention d'un brevet de technicien supérieur technico-commercial et de son insertion professionnelle en qualité de gérant d'une société de travaux. Il soutient, en outre, que ses parents résident régulièrement en France sous couvert de cartes de résident et que ses frères et sœurs, nés en France, sont de nationalité française tandis qu'il sera isolé dans son pays d'origine où il ne dispose d'aucune attache familiale. Toutefois, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 7, le comportement de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public au regard des nombreuses atteintes aux personnes et aux biens qu'il a commises, qu'il est célibataire et sans charge de famille et que, par ailleurs, le refus de titre de séjour en litige n'est assorti d'aucune mesure d'éloignement de nature à le séparer des membres de sa famille, le préfet du Gard n'a pas, en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de l'appelant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2020 du préfet du Gard et de la décision du 4 janvier 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL21909