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13/06/2023 | FRANCE | N°21TL01253

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 13 juin 2023, 21TL01253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a rejeté la demande de transfert de son officine pharmaceutique d'Olette à Saint-Hippolyte ainsi que la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision par une lettre d

u 6 février 2019.

Par un jugement n°s 1900499-1901962 du 2 février 2021, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a rejeté la demande de transfert de son officine pharmaceutique d'Olette à Saint-Hippolyte ainsi que la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision par une lettre du 6 février 2019.

Par un jugement n°s 1900499-1901962 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 31 mars 2021, sous le n° 21MA01253, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL01253, et des mémoires enregistrés les 27 avril et 6 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski, représentée par Me Sapone, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°s 1900499-1901962 du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a rejeté sa demande tendant au transfert de l'officine pharmaceutique qu'elle exploite d'Olette à Saint-Hippolyte ainsi que la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique présenté par une lettre du 6 février 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé d'Occitanie d'autoriser le transfert de son officine de pharmacie vers un nouveau local, situé 7 rue Canigou à Saint-Hippolyte, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé d'Occitanie une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les décisions en litige méconnaissent l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dès lors que l'autorité administrative ne pouvait légalement apprécier la condition de compromission de la desserte médicamenteuse en se fondant, de manière erronée, sur une zone de desserte comprenant les " communes de rattachement " alors qu'une telle zone, qui couvre environ 13 des 15 communes composant le canton d'Olette, soit environ 1 500 habitants, comporte un bassin de population plus large que l'échelle de la commune d'Olette et ses 376 habitants ;

- l'appréciation de la condition de non-compromission de la desserte médicamenteuse doit exclusivement s'opérer au regard de la population résidente du quartier ou de la commune d'origine ;

- la seule référence à son chiffre d'affaires ne permet nullement de considérer qu'elle assure la desserte de plusieurs communes voisines alors, d'une part, que les considérations d'ordre économique sont étrangères à l'appréciation des conditions de desserte médicamenteuse selon la jurisprudence et, d'autre part, qu'au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2020, la pharmacie d'Olette n'a accueilli en moyenne que 45 clients par jour et que son chiffre d'affaires n'est que de 400 000 euros ;

- l'autorité administrative a procédé à une analyse parcellaire du réseau officinal en se limitant aux officines pharmaceutiques de Ria-Sirach et de Mont-Louis alors que la population du canton d'Olette, qui s'étend sur près de 320 km2, a le choix de se rendre auprès d'autres officines pharmaceutiques, notamment celles situées à Vernet-les-Bains, à Prades et aux Angles ;

- sa demande de transfert est parfaitement justifiée dès lors que l'agence régionale de santé a pu, par un précédent arrêté du 7 mars 2019, accorder, dans une configuration équivalente, le transfert d'une officine pharmaceutique de Caudiès-de-Fenouillèdes, village de 618 habitants, vers Latour-Bas-Elne alors même que les habitants se sont opposés à ce transfert ;

- l'autorité administrative et le tribunal ont procédé à une mauvaise appréciation de la compromission de la desserte médicamenteuse au regard du vieillissement de la population et des conditions de circulation dans le secteur ; de plus, la population d'Olette a rajeuni et les déplacements en dehors de la commune pour se rendre auprès de professionnels de santé ou pour des achats sont en hausse ;

- le départ de l'officine d'Olette ne sera pas de nature à compromettre l'organisation des tours de garde ;

- la circonstance que son maintien à Olette serait rendu nécessaire pour contribuer à l'offre de soins dans cette " zone de revitalisation rurale " ne permet pas de déroger aux règles applicables en matière de transfert d'officines pharmaceutiques, aucune dérogation fondée sur l'appartenance à une telle zone n'étant prévue ;

- les avis recueillis dans le cadre de l'instruction de sa demande de transfert constituent de simples mesures préparatoires qui ne lient ni l'administration ni le juge ;

- le tribunal n'a pas tiré les conséquences du constat qu'il a opéré tenant à l'inexistence d'une maison d'accueil spécialisée de 40 places dans la commune d'Olette ;

