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17/05/2023 | FRANCE | N°21TL01349

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 17 mai 2023, 21TL01349


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° 21MA01349 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01349 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 30 novembre 2022, la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie, représentée par Me Terrasse, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aude a rejeté sa demande, présentée le 3 décembre 2020, tendant à ce qu'il soit enjoint aux sociétés Véraza Energ

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Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° 21MA01349 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01349 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 30 novembre 2022, la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie, représentée par Me Terrasse, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aude a rejeté sa demande, présentée le 3 décembre 2020, tendant à ce qu'il soit enjoint aux sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies de déposer une demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour les trois parcs éoliens dont la mise en service a été autorisée sur le territoire des communes de Véraza et Saint-Polycarpe ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de mettre en demeure les sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies de déposer une demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable tant au regard du délai de recours qu'au regard de son intérêt pour agir en qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement ;

- les sites d'implantation des trois parcs éoliens se caractérisent par la présence de nombreuses espèces animales protégées et notamment de rapaces et de chiroptères, lesquelles sont particulièrement vulnérables au risque de collision avec les aérogénérateurs ;

- les mesures prévues pour éviter, réduire ou compenser les impacts sont inexistantes ou insuffisantes et ne permettent pas d'écarter les risques de destruction des espèces protégées ; le préfet a donc commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant leur demande ;

- en outre, si le ministre se prévaut en défense de l'abandon des projets éoliens par les sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies, le litige ne perd pas pour autant son objet dès lors que les autorisations n'ont été ni retirées ni abrogées.

Par un courrier du 14 novembre 2022, enregistré le même jour, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires informe la cour que, par un courrier du 13 juillet 2022, les services de l'Etat ont été informés de l'abandon des projets éoliens par les sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies et qu'il n'entend produire aucune défense dans la présente instance.

Des mises en demeure ont été adressées le 12 mai 2022 aux sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies.

Par une ordonnance en date du 13 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Terrasse, représentant l'association requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société Valorem a envisagé de créer un parc éolien réparti sur trois sites sur le territoire des communes de Saint-Polycarpe et Véraza (Aude). Par arrêté du 18 décembre 2008, le préfet de l'Aude a délivré à la société Saint-Salvayre Energies un permis de construire pour l'implantation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs au lieu-dit " L'Arrenal " sur le territoire de la commune de Saint-Polycarpe. Par un autre arrêté du même jour, le préfet de l'Aude a accordé à la société Saint-Polycarpe Energies un permis de construire portant sur un parc éolien constitué de cinq aérogénérateurs au lieu-dit " Le Plantidou " sur le territoire de la même commune. Enfin, par arrêté du 20 novembre 2014, le préfet de l'Aude a octroyé à la société Véraza Energies un permis de construire pour l'édification d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs au lieu-dit " Brugues d'Al Bourdel " sur le territoire de la commune de Véraza. Par un courrier daté du 3 décembre 2020, reçu en préfecture de l'Aude le 7 décembre suivant, alors que les travaux de réalisation des trois parcs éoliens n'avaient pas encore débuté, les coprésidents de la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie ont demandé au préfet de l'Aude d'enjoindre aux sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies de déposer une demande de dérogation au titre de la législation relative aux espèces protégées sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par la présente requête, la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie demande l'annulation de la décision implicite née du silence conservé par le préfet sur sa demande du 3 décembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré les mises en demeure qui leur ont été adressées le 12 mai 2022, les sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies n'ont produit aucun mémoire avant la clôture de l'instruction. Elles sont donc réputées avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est en lui-même sans conséquence sur la qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

3. Selon les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, (...), avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / (...) ".

4. En outre, selon l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " (...) / II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent : / (...) / 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; / (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Et selon l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; / (...) ".

