La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2023 | FRANCE | N°21TL04740

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 27 juin 2023, 21TL04740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et son assureur, la société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault à leur verser les sommes respectives de 100 260,28 euros et 410 551 euros en réparation des conséquences dommageables liées à l'incendie d'une maison d'habitation et de son annexe survenu le 18

février 2016.

Par un jugement n° 2004322 du 9 novembre 2021, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et son assureur, la société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault à leur verser les sommes respectives de 100 260,28 euros et 410 551 euros en réparation des conséquences dommageables liées à l'incendie d'une maison d'habitation et de son annexe survenu le 18 février 2016.

Par un jugement n° 2004322 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le 15 décembre 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, des pièces et un mémoire, enregistrés les 16 septembre et 10 novembre 2022, M. A... et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, représentés par Me Lafont, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2021 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault à leur verser les sommes respectives de 100 260,28 euros et 410 551 euros en réparation des préjudices résultant de l'incendie d'une maison d'habitation et de son annexe survenu le 18 février 2016, sur le fondement des fautes commises, pour la première, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale en matière de défense extérieure contre les incendies et, pour le second, dans la mise en œuvre des moyens de lutte contre l'incendie ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Vic-la-Gardiole et du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- la commune de Vic-la-Gardiole a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en ne respectant pas son obligation d'assurer la défense extérieure contre l'incendie alors que, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise et du compte-rendu d'intervention, l'incendie qui s'est déclaré, le 18 février 2016, dans un atelier avant de se propager à l'ensemble de sa maison, est survenu en raison d'un manque d'eau ;

- il est établi que le manque d'eau pour lutter efficacement contre l'incendie est imputable, à la fois, à l'absence de poteau d'incendie à proximité de la propriété de M. A... et à l'insuffisance des moyens affectés par le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'absence de point d'eau mobilisable pour permettre au service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault de lutter contre l'incendie de la maison constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cette commune ;

- en revanche, le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault a commis une faute dans la mise en œuvre des moyens de lutte contre l'incendie dès lors que ce n'est que 31 minutes après la première demande de renfort qu'un porteur d'eau est arrivé sur les lieux et ce n'est que 18 minutes après que cet engin a pu être mobilisé de sorte que les pompiers ont été privés de tout moyen de lutte contre l'incendie pendant près de 49 minutes ;

- ni le mode constructif de la maison ni la présence d'un tas de bois adossé contre le mur de celle-ci ne constituent des fautes de nature à exonérer totalement le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault de sa responsabilité ;

- par leurs fautes combinées, la commune de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault ont contribué à l'aggravation des dommages à hauteur de 80 % dès lors que la continuité des moyens de lutte contre l'incendie aurait pu permettre d'éviter la propagation du feu sur la maison si la mobilisation de la citerne de Cournonterral avait été demandée dès le premier appel alors que le foyer initial était, quant à lui, presque maîtrisé ;

- il existe un lien de causalité direct et certain entre les fautes de la commune et du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault et la propagation de l'incendie ;

- la société d'assurance MAIF est fondée à demander une indemnisation de 410 551 euros, représentant une part de 80 % sur la somme totale de 513 188,70 euros versée à son assuré, laquelle se décompose comme suit :

* 428 325,64 euros au titre du coût de reconstruction de la maison dont 368 958 euros ont été réglés par l'assureur et 59 367,64 euros sont restés à la charge de la victime ;

* 3 600 euros au titre des honoraires de l'architecte et 12 378,25 euros au titre des frais de maîtrise d'œuvre ;

* 28 800 euros au titre des frais de démolition ;

* 2 299,02 euros au titre d'une étude thermique et de frais de fixation d'une torsade électrique sur la façade ;

* 8 608 euros au titre des frais de relogement des époux A... ;

* 82 540,29 euros au titre de l'indemnisation du mobilier dont 62 euros au titre de l'indemnisation de lunettes de vue ;

* 6 005,16 euros au titre des frais d'expertise ;