- la commune d'Olette, dont l'officine pharmaceutique a été autorisée en 1942 alors qu'elle comptait 650 habitants, compte désormais 357 habitants, soit une baisse de 50 % de sa population et a perdu son attractivité commerciale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 27 mai 2022, l'agence régionale de santé d'Occitanie, représentée par Me Porte, conclut au rejet de la requête de la société Pharmacie Sanski et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la demande de transfert d'officine présentée par la société appelante et reconnue complète le 4 juillet 2011 doit être appréciée au regard des dispositions des articles L. 5125-3, L. 5125-11 et L. 5125-14 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le transfert d'officine envisagé compromettait gravement l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la commune d'Olette ;

- la décision rejetant la demande de transfert d'officine ne se fonde pas uniquement sur le critère tenant au nombre d'habitants ;

- le tribunal n'a pas procédé à une substitution de motifs en se fondant sur la circonstance, retenue par l'administration, selon laquelle la pharmacie d'Olette assure la desserte des habitants de plusieurs communes voisines ;

- implantée en 1942 en zone rurale, dans un village peuplé de seulement 650 habitants, la pharmacie d'Olette a eu, dès l'origine, pour vocation de desservir un bassin de population englobant les communes environnantes et de consolider une offre de soins dans un territoire très fragile de sorte qu'il n'y avait pas lieu de se limiter à la prise en compte de la seule population de la commune ;

- conformément aux dispositions combinées des anciens articles L. 5125-6 et L. 5125-6-1 du code de la santé publique, dont le principe figurait déjà à l'article L. 5125-11 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, une création d'officine peut être autorisée dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës, elles-mêmes dépourvues d'officine et dont la population n'a pas été prise en compte pour une création d'officine dans une autre commune, dès lors que la totalité de la population de cette zone est au moins égale à 2 500 habitants ;

- c'est à bon droit qu'il a été tenu compte de la zone de desserte de la pharmacie Sanski, laquelle porte sur une population d'environ 1 585 habitants, pour apprécier si le transfert est de nature à compromettre la desserte en médicaments de la population dès lors que les officines situées dans des communes de moins de 2 500 habitants ont une zone de desserte pouvant s'étendre au-delà des limites de leur commune d'implantation tandis que son analyse du réseau officinal ne s'est pas limitée aux deux seules communes de Mont-Louis et Ria-Sirach ;

- conformément à une jurisprudence bien établie, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets d'un transfert d'officine sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments ; de sorte c'est l'ensemble de la population susceptible d'être concernée par le transfert qui doit être prise en considération ;

- en outre, il revient à l'autorité sanitaire d'apprécier in concreto si la desserte en médicaments de la population de la commune d'origine se trouve compromise par le transfert et ce, quel que soit le nombre d'habitants desservis ;

- s'agissant du manque d'attractivité de la pharmacie Sanski, attesté selon l'appelante par la baisse constante de son chiffre d'affaires, cette dernière est, eu égard aux circonstances de l'espèce, censée avoir une parfaite connaissance du tissu officinal local, des besoins en médicaments de la population et du potentiel d'activité de l'officine qu'elle exploite ;

- dès sa réouverture en février 2011, la pharmacie Sanski a réalisé un chiffre d'affaires comparable à celui réalisé auparavant et en progression significative sur les années 2012, 2013 et 2015 ;

- la société appelante ne peut utilement se fonder sur les motifs du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 novembre 2016 annulant une précédente décision de refus de transfert du 28 mars 2014 ;

- quand bien même la règle de l'antériorité de la demande de transfert de l'officine Sanski n'a pas été respectée, l'autorité administrative pouvait légalement prendre la même décision de refus de transfert ;

- la société appelante ne peut utilement se prévaloir du transfert d'une officine située à Caudiès-de-Fenouillèdes, commune de 618 habitants, dès lors que ce transfert n'a pas été autorisé dans des conditions transposables, ainsi qu'il a été démontré dans son mémoire en défense n° 2 devant le tribunal ;