En ce qui concerne les parcs éoliens de Saint-Salvayre et Saint-Polycarpe :

6. Il résulte de l'instruction que les deux arrêtés du 18 décembre 2008, par lesquels le préfet de l'Aude avait accordé aux sociétés Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies les permis de construire pour l'implantation de quatre et cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Saint-Polycarpe, ont été contestés par une association d'abord devant le tribunal administratif de Montpellier et ensuite devant la cour administrative d'appel de Marseille. Par une décision n° 381160 du 17 avril 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas admis le pourvoi présenté par cette association contre l'arrêt n° 11MA03124 du 8 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté les conclusions tendant notamment à l'annulation de ces deux arrêtés. Ainsi, à la date du présent arrêt, les deux permis de construire accordés par le préfet de l'Aude le 18 décembre 2008, lesquels doivent être regardés comme des autorisations environnementales par application des dispositions rappelées au point 3 ci-dessus, sont devenus définitifs. La société Saint-Salvayre Energies et la société Saint-Polycarpe Energies bénéficient, en conséquence, du maintien des droits découlant de ces permis de construire, dont le droit d'exploiter les installations éoliennes en cause en franchise de demande de dérogation au titre de la législation relative à la protection des espèces protégées. Il s'ensuit que le préfet de l'Aude ne pouvait pas légalement faire droit à la demande présentée le 3 décembre 2020 par la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie en tant qu'elle tendait à ce qu'il soit enjoint aux sociétés concernées de demander une telle dérogation pour l'exploitation des parcs éoliens de Saint-Salvayre et Saint-Polycarpe. Par suite, la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie ne peut utilement soutenir qu'en rejetant sa demande du 3 décembre 2020 en tant qu'elle portait sur ces deux parcs, le préfet de l'Aude aurait méconnu les dispositions citées au point 5.

En ce qui concerne le parc éolien de Véraza :

7. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 20 novembre 2014, par lequel le préfet de l'Aude a accordé à la société Véraza Energies le permis de construire en vue de l'implantation de trois aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Véraza, a été contesté par la Ligue pour la protection des oiseaux et d'autres requérants d'abord devant le tribunal administratif de Montpellier et ensuite devant la cour administrative d'appel de Marseille. Par une décision n° 443458 du 22 septembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 17MA03931 du 30 juin 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté les conclusions tendant notamment à l'annulation de cet arrêté préfectoral et a renvoyé l'affaire devant cette cour. Par suite, à la date du présent arrêt, le permis de construire délivré par le préfet de l'Aude le 20 novembre 2014 ne revêt pas un caractère définitif.

8. Le système de protection des espèces animales résultant notamment des dispositions mentionnées au point 5 du présent arrêt impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation aux interdictions qu'elles prévoient est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces protégées au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation.

9. Il résulte de l'instruction que le secteur d'implantation du parc éolien en litige se situe au sein de la zone de protection spéciale " Hautes-Corbières ", identifiée au titre du réseau Natura 2000 comme présentant des enjeux forts pour l'avifaune et notamment pour des espèces protégées ou menacées de rapaces tels que l'aigle royal, l'aigle botté, le vautour fauve, le vautour moine et le vautour percnoptère. Il est également proche de la zone spéciale de conservation " Grotte de La Valette ", laquelle est identifiée au titre du même réseau Natura 2000 pour la préservation des chiroptères avec un enjeu fort s'agissant du minioptère de Schreibers.

10. Il résulte également de l'instruction que le permis de construire concernant le projet éolien de Véraza a été délivré sur le fondement d'une étude d'impact réalisée en 2007 à partir d'inventaires menés en 2005, laquelle ne retenait que des enjeux " modérés " pour l'avifaune et " faibles " pour les chiroptères et des impacts " faibles " pour les rapaces et " nuls à moyens " pour les chiroptères. Plusieurs analyses réalisées à compter de 2009 ont toutefois mis en évidence les insuffisances substantielles de l'étude d'impact sur ces points. En ce qui concerne la population de rapaces, les observations menées par la Ligue pour la protection des oiseaux en 2009 ont conclu à un " attrait très important " du secteur concerné pour de nombreuses espèces, tant comme site d'alimentation que comme aire de nidification. Il ressort notamment de la cartographie produite à l'appui de la requête que la zone destinée à accueillir le parc éolien est particulièrement fréquentée par les espèces mentionnées ci-dessus et, en particulier, par le vautour fauve. Le secteur héberge en outre des couples nicheurs de cette même espèce, mais également d'aigles royaux et de vautours percnoptères. Les inventaires conduits par la Ligue pour la protection des oiseaux en 2021 confirment la présence persistante de nombreux rapaces dans la zone litigieuse et mettent même en évidence l'augmentation de sa fréquentation par ces espèces en relevant, l'accroissement constant de la population de vautours fauves et la réinstallation de l'aigle royal après des années d'absence. En ce qui concerne les chiroptères, le rapport établi en 2018 par un expert de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères révèle également les insuffisances de l'étude d'impact, au regard notamment de la proximité de la grotte de La Valette identifiée comme un " site majeur " pour le minioptère de Schreibers. Le même rapport mentionne par ailleurs l'apparition entre 2006 et 2014 de trois autres espèces rares de chauves-souris particulièrement sensibles au risque éolien. La charte du parc naturel régional Corbières-Fenouillèdes, approuvée le 4 septembre 2021, classe d'ailleurs les territoires situés en bordure du secteur d'implantation en zone de sensibilité " forte " ou " maximale " à l'activité éolienne en raison de la présence de rapaces et de chiroptères.

