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20/07/2023 | FRANCE | N°20TL02456

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juillet 2023, 20TL02456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 juillet 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Gard a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante familiale.

Par un jugement n° 1800709 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et a enjoint au président du conseil départemental du Gard de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jug

ement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 juillet 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Gard a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante familiale.

Par un jugement n° 1800709 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et a enjoint au président du conseil départemental du Gard de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020 sous le n° 20MA02456 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 20TL02456 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le département du Gard, représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé sa réponse du 12 mai 2020 à la demande du tribunal sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont soumis au débat contradictoire ni sa réponse du 12 mai 2020 ni sa note en délibéré du 16 mai 2020 ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur sa demande de réouverture de l'instruction ;

- les conditions de l'agrément accordé à Mme B... n'étaient plus remplies le 17 juillet 2017, date de la décision de retrait de cet agrément.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du département du Gard.

Une mise en demeure de produire une défense a été adressée à Mme B..., représentée par Me Aubert, qui en a accusé réception le 18 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était titulaire d'un agrément d'assistante familiale pour l'accueil permanent de trois enfants, renouvelé en dernier lieu le 19 octobre 2015. A la fin de l'année 2015, elle a informé le département du Gard de faits présumés d'abus sexuels commis sur I..., une fillette dont elle avait la garde, par son ex-époux, M. A..., également assistant familial agréé par le département et dont elle était séparée depuis 2013. Son agrément a été maintenu à l'issue d'une première enquête administrative. Toutefois, à l'issue d'une seconde enquête administrative engagée en février 2017, le président du conseil départemental a suspendu l'agrément de Mme B... durant quatre mois à compter du 11 mars 2017, avant de le retirer par une décision du 17 juillet 2017. Par un jugement du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision de retrait d'agrément au motif qu'elle était entachée d'erreur d'appréciation et a enjoint au président du conseil départemental de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de trois mois. Le département du Gard relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " et aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, notamment de suspicions d'agression sexuelle, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ordonnance du 6 janvier 2023 de requalification et de mise en accusation de M. A... devant la cour criminelle départementale de l'Hérault pour des faits qui souvent auraient été commis au domicile conjugal, d'une part, que M. A... est mis en accusation pour les crimes de pénétration sexuelle commis entre 1991 et octobre 2015 sur cinq mineurs de quinze ans (H..., nièce de M. A..., pour des faits commis au cours de l'année 1991 ; J..., une fillette dont M. A... avait la garde en tant qu'assistant familial, pour des faits commis entre février 2011 et août 2013 ; I..., K... et G..., trois fillettes dont Mme B... avait la garde en tant qu'assistante familiale, pour des faits commis respectivement, entre juillet 2013 et octobre 2015, entre janvier 2006 et décembre 2012, et entre janvier 2003 et décembre 2012) et pour le délit d'atteinte sexuelle commis entre 2003 et 2012 sur L..., une fillette dont M. A... avait la garde.

5. Mme B... a indiqué lors de son audition le 10 juillet 2015, dans le cadre de l'enquête ouverte à la suite de la plainte de la mère de J... concernant les faits qui aurait été commis par M. A... sur cette fillette, que ce dernier était inscrit sur plusieurs sites de rencontre et qu'elle l'avait surpris de nombreuses fois en train de regarder des films pornographiques dans le logement où elle accueillait des enfants. Elle a également indiqué qu'ils avaient divorcé en raison du comportement sexuel de M. A.... Par ailleurs, elle a indiqué que les fillettes confiées à la garde du couple se douchaient toutes seules et qu'elle interdisait à son ex-époux d'entrer dans la douche, qu'elle n'avait pas remarqué de changement dans le comportement des fillettes accueillies à l'égard de son ex-époux qui était " très tactile avec elles malgré [sa] désapprobation ". Elle a confirmé les propos de K... selon lesquels celle-ci et G... lui avaient demandé une clé de leur chambre et qu'elle ne la leur avait pas donnée. Enfin, elle a indiqué qu'elle laissait parfois les fillettes confiées à la garde du couple seules avec M. A.... Dans ce contexte, le président du conseil départemental a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que les conditions d'accueil par Mme B... ne garantissaient plus la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants qui lui avaient été confiés, même si M. A..., qui était lui-même assistant familial agréé par le département, avait quitté le domicile conjugal à la fin de l'année 2013.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 17 juillet 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Gard a retiré l'agrément de Mme B... en tant qu'assistante familiale était entachée d'erreur d'appréciation et l'ont, en conséquence, annulée.

7. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B....

En ce qui concerne les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige : " Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département. (...) ". La décision de retrait contestée a été signée par Mme D... C..., directrice adjointe de l'enfance et de la petite enfance en charge de la protection maternelle et infantile. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a reçu délégation à cet effet par un arrêté du président du conseil départemental du Gard du 3 juillet 2017, transmis à la préfecture et affiché par le département le jour-même. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de retrait d'agrément ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision de retrait comporte les éléments de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation notamment en fait doit être écarté.

10. En troisième lieu, à supposer que Mme B... ait entendu invoquer un vice de procédure tiré du défaut d'impartialité de l'autorité administrative, la circonstance que le rapport d'enquête préalable à la décision critiquée serait fondé, pour partie, sur des éléments recueillis par Mme E..., qui était le superviseur de M. A..., ne permet pas de considérer que la décision de retrait d'agrément aurait été prise à l'issue d'une procédure entachée de partialité. Par ailleurs, la circonstance que M. A... était lui-même titulaire d'un agrément en qualité d'assistant familial est sans incidence à cet égard.

11. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté contractuelle est inopérant à l'encontre de la décision de retrait d'agrément, qui est une décision unilatérale et non pas un contrat. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance du principe de bonne foi.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens relatifs à la régularité du jugement, que le département du Gard est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes annulé la décision du 17 juillet 2017 par laquelle il a retiré l'agrément d'assistante familiale de Mme B... et lui a enjoint de réexaminer la demande de cette dernière.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département du Gard présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1800709 du 20 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du département du Gard tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Gard et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL02456 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL02456
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02-02-01 Aide sociale. - Différentes formes d'aide sociale. - Aide sociale à l'enfance. - Placement des mineurs. - Placement familial.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : AUBERT STÉPHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;20tl02456 ?
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