- il n'existe aucune contradiction entre le jugement attaqué et le précédent jugement du 8 novembre 2016 ;

- le taux de motorisation des ménages d'Olette dont se prévaut la société appelante n'est pas pertinent pour démontrer que ces habitants sont appelés à se déplacer quotidiennement pour des motifs professionnels ou scolaires ; de plus, les conditions de circulation sur la route nationale 116, qui reste une route de montagne, peuvent être compliquées par l'enneigement, certes épisodique, mais surtout par les éboulements à l'origine de glissements de terrains réguliers et par les conditions météorologiques ;

- la pharmacie Sanski participe au service de garde destiné à assurer une mission de service public de permanence des soins, de surcroît sur un secteur géographiquement étendu couvrant une cinquantaine de kilomètres d'Est en Ouest, tandis que son transfert reportera la charge d'une demi-douzaine de gardes annuelles sur les autres officines du secteur ;

- le refus de transfert d'officine en litige ne se fonde pas sur le seul critère tenant à la présence d'autres professionnels de santé tandis que le médecin généraliste exerçant à Olette a déclaré souhaiter poursuivre son activité jusqu'à son départ à la retraite ;

- elle ne s'est pas bornée à suivre les avis recueillis auprès des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens pour refuser le transfert de la pharmacie Sanski mais s'est fondée sur un certain nombre de critères permettant d'établir que ce transfert est de nature à compromettre gravement l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la commune d'Olette ;

- le tribunal a reconnu l'erreur involontairement commise par elle concernant l'existence d'une maison médicalisée à Olette tout en estimant que cet élément n'est pas, à lui seul, de nature à remettre en cause la légalité de la décision de refus de transfert.

Par des observations enregistrées le 12 avril 2022, et une régularisation de pièces enregistrée le 13 avril 2022, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Épilobe, représentée par Me Bembaron, conclut au rejet de la requête de la société Pharmacie Sanski.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a tenu compte de la zone de desserte effective de la pharmacie Sanski pour apprécier si le transfert est de nature à compromettre la desserte en médicaments de la population actuellement desservie par cette officine ;

- l'étude pharmaco-géodémographique réalisée par la société Aide au Regroupement, Transfert et Création d'officines (ARTCO), mandatée par ses soins en 2013, démontre que le transfert en litige compromet l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population d'Olette et des communes desservies par cette officine en vertu de l'arrêté préfectoral n° 420800 du 22 novembre 2000 ;

- M. D... a acquis l'officine d'Olette en février 2011, à la suite du décès de M. B..., pour un prix modeste de sorte que la démarche spéculative de la société appelante ne peut prévaloir sur les intérêts légitimes de la desserte de la population au bénéfice de laquelle une autorisation d'ouverture d'officine avait été accordée ;

- le tribunal a écarté, à juste titre, l'argumentation tenant à l'affirmation erronée de la présence d'une maison d'accueil spécialisée de 40 places ;

- l'agence régionale de santé n'est certes pas liée par les avis qu'elle est tenue légalement de recueillir dans le cadre de l'instruction d'une demande de transfert d'officine mais il ne peut lui être fait grief d'avoir tenu compte de ces avis, même si elle conserve son pouvoir d'appréciation.

La requête a été communiquée au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 juillet 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 45-1014 du 23 mai 1945 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Simon, représentant la société Pharmacie Sanski, de Me Porte, représentant l'agence régionale de santé d'Occitanie et de Me Bembaron, représentant la société Pharmacie Épilobe.

Une note en délibéré a été produite par la société Pharmacie Sanski le 1er juin 2023.

