Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux demandes distinctes, l'annulation de la décision implicite par laquelle la préfète du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel la même autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n°s 2202640 et 2202759 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté de la préfète du Gard du 19 avril 2022 et a enjoint à cette dernière de délivrer à Mme B... un titre de titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, et un mémoire en réplique du 2 mai 2023, la préfète du Gard demande :
1°) l'annulation du jugement du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes
2°) le rejet de la demande de Mme B....
Elle soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision de refus de séjour n'est entachée d'aucune erreur manifeste quant à l'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme B... au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, situation qui doit être appréciée à la date à laquelle l'arrêté concerné a été pris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Chabbert Masson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la préfète du Gard ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.Bentolila, président-assesseur,
- et les observations de Me Chabbert Masson, représentant Mme B..., également présente à l'audience
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 21 juillet 2001, est entrée en France le 15 juillet 2017 munie d'un visa court séjour délivré par les autorités françaises. La préfète du Gard, après rejet implicite de sa demande de titre de séjour présentée le 18 décembre 2020, a, par un arrêté du 19 avril 2022, refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. Par un jugement du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'annulation de la décision implicite de refus de la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., a annulé l'arrêté du 19 avril 2022 et a enjoint à la préfète de délivrer à Mme B... un titre de titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement.
3. La préfète du Gard relève appel du jugement précité, en tant qu'il annule l'arrêté du 19 avril 2022 et lui enjoint de délivrer à Mme B... un titre de titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien :
4. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
5. D'autre part, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il résulte des stipulations précitées que leur application est subordonnée à la question de l'ancienneté de la présence en France et à l'existence et à l'intensité des liens familiaux et personnels en France.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme B..., ressortissante algérienne née le 21 juillet 2001, a, dès son arrivée en France le 15 juillet 2017, été scolarisée au lycée Jacques Prévert, de Saint-Christol-lez-Alès (Gard), soit dans une commune proche de celle d'Anduze, où résidait sa tante, Mme C..., en situation régulière en France. Elle a obtenu un baccalauréat scientifique, le 10 juillet 2020, s'est ensuite inscrite au titre de l'année scolaire 2020-2021 en sciences du langage à l'université Paris 8 de Vincennes-Saint-Denis, puis, au titre de l'année universitaire 2021-2022 à l'institut de formation en soins infirmiers relevant du centre hospitalier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
8 .Si la préfète du Gard fait valoir que la réalité et l'intensité des liens que Mme B... indique entretenir avec sa tante ne serait pas établie dès lors que l'intéressée a fait le choix de poursuivre des études en région parisienne, l'intimée fait valoir que la poursuite de ses études en région parisienne ne résulte pas d'un choix, mais de contraintes liées notamment au fait que les taux d'accès aux écoles d'infirmiers de Nîmes et d'Alès sont très faibles, et qu'elle a dès lors postulé dans des écoles d'infirmiers telles que celle de Saint-Denis, dans laquelle elle a été admise. Par ailleurs, le fait que, dans le cadre de ses études en région parisienne, Mme B... était à la date des décisions en litige hébergée chez une personne âgée, et ce depuis le 20 juillet 2020, n'est pas de nature dans les circonstances de l'espèce, à remettre en cause la nature des liens entretenus avec sa tante, laquelle l'a prise en charge depuis son entrée en France .
9. En conséquence, la préfète du Gard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a estimé qu'elle avait commis une erreur d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intimée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Gard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 19 avril 2022.
Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète du Gard est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme A... B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Gard
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00044
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