- M. A... est fondé à demander une indemnité de 100 260,28 euros, représentant une part de 80 % sur la somme totale de 125 325,35 euros restée à sa charge, laquelle se décompose comme suit :

* 135 euros de frais de franchise contractuelle ;

* 65 822,71 euros au titre du préjudice mobilier non pris en charge par son assureur ;

* 59 367,64 euros au titre des frais de reconstruction de la maison restés à sa charge.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars et 23 novembre 2022, le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, représenté par Me Vallet, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. A... et de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France ;

2°) à titre incident, si sa responsabilité devait être engagée, d'évaluer la perte de chance de sauver l'ensemble immobilier et les biens immobiliers à hauteur de 10 % maximum, de retenir l'existence d'une faute commise par M. A... dans la survenance de l'incendie et de condamner la commune de Vic-la-Gardiole à le garantir et à le relever de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'aucune faute ne lui est imputable dans la gestion de l'incendie en litige ;

- le rapport d'expertise n'établit pas avec certitude qu'un meilleur approvisionnement en eau aurait permis de circonscrire l'incendie et de sauver tout ou partie de la maison ;

- la défense extérieure contre l'incendie qui a pour objet d'assurer l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin reste placée sous l'autorité du maire au titre de ses pouvoirs de police ;

- tout bâtiment étant réputé bénéficier d'une défense extérieure contre l'incendie dont l'implantation relève de la responsabilité de la commune, il ne lui appartenait ni de mener des investigations sur les " hydrants " (bouches et poteaux d'incendie) existants, ni d'anticiper l'absence de poteau d'incendie pouvant desservir la propriété de M. A... de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de s'être présenté sur les lieux au moyen d'un porteur d'eau ;

- conformément à l'article 2.5.3 du règlement opérationnel du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, la gestion et l'entretien des infrastructures communales de distribution d'eau concourant aux opérations de lutte contre les incendies incombent aux communes et il ne lui appartenait pas de vérifier l'état de fonctionnement de la bouche d'incendie référencée n° 8 dès que ce point d'eau était, en tout état de cause, trop éloigné et séparé de la maison par une voie ferrée ce qui le rendait inutilisable ;

- il a fait preuve de diligence et de réactivité en demandant un porteur d'eau trois minutes après l'arrivée sur place, par un appel lancé à 14 heures 26, soit dès que le risque de manque d'eau a été identifié tandis que l'appel émis à 14 heures 40 ne constitue qu'une réitération de ce besoin ;

- à supposer même que le porteur d'eau soit arrivé plus tôt, la maison s'était déjà embrasée sous l'effet de l'incendie avant l'arrivée des secours ;

- le déploiement du porteur d'eau pour poursuivre les actions d'extinction de l'incendie a été légitimement retardé au profit des opérations de sauvetage du binôme de pompiers en difficulté engagés dans la lutte contre le feu ;

- l'arrivée du porteur d'eau sur place a été compliquée par la configuration des lieux et l'étroitesse du chemin d'accès, ainsi qu'en atteste le bris d'une vitre du véhicule par une branche, tandis que le fourgon " mousse grande puissance " a été ralenti par un accident de la circulation survenu à Sète et par la présence d'un convoi exceptionnel ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre son intervention et le manque d'eau dès lors que la propagation de l'incendie a été facilitée par la présence d'importantes charges calorifiques et le mode constructif de la maison ;

- à titre subsidiaire, il existe des causes exonératoires de responsabilité en ce que, d'une part, la présence de bois de vigne disposé le long du mur de la maison ayant rapidement pris le relais du foyer initial constitue une faute de la victime de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité et, d'autre part, le mode constructif de la maison a contribué à la vitesse de propagation du feu et constitue une cause exonératoire partielle de responsabilité ;

