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06/07/2023 | FRANCE | N°21TL01154

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 21TL01154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Roussillon Salaisons a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, d'une part, des exercices clos de 2006 à 2016, d'autre part, des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1904070 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Roussillon Salaisons a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, d'une part, des exercices clos de 2006 à 2016, d'autre part, des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1904070 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021 sous le n° 21MA01154 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01154 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 30 juillet 2021 et le 1er juin 2023, la société Roussillon Salaisons, représentée par Me Germa et Me Bensetti, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, d'une part, des exercices clos de 2006 à 2016, d'autre part, des exercices clos en 2014 et 2015.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en retenant que son ancien président a reconnu avoir perçu la somme de 100 000 euros en espèces chaque année de 2006 à 2015, sur la base d'extraits de procès-verbaux d'auditions reproduits dans la proposition de rectification, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et entaché leur jugement d'irrégularité ;

- en ne tenant compte que des éléments apportés par l'administration fiscale, sans prendre en considération les pièces de procédure pénale qu'elle produisait, le tribunal a méconnu le principe d'égalité des armes et le droit à un procès équitable garantis par le 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les propositions de rectification qui lui ont été adressées étaient insuffisamment motivées, la privant de débat oral et contradictoire ;

- elle ne pouvait faire l'objet de rectifications portant sur les exercices clos de 2006 à 2013 dès lors que les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales prévoyant un délai de reprise de dix ans n'étaient pas applicables ;

- le jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal correctionnel de Perpignan a prononcé la relaxe de son ancien président du chef d'abus de biens sociaux, qui est revêtu de l'autorité de la chose jugée, remet en cause les rectifications opérées ;

- l'administration fiscale ne démontre pas le caractère non probant de sa comptabilité ;

- l'administration, qui a la charge de la preuve, n'établit pas que les rectifications étaient justifiées ;

- la méthode de reconstitution retenue par l'administration est imprécise et radicalement viciée et les impositions supplémentaires ne sont pas justifiées ;

- la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-20 n° 200 du 12 septembre 2012 prévoit que la méthode de reconstitution doit être clairement et expressément exposée et que les renseignements donnés par le contribuable doivent être soigneusement étudiés ;

- la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés entraîne celle des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 9 juin 2021, le 19 novembre 2021 et le 2 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Roussillon Salaisons.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bensetti pour la société Roussillon Salaisons.

Considérant ce qui suit :

1. La société Roussillon Salaisons, qui a pour activité principale la vente de produits de charcuterie, salaisons, plats cuisinés et fromages, fait appel du jugement du 1er février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre, d'une part, des exercices clos de 2006 à 2016, d'autre part, des exercices clos en 2014 et 2015. Ces impositions procèdent de la réintégration dans les recettes de la société, par le service vérificateur, de sommes versées en espèces par des fournisseurs à la personne qui a été son président et actionnaire principal jusqu'en 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la société Roussillon Salaisons ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une dénaturation des pièces du dossier, en estimant que les sommes réintégrées dans les bénéfices imposables de l'ensemble des exercices en litige étaient justifiées par les procès-verbaux d'auditions de son ancien président dont les extraits étaient reproduits dans les propositions de rectification.

3. En second lieu, la circonstance alléguée que le tribunal a tenu compte des éléments apportés par l'administration fiscale, sans prendre en considération les pièces de procédure pénale produites par la société Roussillon Salaisons, ne caractérise pas une méconnaissance du principe d'égalité des armes et du droit à un procès équitable, tels que garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

