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06/07/2023 | FRANCE | N°21TL22799

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 21TL22799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente, le 6 novembre 2018, d'un bien immobilier situé à Septfonds (Tarn-et-Garonne).

Par un jugement n° 1904479 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021 sous le n° 21BX02799

au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL22799 au greff...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente, le 6 novembre 2018, d'un bien immobilier situé à Septfonds (Tarn-et-Garonne).

Par un jugement n° 1904479 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021 sous le n° 21BX02799 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL22799 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A..., représentée par Me Fontaine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente du 6 novembre 2018 ;

3°) d'ordonner la restitution avec intérêts au taux légal des sommes versées à ce titre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 12 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'entre pas dans le champ d'application des articles L. 111-2-1 et L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale ;

- elle ne remplit pas les conditions prévues aux articles L. 136-1 et L. 136-6 du code de la sécurité sociale ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ce que l'administration a admis à deux reprises le bien-fondé de ses arguments et d'une note circulaire publiée sur le site internet de la direction générale des finances publiques ;

- les impositions contestées méconnaissent le principe d'unicité de la législation sociale dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- la décision n° 2013-755 UE du Conseil du 25 novembre 2013 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... fait appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente, le 6 novembre 2018, d'un bien immobilier situé à Septfonds.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 164 B du code général des impôts : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, au 6 ter de l'article 39 duodecies et au f du 1° du II de l'article 239 nonies, lorsqu'elles sont relatives : 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens (...) ". L'article 244 bis A du même code dispose que : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1600-0 D du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les produits de placements est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale ". Le I bis de l'article L. 136-7 de ce dernier code dispose que : " Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques ". Ces personnes sont également assujetties à une contribution pour le remboursement de la dette sociale en vertu de l'article 1600-0 H du code général des impôts, à un prélèvement social en application de l'article 1600-0 F bis du même code, applicable au présent litige, à une contribution additionnelle au prélèvement social en vertu de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, alors en vigueur, ainsi qu'à un prélèvement de solidarité en application de l'article 1600-0 S du code général des impôts, également applicable au présent litige.

4. Il résulte de ce qui précède que la plus-value réalisée par Mme A..., qui est fiscalement domiciliée en Polynésie française, à l'occasion de la vente du 6 novembre 2018 a été soumise à bon droit à la contribution sociale généralisée, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au prélèvement social prévu par l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, à la contribution additionnelle au prélèvement social et au prélèvement de solidarité. Les circonstances que Mme A..., qui n'est pas fiscalement domiciliée en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, n'a pas droit à une prise en charge des frais de santé assurée par la sécurité sociale, qu'elle n'est pas affiliée à un régime obligatoire de sécurité sociale en vertu de l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale et qu'elle ne remplit pas les conditions d'assujettissement prévues aux articles L. 136-1 et L. 136-6 du code de la sécurité sociale sont sans incidence sur le bien-fondé des contributions sociales en litige.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 198 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, figurant dans sa quatrième partie : " Les États membres conviennent d'associer à l'Union les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés " pays et territoires ", sont énumérés à la liste qui fait l'objet de l'annexe II (...) ". L'article 202 du même traité prévoit que : " Sous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l'ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des actes adoptés conformément à l'article 203 (...) ". Aux termes enfin de l'article 355 du même traité : " (...) 2. Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie (...) ". La Polynésie française est mentionnée dans la liste figurant à l'annexe II du traité. Par ailleurs, ainsi que cela résulte notamment de la décision 2013/755/UE du Conseil du 25 novembre 2013 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne, aucune décision d'association n'est intervenue en application de l'article 202 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

6. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ". L'article 11 du même règlement dispose que : " 1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre (...) ".

7. Enfin, l'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil n'a pas été expressément étendue dans les pays et territoires d'outre-mer, en particulier la Polynésie française. En conséquence, Mme A..., qui est domiciliée fiscalement en Polynésie française et qui est affiliée à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, et non à un régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Suisse au sens de ce règlement, ne peut utilement se prévaloir du principe d'unicité de législation posé par l'article 11 de ce règlement, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment à l'occasion de son arrêt n° C-623/13 du 26 février 2015, ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, alors même que certaines des contributions en litige participent au financement de régimes obligatoires de sécurité sociale et présentent un lien direct et pertinent avec certaines branches de sécurité sociale.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Mme A... n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une publication de la direction générale des finances publiques, qui précise que " (...) les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un des pays entrant dans le champ d'application territorial des règlements communautaires ne peuvent pas être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine (...). En effet, le produit de ces prélèvements est destiné à financer des prestations qui ne bénéficient qu'aux seules personnes assurées au régime français de sécurité sociale (...) " et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

9. Les décisions de l'administration d'accorder le dégrèvement des contributions sociales auxquelles Mme A... avait été assujettie à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de deux ventes réalisées en 2014 de biens immobiliers situés en France, qui ne sont pas motivées, ne constituent pas des prises de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Dès lors, la requérante ne peut s'en prévaloir sur le fondement de cet article.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que le remboursement des contributions en litige soit assorti des intérêts au taux légal doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22799
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : FONTAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-06;21tl22799 ?
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