- à titre plus subsidiaire, le préjudice dont se prévalent les appelants ne constitue qu'une perte de chance de maîtriser le feu avant qu'il ne détruise la maison laquelle est, en l'espèce nulle, dès lors que dès les premiers appels, les témoins ont indiqué que le feu avait gagné la maison ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2023, la commune de Vic-la-Gardiole, représentée par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et à ce que M. A... et la société Mutuelle Assurance des Instituteurs de France lui versent solidairement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en renvoyant à ses écritures de première instance, que :

- le maire de la commune n'a commis aucun manquement dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de défense extérieure contre l'incendie dès lors que la bouche d'incendie n° 8, qui se trouvait à une distance au sol de 305 mètres du lieu du sinistre, était en parfait état de fonctionnement et disposait du débit d'eau nécessaire tandis qu'il existait un point d'eau naturel, le ruisseau " La Robine ", situé à seulement 110 mètres du lieu de l'incendie et accessible en ligne droite ;

- en tout état de cause, avant la survenance de l'incendie du 18 février 2016, il n'existait pas de cadre légal régissant les obligations des communes en matière de défense extérieure contre l'incendie, le référentiel national et le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie auxquels renvoie le décret n° 2015-235 du 27 février 2015 relatif à la défense extérieure contre l'incendie n'ayant été publiés respectivement que le 15 décembre 2015 et le 9 octobre 2017 ;

- eu égard à la date des faits en litige, seule une circulaire du 10 décembre 1951 sur la sécurité incendie complétée par une circulaire du 9 août 1967 du ministère de l'agriculture comportant de simples recommandations trouvait à s'appliquer tandis que la maison incendiée est classée en zone agricole dans le plan local d'urbanisme, zone qui ne présente pas de risques particuliers et que la synthèse réalisée par la société Suez en 2016 indique que le territoire de la commune de Vic-la-Gardiole dispose d'un très bon niveau de couverture incendie ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre le manque en eau et les conséquences dommageables de l'incendie dès lors que la retranscription des conversations téléphoniques issues des premiers appels signalant l'incendie démontrent que la maison était déjà pour partie embrasée avant l'arrivée des secours tandis que le bâtiment comportait d'importantes charges calorifiques ;

- les caractéristiques du bâtiment et le stockage de bois qui ont contribué à la propagation de l'incendie constituent une faute de la victime de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis et certaines indemnités conduisent à apporter une plus-value à l'ouvrage sinistré ;

- l'indemnité de 100 260,28 euros réclamée par M. A... excède la somme de 52 766,16 euros réclamée dans le cadre de sa demande préalable ;

- il y a lieu de tenir compte de la vétusté de la maison.

Un mémoire, présenté pour M. A... et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France a été enregistré le 7 avril 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, en dernier lieu, au 31 janvier 2023 à 12 heures, par une ordonnance du 2 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Bonnet, représentant la commune de Vic-la-Gardiole, et de Me Fontaine, représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 février 2016, un incendie s'est déclaré dans une annexe attenante à la maison d'habitation de M. A... située à Vic-la-Gardiole (Hérault). En dépit de l'intervention du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, le feu s'est propagé à l'ensemble de la maison, laquelle a été totalement détruite avant de faire l'objet d'un arrêté de péril imminent. Estimant que le maire de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault avaient commis des fautes, respectivement pour le premier, dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de défense extérieure contre les incendies et, pour le second, dans la mise en œuvre des moyens de lutte contre l'incendie, M. A... et son assureur, la société Mutuelle assurance des instituteurs de France ont, par des courriers des 3 et 4 juin 2020, présenté des demandes préalables d'indemnisation, lesquelles ont été implicitement rejetées. M. A... et la société Mutuelle assurances des instituteurs de France, s'estimant subrogée dans les droits de celui-ci, relèvent appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault et la commune de Vic-la-Gardiole à leur verser respectivement les sommes de 100 260,28 euros et 410 551 euros représentant une part de 80 % des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'incendie précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1424-3 du même code : " Les services d'incendie et de secours sont placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police ".

3. L'article L.2212-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " et son article L. 2212-2 dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. / Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies (...) ".