Une note en délibéré a été produite par la société Pharmacie Epilobe le 5 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Olette (Pyrénées-Orientales) dispose d'une seule officine de pharmacie, située avenue du général de Gaulle, dont l'ouverture a été autorisée le 19 mars 1942. À la suite du placement en procédure collective de la société qui détient cette officine en 2009, la société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski l'a acquise en décembre 2009 et l'a rouverte au public le 14 février 2011. Le 4 juillet 2011, le gérant de la société Pharmacie Sanski a présenté une demande de transfert de cette officine pharmaceutique vers un nouveau local situé à Saint-Hippolyte dans le même département. Cette demande a été renouvelée le 29 novembre 2013 et la gérance de cette société a été reprise par M. A... D..., à la suite du décès de l'ancien gérant survenu le 5 octobre 2016.

2. Par un premier jugement rendu le 8 novembre 2016, sous les n°s 1402448-1404055, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon a rejeté cette demande de transfert, motif pris de ce que l'autorité administrative ne pouvait légalement retenir la population du canton pour apprécier si les conditions de transfert posées par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique étaient remplies. En exécution de l'injonction à réexamen contenue dans ce jugement, la directrice de l'agence régionale de santé d'Occitanie a, par une décision du 24 avril 2017, rejeté la demande d'autorisation de transfert de cette officine de pharmacie au motif, cette fois, que le seuil de population permettant l'ouverture d'une seconde pharmacie à Saint-Hippolyte n'était pas rempli dès lors qu'une autre officine implantée à Font-Romeu-Odeillo-Via, exploitée par la société Épilobe, gérée par Mme C..., a déjà bénéficié d'une autorisation de transfert par une décision du 22 février 2017.

3. Par un nouveau jugement n° 1703391 du 2 octobre 2018, ce même tribunal a annulé la décision précitée du 24 avril 2017, motif pris de ce qu'elle ne respectait pas le droit d'antériorité détenu par la société Pharmacie Sanski et enjoint au seul réexamen de la demande de transfert de cette dernière. La société Pharmacie Sanski demande à la cour d'annuler le jugement n°s 1900499-1901962 du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 5 décembre 2018, prise en exécution du jugement du 2 octobre 2018, par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a rejeté la demande de transfert de son officine pharmaceutique d'Olette à Saint-Hippolyte et, d'autre part, de la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision par une lettre du 6 février 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, en application de l'article 36 de l'acte dit loi n° 41-3890 du 11 septembre 1941 relative à l'exercice de la pharmacie, validé et modifié par l'ordonnance du n° 45-1014 du 23 mai 1945, et dont les dispositions figurent désormais à l'article L. 5125-4 du code de la santé publique, l'ouverture d'officines répond à des critères démographiques, contenus, à l'origine, dans un plan de limitation du nombre des officines de pharmacie prévoyant, d'une part, qu'une officine pour 2 000 habitants peut être créée dans les villes comptant une population inférieure ou égale à 5 000 habitants et, d'autre part, que des dérogations à cette règle peuvent être instituées si les besoins de la population l'exigent.

5. C'est dans ce cadre que l'ouverture d'une officine de pharmacie a été autorisée, le 19 mars 1942, à Olette.

6. Aux termes de l'article L. 5125-12 du code la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour les communes de moins de 2 500 habitants disposant d'au moins une officine à la date du 28 juillet 1999, un arrêté du représentant de l'État dans le département détermine, pour chacune de ces officines, la ou les communes desservies par cette officine, après avis d'une commission qui comprend des représentants de l'administration et des professionnels. / Seules peuvent être retenues les communes dont au moins 50 % des habitants sont desservis par l'officine de manière satisfaisante. Dans ce cas, la totalité des habitants de la commune est considérée comme desservie par l'officine pour l'application de l'alinéa ci-dessus ".

7. En application de ces dispositions, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté n° 4208/00 du 22 novembre 2000, défini la liste des treize communes desservies par l'officine de pharmacie d'Olette incluant, outre Olette, Canaveilles, Escaro, Jujols, Mantet, Nyer, Oreilla, Py, Sansa, Sahorre, Serdinya, Souanyas et Thuès-entre-Valls.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. / Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22 ".

9. L'article L. 5125-4 du même code, dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé selon les critères prévus aux articles L. 5125-11, L. 5125-13, L. 5125-14 et L. 5125-15, après avis du représentant de l'État dans le département. / (...) Dans tous les cas, la décision de création, de transfert ou de regroupement est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens (...) ".

