Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative agricole Vinovalie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la société Electricité de France a rejeté sa demande d'édition de contrat d'achat d'électricité photovoltaïque pour les centrales référencées BTA0450212 et BTA0450214 au tarif de 17,567 centimes / kWh.
Par une ordonnance du 11 septembre 2017, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a transmis cette demande au tribunal administratif de Toulouse.
Par un jugement n° 1704251 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2021 sous le n° 21BX00201 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL20201 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Vinovalie, représentée par Me Ferrari, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la société Electricité de France a rejeté sa demande d'édition de contrat d'achat d'électricité photovoltaïque pour les centrales référencées BTA0450212 et BTA0450214 au tarif de 17,567 centimes / kWh ;
3°) d'enjoindre à la société Electricité de France de conclure de tels contrats dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
4°) d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans le journal " Les Echos " et toute autre publication spécialisée qu'il plaira à la cour, aux frais de la société Electricité de France ;
5°) de mettre à la charge de la société Electricité de France une somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- pour rejeter sa demande, les premiers juges se sont fondés sur une interprétation erronée des faits, les centrales BTA0450212 et BTA0450214 étant implantées sur des bâtiments distincts ;
- la société Electricité de France s'est fondée sur une conception erronée de la notion de même bâtiment, qui est exclusivement définie par le code civil ;
- en se fondant sur l'identité des dates de dépôt des demandes de raccordement et de mise en service des trois centrales qu'elle exploite pour estimer que ces centrales devaient être regardées comme une seule et même centrale, la société Electricité de France a ajouté une condition à l'arrêté du 4 mars 2011 ;
- les courriers de la direction générale de l'énergie et du climat n'ont aucune valeur juridique et ne peuvent contredire une définition légale ou règlementaire et la société Electricité de France ne peut se fonder sur des textes postérieurs au litige, non rétroactifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2021, la société Electricité de France, représentée par Mes Brenot, Maurel et Weicheldinger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vinovalie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'entre pas dans les pouvoirs du juge administratif de faire droit à la demande d'un requérant tendant à ce qu'il ordonne la publication de sa décision par voie de presse aux frais du défendeur ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Vinovalie.
Par ordonnance du 3 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2023.
Un mémoire, présenté par la société Electricité de France, a été enregistré le 15 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;
- l'arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ferrari, représentant la société Vinovalie.
Considérant ce qui suit :
1. La société Vinovalie exerce une activité de vinification sur un site situé 23-33 avenue de l'Hermitage à Rabastens (Tarn). En 2013, elle a sollicité le raccordement au réseau public d'électricité de trois installations photovoltaïques sur ce site. Les demandes de raccordement ont été considérées comme complètes par la société Electricité de France le 28 juin 2013. Les trois installations ont été mises en service le 15 mars 2015, et un contrat d'achat d'électricité à un tarif de 17,567 centimes/kWh a été conclu, le 29 octobre 2015, entre la société Electricité de France et la société requérante portant sur l'électricité produite par la centrale BTA0450210. En revanche, la société requérante a refusé de souscrire aux contrats d'achat qui lui étaient proposés au tarif de 8,756 centimes/kWh pour les centrales BTA0450212 et BTA0450214, par une réclamation du 29 avril 2015, rejetée le jour-même. Par deux décisions des 9 juillet et 25 novembre 2015, l'instance d'appel en charge des dossiers d'obligation d'achat de la société Electricité de France a rejeté les réclamations présentées successivement les 3 juin et 6 août 2015 par la société requérante. Le 9 décembre 2015, cette dernière a mis en demeure la société Electricité de France de lui adresser sous un mois des contrats d'achat au tarif de 17,567 centimes/kWh pour les centrales BTA0450212 et BTA0450214. Le 20 janvier 2016, le médiateur d'Electricité de France a informé la société requérante qu'il ne serait pas fait droit à sa demande. Par un jugement du 17 novembre 2020, dont la société Vinovalie relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 314-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture sont tenues de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par les installations dont la liste et les caractéristiques sont précisées par décret parmi les installations suivantes : (...) 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables, (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 4 mars 2011, dans sa rédaction applicable au litige : " L'installation du producteur est décrite dans le contrat d'achat, qui précise ses caractéristiques principales (...) / Le contrat d'achat mentionne également la puissance crête Q définie en annexe 1 et calculée à la date de la mise en service de l'installation. Cette puissance Q est la somme des puissances de l'ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale dont les demandes de raccordement ont été déposées dans les dix-huit mois avant ou après la date de demande complète de raccordement de l'installation objet du contrat d'achat (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles de l'article 1 de l'annexe I à cet arrêté, que pour déterminer le tarif d'achat de l'électricité, sont prises en compte à la fois la puissance crête de l'installation et la puissance crête de l'ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale. La puissance crête de l'installation est appréciée à la date du dépôt de la demande complète de raccordement.