4. En application de l'article L. 2213-32 du même code, le maire assure la défense extérieure contre l'incendie, laquelle est placée sous son autorité et " a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à prendre en compte, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin ", selon les dispositions de l'article L. 2225-1 du même code. L'article L. 2225-2 du code général des collectivités territoriales précise que : " Les communes sont chargées du service public de défense extérieure contre l'incendie et sont compétentes à ce titre pour la création, l'aménagement et la gestion des points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. Elles peuvent également intervenir en amont de ces points d'eau pour garantir leur approvisionnement ". Sur renvoi de l'article L. 2225-4 du code général des collectivités territoriales, l'article R. 2225-1 du même code dispose que : " Pour assurer la défense extérieure contre l'incendie, les points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours sont dénommés " points d'eau incendie ". / Les points d'eau incendie sont constitués d'ouvrages publics ou privés utilisables en permanence par les services d'incendie et de secours. Outre les bouches et poteaux d'incendie normalisés, peuvent être retenus à ce titre des points d'eau naturels ou artificiels et d'autres prises d'eau. / La mise à disposition d'un point d'eau pour être intégré aux points d'eau incendie requiert l'accord de son propriétaire. / Tout point d'eau incendie est caractérisé par sa nature, sa localisation, sa capacité et la capacité de la ressource qui l'alimente ".

5. Aux termes de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-1, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. / La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage ".

6. Il résulte de ces dispositions que, si la responsabilité de la commune, à laquelle incombe notamment le soin de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours, est susceptible d'être engagée par toute faute commise dans l'exercice de ces attributions, celles des fautes qui seraient commises, dans cet exercice, par un service relevant d'une autre personne morale que la commune, sont de nature à atténuer la responsabilité de cette dernière, sous réserve que la commune ou les victimes du dommage aient mis en cause la responsabilité de ce service devant le juge administratif.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Vic-la-Gardiole :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal et des pièces versées au dossier, que la bouche d'incendie n° 8, point d'eau le plus proche du lieu du sinistre sur les 39 points d'eau que comporte le territoire de la commune de Vic-la-Gardiole, se situait à une distance de 300 mètres à vol d'oiseau de l'incendie et incluait le franchissement d'une voie ferrée, compromettant, dès lors, son utilisation par les services de secours, lesquels ont dû se résoudre à employer des engins porteurs d'eau. Il résulte également de l'instruction, éclairée par le compte-rendu d'intervention établi par le chef de groupe, qu'à la suite de l'appel de Mme A... à 14 heures 07, indiquant que sa maison était en train de brûler et que le feu a gagné la véranda, ce qui témoigne de sa vitesse de propagation, le premier engin mobilisé, un fourgon pompe d'une tonne, est arrivé sur les lieux à 14 heures 23. Une fois sur place, le chef de groupe a immédiatement demandé au centre de Frontignan l'envoi d'un autre porteur d'eau, à 14 heures 26, soit trois minutes plus tard, avant de rappeler la nécessité de cet engin à 14 heures 40 et à 14 heures 43 et de signaler, par un message radio émis à 14 heures 45, l'absence de moyens en eau et la survenance d'un accident thermique lors de l'opération nécessitant d'engager une manœuvre de sauvetage via une échelle à coulisse pour évacuer le binôme de pompiers engagé dans les étages qui s'est trouvé pris dans les gaz de pyrolyse, ce qui a nécessité son placement sous oxygène. S'il est constant que le chef de groupe a adressé plusieurs relances pour connaître le délai d'arrivée des moyens en eau supplémentaires, il résulte de l'instruction que l'arrivée du porteur d'eau sur le site a été ralentie par un accident de la circulation, par la présence d'un convoi exceptionnel sur la route et par les difficultés à manœuvrer cet engin en raison de l'étroitesse du chemin d'accès à la maison de sorte que ce porteur d'eau ne s'est présenté sur les lieux qu'à 14 heures 57 et n'a pu être déployé qu'à 15 heures 15.