11. Dans le contexte ainsi décrit, l'étude d'impact élaborée par la société pétitionnaire s'est bornée à préconiser un suivi des travaux par un écologue, un suivi des rapaces pendant trois ans à raison de dix jours par an et un suivi des chiroptères pendant six ans à raison de seize nuits par an, sans proposer de mesures susceptibles d'éviter ou de réduire les risques avérés pour les nombreuses espèces protégées présentes sur le site. Les services de la direction régionale de l'environnement de Languedoc-Roussillon avaient au demeurant déjà souligné l'existence de risques de mortalité potentiellement élevés pour ces espèces dans leur avis rendu sur le projet le 2 août 2007. En outre et en tout état de cause, si l'arrêté du 20 novembre 2014 a prescrit à la société Véraza Energies le respect d'un certain nombre de mesures supplémentaires, notamment la mise en place d'un système de régulation du fonctionnement des éoliennes pour réduire les risques pour les chiroptères, d'un système d'alerte curée pour arrêter les pales en cas de curée de vautours et d'un système de détection et d'effarouchement pour les autres espèces de rapaces, les mesures ainsi prévues ne sont pas suffisamment précises pour estimer que leur mise en œuvre permettrait de diminuer significativement les risques pour les espèces concernées. Il s'ensuit que le parc éolien envisagé sur le territoire de la commune de Véraza présente pour les espèces protégées des risques suffisamment caractérisés pour rendre nécessaire le dépôt, par la société Véraza Energies, d'une demande de dérogation au titre des dispositions citées au point 5 du présent arrêt. En conséquence, la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie est fondée à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande du 3 décembre 2020 en tant qu'elle portait sur le parc de Véraza, le préfet de l'Aude a fait une inexacte application de ces dispositions.

12. Il résulte de ce qui précède que la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie n'est fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet en litige qu'en tant qu'elle porte sur l'installation éolienne autorisée sur le territoire de la commune de Véraza.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie en tant qu'elles concernent les parcs éoliens de Saint-Salvayre et Saint-Polycarpe. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées en tant qu'elles portent sur ces deux installations éoliennes.

14. Eu égard au motif retenu pour annuler la décision attaquée en tant qu'elle porte sur le parc éolien de Véraza, le présent arrêt s'oppose à ce que la société Véraza Energies procède à la construction des trois éoliennes sans avoir préalablement sollicité et obtenu une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées. Il résulte toutefois de l'instruction que, par une lettre reçue en préfecture de l'Aude le 13 juillet 2022, la société Véraza Energies a informé l'administration qu'elle entendait renoncer à la mise en œuvre de ce projet. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Aude de mettre en demeure la société Véraza Energies de présenter une demande de dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées dans la seule hypothèse où, en dépit de sa lettre du 13 juillet 2022, ladite société manifesterait son intention de réaliser le projet autorisé par l'arrêté préfectoral du 20 novembre 2014. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros à la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le préfet de l'Aude a rejeté la demande présentée par la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie le 3 décembre 2020 est annulée en tant seulement qu'elle porte sur le projet autorisé sur le territoire de la commune de Véraza.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aude de mettre en demeure la société Véraza Energies de présenter une demande de dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées dans la seule hypothèse où ladite société manifesterait son intention de réaliser le projet autorisé par l'arrêté préfectoral du 20 novembre 2014.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la Ligue pour la protection des oiseaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue pour la protection des oiseaux d'Occitanie, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au préfet de l'Aude et aux sociétés Véraza Energies, Saint-Salvayre Energies et Saint-Polycarpe Energies.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL01349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01349
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : TERRASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-17;21tl01349 ?
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