5. Les deux propositions de rectification que le service a adressées le 28 avril 2017 à la société Roussillon Salaisons comportaient les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant à la contribuable de présenter utilement ses observations. Elles reproduisaient les passages de procès-verbaux d'auditions de l'ancien dirigeant de la société Roussillon Salaisons, sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions. Elles précisaient en particulier que le service proposait de réintégrer les sommes déclarées par l'intéressé comme lui ayant été versées chaque année directement par des fournisseurs au motif qu'elles étaient réputées correspondre à des recettes professionnelles non déclarées et non comptabilisées. Ces éléments étaient suffisants, alors que le service vérificateur n'a utilisé aucune méthode particulière de reconstitution du chiffre d'affaires de la société Roussillon Salaisons, pour permettre à cette dernière d'engager une discussion sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification, qui aurait privé la contribuable de débat oral et contradictoire, manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". D'une part, pour l'application de ces dispositions aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet. Lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de ces dispositions, le délai spécial de reprise qu'elles prévoient est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire. D'autre part, des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de ces mêmes dispositions lorsque l'administration fiscale dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration fiscale dispose de ces informations, le délai normal de reprise est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition. La circonstance que ces informations seraient ultérieurement mentionnées dans une procédure judiciaire n'ouvre pas à l'administration le droit de se prévaloir de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors qu'en pareille hypothèse, ces informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par cette instance.

7. Le service vérificateur a exploité les renseignements issus de la transmission d'un bulletin de signalement fiscal établi le 20 février 2016 par le groupement d'intervention régionale de la gendarmerie et portant sur des extraits de procès-verbaux de deux auditions de l'ancien dirigeant de la société Roussillon Salaisons. Il résulte des mentions des propositions de rectification du 28 avril 2017 que ce signalement fiscal mettait en exergue des marges arrières non déclarées consenties par les fournisseurs espagnols à la société Roussillon Salaisons. Ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l'administration de faire usage des procédures d'investigation dont elle dispose pour établir les insuffisances ou omissions d'imposition, ce qu'elle a d'ailleurs fait en obtenant les procès-verbaux en cause dans le cadre du droit de communication exercé le 12 décembre 2016 auprès du tribunal de grande instance de Perpignan et complété le 13 janvier 2017. Il n'est pas contesté que, lorsque l'administration a réceptionné le bulletin de signalement, l'instance devant une juridiction répressive n'était pas encore ouverte. Ces informations ne pouvant, en conséquence, être regardées comme lui ayant été révélées par l'instance ouverte ultérieurement, l'administration fiscale ne pouvait, par suite, après l'ouverture de l'instruction pénale, procéder à la rectification des résultats de la société Roussillon Salaisons au titre des années antérieures à 2014 sur le fondement de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la prescription du droit de reprise s'agissant des exercices clos de 2006 à 2013 doit être accueilli.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la vérificatrice n'a pas procédé à une reconstitution extra comptable de l'ensemble des recettes de la société Roussillon Salaisons au cours des exercices vérifiés, mais a seulement ajouté aux recettes déclarées des sommes versées par des fournisseurs à son ancien dirigeant. Elle pouvait procéder ainsi sans avoir préalablement rejeté la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne démontre pas le caractère non probant de la comptabilité doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que l'ancien dirigeant de la société Roussillon Salaisons a reconnu, dans le cadre d'auditions tenues à l'occasion de la procédure pénale diligentée contre lui, qu'il avait mis en place à son profit un système de rétro-commissions durant vingt ans avec plusieurs fournisseurs espagnols de la société. Il indiquait par ailleurs qu'il avait à ce titre perçu en espèces " environ 100 000 euros en 2015, 110 ou 115 000 euros en 2014 et 115 000 en 2013 " et qu'il ne tenait " aucune comptabilité de ces rétro-commissions ". Ce témoignage, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il a été fidèlement retranscrit dans les propositions de rectification adressées à la société, n'est pas remis en cause par les allégations de cette dernière relatives, d'une part, aux conditions matérielles de la tenue des auditions, d'autre part, à la réalisation de marges cohérentes au regard de son volume d'affaires et de son secteur d'activité, enfin, à la pratique de prix d'achats excluant toute possibilité de rétro-commissions. Les extraits cités par la société requérante de l'audition du 4 mai 2017, faisant état de l'exercice par son ancien dirigeant d'une activité consistant en la transmission d'informations commerciales sur le marché français à ses fournisseurs espagnols, ne contredisent pas les déclarations retenues par l'administration fiscale. Dans ces conditions, l'administration fiscale a pu prendre en compte l'existence et les montants des rétro-commissions mentionnés dans les procès-verbaux d'auditions et retenir un montant annuel de sommes perçues s'élevant à au moins 100 000 euros pour, notamment, les années 2013 et 2015. Cette évaluation n'est pas remise en cause par le contenu du réquisitoire définitif du 6 juin 2018 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, qui se borne à relever que la somme des rétro-commissions perçues sur vingt ans a été évaluée par les enquêteurs à 1 258 000 euros et qu'elle n'atteignait pas le montant de l'argent liquide découvert au domicile de l'intéressé. Elle n'est pas davantage remise en cause par le caractère variable des volumes d'achats de la société Roussillon Salaisons. Il en résulte que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que l'ancien dirigeant de la société Roussillon Salaisons a perçu des rétro-commissions d'un montant de 110 000 euros en 2014 et de 100 000 euros en 2013 et 2015. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui n'a pas eu recours à une méthode de reconstitution imprécise ou radicalement viciée, a considéré que ces sommes correspondaient, pour la société Roussillon Salaisons, à des recettes professionnelles non déclarées et non comptabilisées et les a réintégrées dans ses résultats pour chacun des exercices restant en litige.