3. Il ressort des pièces du dossier que la société Electricité de France a estimé que les centrales BTA0450212 et BTA0450214 étaient implantées sur un seul et même bâtiment, ce qui a pour conséquence d'augmenter la puissance crête Q et, partant, de diminuer le prix du kWh, en application de l'arrêté du 4 mars 2011 et plus particulièrement de l'article 1 de l'annexe I à cet arrêté.
4. En premier lieu, la société requérante soutient, d'une part, que ces deux centrales sont implantées sur deux parcelles cadastrales distinctes et, d'autre part, que les bâtiments ne sont ni accolés, ni mitoyens au sens du code civil, seul applicable. Si l'attestation d'architecte du 11 juin 2018 indique que les bâtiments concernés sont distincts et indépendants, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier du 17 juin 2015, que ces bâtiments sont reliés entre eux par un bâtiment tiers d'un côté, par un mur en brique de l'autre côté et que leurs toits sont également reliés par une terrasse. Les photographies produites au dossier révèlent que les deux bâtiments sur lesquels sont installés les panneaux photovoltaïques, ainsi que le bâtiment numéroté 3 dans le constat d'huissier précité, sont accolés, que leur emprise au sol est unique et continue et qu'ils constituent, dès lors, une construction d'un seul tenant. Par suite, en considérant que les centrales BTA0450212 et BTA0450214 étaient implantées sur un même bâtiment et en en tirant les conséquences en matière de prix d'achat du kWh, la société Electricité de France n'a ni commis d'erreur de fait, ni méconnu les dispositions de l'arrêté du 4 mars 2011, alors même que les centrales litigieuses seraient situées sur deux parcelles cadastrales différentes.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Electricité de France se serait fondée sur les circonstances que les demandes de raccordement des trois centrales exploitées par la société requérante ont été présentées à la même date et que ces centrales ont été mises en service à la même date pour estimer que les centrales BTA0450212 et BTA0450214 étaient implantées sur un même bâtiment. Au contraire, il ressort de ces mêmes pièces que la société Electricité de France a fondé sa décision sur l'ensemble des constatations de fait exposées au point précédent. La société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que la société Electricité de France a ajouté une condition à l'arrêté du 4 mars 2011.
6. En dernier lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que les courriers de la direction générale de l'énergie et du climat sont dépourvus de valeur juridique et qu'ils ne peuvent contredire une définition légale ou règlementaire, ni reprocher à la société Electricité de France de s'être fondée sur des textes postérieurs au litige et non rétroactifs dès lors que ces éléments ne sont pas le fondement légal de la décision attaquée.
7. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner la publication d'un arrêt, par voie de presse. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Electricité de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Vinovalie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Electricité de France.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société coopérative agricole Vinovalie est rejetée.
Article 2 : La société coopérative agricole Vinovalie versera à la société Electricité de France la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole Vinovalie et à la société Electricité de France.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21TL20201