10. Enfin, l'article L. 5125-14 du code de la santé publique précise, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département ou vers toute autre commune de tout autre département. / Le transfert dans une autre commune peut s'effectuer à condition : / 1° Que la commune d'origine comporte : / a) Moins de 2 500 habitants si elle n'a qu'une seule pharmacie ; / b) Ou un nombre d'habitants par pharmacie supplémentaire inférieur à 3 500 ; / 2° Que l'ouverture d'une pharmacie nouvelle soit possible dans la commune d'accueil en application de l'article L. 5125-11 ".

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut autoriser le transfert d'une officine pharmaceutique qu'à la double condition, d'une part, qu'il permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil et, d'autre part, qu'il n'ait pas pour effet de compromettre l'approvisionnement de la population résidente du quartier d'origine. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si les projets de transfert d'officines de pharmacie sur lesquels l'autorité administrative se prononce remplissent cette double condition.

12. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert et du regroupement envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination où l'officine doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments.

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans, des photographies et des données statistiques produites par les parties, que la commune d'Olette, composée de 376 habitants à la date de l'arrêté en litige, ne dispose que d'une seule pharmacie dont la création a été autorisée le 19 mars 1942 afin, aux termes de l'arrêté préfectoral n° 4208/00 du 20 novembre 2000 dont se prévaut l'agence régionale de santé d'Occitanie, de couvrir les besoins de treize communes contiguës. Il est constant que, par un jugement n° 1402448 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 mars 2014 rejetant la demande de transfert présentée par la société appelante au motif que les autorités sanitaires ne pouvaient légalement se fonder sur la population du canton d'Olette pour apprécier si le transfert envisagé compromettrait gravement l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les parts des habitants âgés de plus de 60 ans et de plus de 65 ans et plus au sein de cette commune ont, depuis, augmenté dès lors qu'elles s'élèvent respectivement à 50 % et 35 % à la date de la décision de refus de transfert en litige et qu'au mieux 30 % de la population d'Olette sont amenés à se déplacer en dehors de la commune pour des raisons professionnelles. Il ressort également de la cartographie de la zone de desserte de la pharmacie Sanski, laquelle ne recouvre pas l'intégralité du canton d'Olette, que, compte tenu de son implantation au bord de la route nationale 116 en zone de montagne, cette officine de pharmacie couvre, de fait, l'approvisionnement en produits pharmaceutiques des habitants d'Olette et de douze autres communes toutes situées en zone de montagne où les conditions de circulation peuvent être rendues difficiles, soit une population totale desservie de 1 585 habitants, tandis que la fréquence d'éboulements et de glissements de terrain entraînant la fermeture de cet axe routier et l'éloignement des autres officines de pharmacie, situées respectivement à Ria-Sirach à 13 kilomètres vers le bas de la vallée et à Mont-Louis, à 20 kilomètres vers le haut de la vallée, sont de nature à compromettre l'approvisionnement en médicaments des habitants de cette zone.

14. Ainsi, l'officine exploitée par la société appelante peut utilement desservir, en plus des habitants de la commune d'Olette dont la population est restée stable, la population de douze autres communes dont l'approvisionnement en produits pharmaceutiques est susceptible d'être modifié de manière substantielle à défaut d'être immédiatement desservies par une autre officine et d'être comprises dans le périmètre de desserte d'une autre officine tandis que, dans le même temps, ces douze communes sont prises en compte dans la définition de la zone de desserte de cette pharmacie dont la création, le 19 mars 1942, par dérogation aux seuils alors en vigueur, était destinée à répondre aux besoins de la population excédant les seules limites territoriales de la commune d'Olette. Par ailleurs, le maintien d'une pharmacie à Olette aux côtés d'autres professionnels de santé au rang desquels figurent un médecin généraliste, lequel a déclaré vouloir poursuivre son activité jusqu'à ce qu'il soit admis à faire valoir sa retraite, un masseur-kinésithérapeute et une infirmière, contribue aux soins dits de premier recours, au sens des articles L. 5125-1-1 A et L. 1411-11 du code de la santé publique et participe de la continuité de l'offre de soins dans cette zone de revitalisation rurale. Enfin, la pharmacie Sanski participe au service de garde institué par les dispositions de l'article L. 5125-22 du code de la santé publique, en binôme avec une autre pharmacie située à Millas, en couvrant l'extrémité ouest d'un secteur large de 50 kilomètres situé en zone de montagne allant de Thuès-entre-Valls et Millas. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier que, le 28 janvier 2014, le syndicat des pharmaciens des Pyrénées-Orientales a émis un avis défavorable à la demande de transfert en litige au motif que le service de garde assuré par l'officine d'Olette permet de réduire les distances de trajets dans l'intérêt des patients.