11. La société Roussillon Salaisons n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-20 n° 200 du 12 septembre 2012 qui prévoit que la méthode de reconstitution doit être clairement et complètement exposée et que les renseignements donnés par le contribuable doivent être soigneusement étudiés et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

12. En quatrième lieu, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

13. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 12 février 2019, le tribunal correctionnel de Perpignan a relaxé l'ancien président de la société Roussillon Salaisons des fins de poursuite pour abus des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles. La société requérante ne peut toutefois se prévaloir, s'agissant de la réalité des rétributions obtenues par ce dernier, de l'autorité absolue qui s'attache à ce jugement, dès lors qu'il n'a pour seul motif " qu'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer (...) pour les faits " relevant de cette qualification pénale, sans mentionner expressément les constatations de fait que le tribunal correctionnel a entendu retenir pour prononcer la relaxe. Par suite, alors même que la proposition de rectification du 4 mai 2017 adressée à son ancien dirigeant fait référence aux poursuites pénales engagées à l'encontre de ce dernier, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement, à supposer qu'il soit devenu définitif, doit être écarté.

14. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la société Roussillon Salaisons doit être déchargée des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises contestés en conséquence de la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie doit être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

16. L'administration a relevé l'existence d'un procédé mis en place durant vingt ans par l'ancien président et actionnaire principal de la société Roussillon Salaisons et consistant en la perception par ce dernier de rétro-commissions établies en fonction du volume d'achats effectués auprès de fournisseurs espagnols, s'élevant à environ 100 000 euros par an et versées en espèces sans être déclarées ou comptabilisées dans les écritures de la société. L'intéressé a par ailleurs admis avoir mis en place ce procédé afin d'éluder, en particulier, l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, l'administration établit, eu égard d'ailleurs à l'importance des sommes en cause, à la répétition des impositions éludées et à la position de cet ancien dirigeant au sein de la société, le manquement délibéré de cette dernière. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que la société Roussillon Salaisons est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions en décharge des impositions supplémentaires en litige au titre des exercices clos antérieurement à l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Roussillon Salaisons au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La société Roussillon Salaisons est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2006 à 2013.

Article 2 : Le jugement n° 1904070 du tribunal administratif de Montpellier du 1er février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Roussillon Salaisons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Roussillon Salaisons est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Roussillon Salaisons et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL01154 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01154
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET HERVE GERMA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-06;21tl01154 ?
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