8. S'il est constant que la synthèse de la couverture incendie de la commune établie en 2016 par la société Suez fait apparaître, dans le plan qui lui est joint, des tracés de zones desservies par la bouche d'incendie n° 8 qui n'atteignent pas la voie ferrée et que l'expert a relevé l'absence de point d'eau naturel, la commune de Vic-la-Gardiole produit, tant en première instance qu'en appel, des éléments démontrant la possibilité de recourir à un point d'eau naturel, la Robine, ruisseau qui prend sa source au pied du massif de la Gardiole, se situant seulement à une centaine de mètres au droit de la maison.

9. Dans ces conditions, compte tenu de la présence d'un point d'eau naturel pouvant alimenter les secours en moyens hydriques, il n'est pas établi que l'absence de poteau ou de bouche d'incendie à proximité du lieu de l'incendie par la commune de Vic-la-Gardiole, à la supposer fautive, aurait été à l'origine directe, même pour partie, des préjudices invoqués, liés à la destruction de la maison d'habitation et du local attenant. Par suite, la responsabilité de la commune de Vic-la-Gardiole ne peut être engagée pour assurer la réparation, même partielle, de ces préjudices en l'absence de lien de causalité entre l'absence de poteau ou de bouche d'incendie et les préjudices allégués.

En ce qui concerne la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault :

10. Il résulte de l'instruction que le foyer, qui s'est déclaré dans une annexe, s'est propagé à la maison du fait, d'une part, de la présence d'une quantité importante de ceps de vigne adossée à un mur sous la véranda implantée en saillie à l'étage, avant même l'arrivée des secours, ainsi que cela résulte de la retranscription des échanges téléphoniques avec le régulateur du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault à 14 heures 07, 14 heures 08 et 14 heures 10 démontrant, à chacun des appels, la propagation rapide du foyer et, d'autre part, du mode constructif de la maison comportant d'importantes charges calorifères. Sur ce point, il résulte de l'instruction que l'annexe qui a pris feu, composée d'une ossature en bois, abritait des combustibles et disposait ouverture permettant une communication directe avec le rez-de-chaussée de la maison construite à partir de pierres et de galets liés à la chaux et dotée d'une structure en bois. Indépendamment du caractère fautif ou non de l'absence de bouche ou poteau d'incendie à proximité de la maison et de la rupture d'alimentation en eau, il ne résulte pas de l'instruction que la mobilisation de moyens en eau supplémentaires aurait, compte tenu de la virulence et de la vitesse de propagation de l'incendie, permis d'éviter de manière certaine la destruction de l'ensemble maison tandis que l'organisation d'une manœuvre de sauvetage du binôme en difficulté à l'étage a nécessairement constitué une priorité, nullement fautive, de nature à ralentir la progression des secours.

11. En se bornant à se prévaloir de l'insuffisance des moyens affectés au sinistre par le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, les appelants n'invoquent toutefois aucune faute précise dans la gestion de l'incendie en litige ni manquement à une obligation législative ou réglementaire préexistante pas plus qu'ils ne démontrent en quoi ce manquement serait constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement public. En tout état de cause, s'ils invoquent les difficultés d'approche et d'alimentation rencontrées par le porteur d'eau de Cournonterral, il ne résulte pas de l'instruction que ces difficultés seraient directement imputables au service dès lors que la progression de cet engin vers le lieu de l'incendie a été ralentie par un accident de la circulation et un convoi exceptionnel à Sète ainsi que des manœuvres délicates aux abords de la maison de sorte que de telles difficultés ne sauraient, à elles-seules constituer une faute de nature à engager la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les causes exonératoires de responsabilité opposées en défense, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault n'était pas susceptible d'être engagée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et mis à leur charge, chacun pour moitié, les frais et honoraires d'expertise.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vic-la-Gardiole et du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. A... et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France la somme demandée par la commune de Vic-la-Gardiole et le service départemental d'incendie et de secours au même titre.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... et de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Vic-la-Gardiole et du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle assurance des instituteurs de France, à la commune de Vic-la-Gardiole et au service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04740


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award