15. Dès lors que le transfert envisagé aura pour effet de supprimer la seule officine d'Olette, d'accroître l'effort pesant sur l'autre pharmacie de garde du secteur et surtout d'augmenter le temps de trajet de la population des treize communes du secteur de desserte de cette officine pour se rendre à une autre pharmacie, il n'est pas de nature à répondre à la condition de satisfaction optimale des besoins en médicaments du bassin de population desservie par cette officine à la date de la décision contestée. Par ailleurs, le caractère optimal de la réponse apportée par ce transfert aux besoins en médicaments de la population résidant dans la commune d'origine de cette officine ne saurait résulter du seul fait qu'il permettra, à terme, d'améliorer le chiffre d'affaires de la société Pharmacie Sanski, alors, du reste, qu'elle a acquis l'officine en litige, en toute connaissance de cause, en se portant acquéreuse de celle-ci à la barre du tribunal de commerce alors qu'elle se trouvait en état de liquidation judiciaire au mois de décembre 2009 et l'a rouverte au public le 14 février 2011, avant de solliciter son transfert moins de cinq mois plus tard, le 4 juillet 2011. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier que cette officine, qui se situe au centre du village en bordure de la route nationale 116 au droit de places de stationnement, est viable économiquement ainsi que cela ressort de la trajectoire en hausse du chiffre d'affaires depuis sa reprise et de l'emploi d'une préparatrice en pharmacie.

16. De même, la seule circonstance que la pharmacie Sanski ait réalisé un faible nombre de délivrances de médicaments lors des services de garde qu'elle assure de manière concomitante avec une autre pharmacie située à Millas n'est pas, à elle seule, de nature à justifier son transfert, l'accomplissement de services de garde répondant à l'une des missions de service public confiées aux pharmaciens d'officine par l'article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique portant sur la mission de service public de la permanence des soins, indépendamment du nombre de délivrances effectivement accomplies au cours de telles périodes. En rejetant la demande de transfert d'officine présentée par la société Pharmacie Sanski au motif que ce transfert était de nature à compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population de son actuelle zone de desserte, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie n'a, dès lors, pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 5125-3 et L. 5125-4 du code de la santé publique dans leur rédaction alors en vigueur.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pharmacie Sanski n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 5 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a rejeté sa demande tendant au transfert de l'officine qu'elle exploite d'Olette à Saint-Hippolyte et, d'autre part, de la décision par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui entraîne le rejet les demandes de la société appelante devant le tribunal administratif n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Pharmacie Sanski doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé d'Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Pharmacie Sanski demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

20. Il y a lieu, en revanche, mettre à la charge de la société Pharmacie Sanski une somme de 750 euros au titre des frais exposés par l'agence régionale de santé d'Occitanie et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la société Pharmacie Sanski est rejetée.

Article 2 : La société Pharmacie Sanski versera à l'agence régionale de santé d'Occitanie une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral par actions simplifiée Pharmacie Sanski, au ministre de la santé et de la prévention, à l'agence régionale de santé d'Occitanie et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Épilobe.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL01253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01253
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-04-01 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Pharmaciens. - Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BEMBARON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-13;21tl01253 ?
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