Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... et Mme D... C..., épouse B..., agissant en leur nom propre et en celui de leur enfant mineur E... B..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à leur verser la somme globale de 35 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence dans la prise en charge éducative de leur enfant.
Par un jugement n° 1802238 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 6 août 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, M. et Mme B..., agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur enfant mineur E... B..., représentés par Me Sabatté, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner l'État à leur verser la somme globale de 35 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence dans la prise en charge éducative de leur enfant ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en renvoyant pour le reste à leurs écritures de première instance, que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que les motifs retenus pour exclure l'enfant E... des activités physiques et sportives et de l'enseignement de musique au cours du mois d'octobre 2017 sont en contradiction avec les appréciations portées par tous les spécialistes de l'enfance ;
- la décision du 16 mars 2017 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a prononcé le retrait provisoire et conservatoire de l'enfant E... de son école du 23 mars au 4 mai 2017 est entachée d'illégalités fautives de nature à engager la responsabilité de l'État dès lors, premièrement, que la matérialité de l'incident survenu le 3 mars 2017 à l'origine de cette mesure d'exclusion de scolarité n'est pas établie, deuxièmement, que, à supposer cet incident matériellement établi, cette mesure est disproportionnée alors que ce dernier était âgé seulement de six ans et disposait d'un traitement médicamenteux et d'une assistante de vie scolaire individuelle à ses côtés de nature à permettre de préserver la sécurité de ses camarades ;
- le signalement pour information préoccupante adressé, le 21 mars 2017, par le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Garonne au service enfance en danger du département de la Haute-Garonne, présente un caractère abusif de nature à engager la responsabilité de l'État dès lors que le rapport d'évaluation établi le 21 août 2017 ne met en évidence aucune situation de danger pour leur enfant et conclut, au contraire que " contrairement au contenu de départ dans cette information préoccupante, ce n'est pas E... qui pose réellement problème " ;
- la décision expresse prise par l'enseignante d'exclure l'enfant E..., pour une durée indéterminée et pour des motifs tirés essentiellement de sa dangerosité, de l'enseignement des activités physiques et sportives à compter du 4 octobre 2017 et ainsi que la décision non écrite également prise par cette dernière de l'exclure des enseignements de musique à compter du 6 octobre suivant sont entachées de plusieurs illégalités fautives de nature à engager la responsabilité de l'État dès lors, premièrement, que ces mesures d'exclusion ont été édictées en méconnaissance des dispositions des articles L. 112-2, D. 112-1-1, D. 351-4 et D. 351-5 du code de l'éducation alors que son projet personnalisé de scolarisation ne contient aucune limitation quant à la nature des enseignements susceptibles d'être suivis dans sa version d'avril 2017 comme dans celle d'octobre 2017, deuxièmement, qu'elles sont entachées d'incompétence de leur auteur, troisièmement, qu'elles ont été prises, de surcroît, dans des conditions brutales et expéditives sans concertation, quatrièmement, qu'elles ne sont pas motivées, cinquièmement, qu'elles reposent sur des faits matériellement inexacts tandis que les motifs d'exclusion retenus sont en contraction avec les appréciations portées par tous les spécialistes de l'enfance, sixièmement, que ces mesures d'exclusion sont entachées d'une erreur d'appréciation et sont disproportionnées eu égard à leur durée indéterminée alors que E... n'était alors âgé que de six ans et bénéficiait, sur le temps consacré aux enseignements en litige, d'un accompagnement individualisé par une auxiliaire de vie scolaire ;
- ils sont fondés à engager la responsabilité de l'État et à demander la réparation de leurs préjudices dans les conditions suivantes :
* 15 000 euros en réparation des préjudices subis par l'enfant E... du fait de la carence dans sa prise en charge éducative ;
* 10 000 euros, à verser à chacun d'entre eux en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de la carence dans la prise en charge éducative de leur enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en renvoyant à ses écritures et pièces de première instance, qu'aucune carence fautive ne peut être reprochée à l'administration dans la prise en charge éducative de l'enfant E... B... et que la responsabilité de l'État n'est pas engagée.
Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 janvier 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... G...,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sabatté, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. L'enfant E... B..., né le 19 janvier 2011, présente un trouble du spectre autistique de type syndrome d'Asperger, diagnostiqué en avril 2016. Scolarisé au titre de l'année scolaire 2017-2018 en milieu ordinaire en classe de cours préparatoire au sein de l'école élémentaire de ... (Haute-Garonne), cet enfant a bénéficié, du fait de sa situation de handicap, d'un projet personnalisé de scolarisation comprenant, notamment, un accompagnement individualisé par un assistant de vie scolaire. La rectrice de l'académie de Toulouse a implicitement rejeté la demande préalable, adressée par M. et Mme B..., parents du jeune E..., par une lettre du 13 février 2018, reçue le 15 février suivant, tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence dans la prise en charge éducative de leur fils. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser une somme globale de 35 000 euros en réparation des divers préjudices subis du fait des conditions de scolarisation du jeune E... au cours de l'année 2017-2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Toulouse a expressément répondu aux causes juridiques soulevées par les appelants. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, notamment celui relatif à la contradiction entre les motifs retenus pour exclure l'enfant E... des activités physiques et sportives et de l'enseignement de musique au cours du mois d'octobre 2017 et les appréciations portées par tous les spécialistes de l'enfance, n'a pas omis de répondre à la cause juridique fondée sur les illégalités fautives entachant la décision d'exclure l'enfant E... de certains enseignements. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
3. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.
4. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale, d'exercer sa citoyenneté (...) ". Aux termes de l'article L. 111-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation. (...) / Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 112-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents (...) handicapés (...) ". Aux termes de l'article L. 112-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant (...) handicapé a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de son parcours, selon une périodicité adaptée à sa situation. Cette évaluation est réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles. (...) / En fonction des résultats de l'évaluation, il est proposé à chaque enfant (...) handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. Le projet personnalisé de scolarisation constitue un élément du plan de compensation visé à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles. Il propose des modalités de déroulement de la scolarité coordonnées avec les mesures permettant l'accompagnement de celle-ci figurant dans le plan de compensation ". Aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors applicable : " Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles L. 213-2 [collèges], L. 214-6 [lycées, établissements d'éducation spéciale et lycées professionnels maritimes], L. 422-1 [collèges et lycées ne constituant pas des établissements publics locaux], L. 422-2 [établissements du second degré ou d'éducation spéciale municipaux ou départementaux] et L. 442-1 [établissements privés sous contrat] du présent code et aux articles L. 811-8 [établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole] et L. 813-1 [établissements d'enseignement agricole privés sous contrat] du code rural et de la pêche maritime, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les parents sont étroitement associés à la décision d'orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix. La décision est prise par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles [commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées], en accord avec les parents ou le représentant légal. À défaut, les procédures de conciliation et de recours prévues aux articles L. 146-10 et L. 241-9 du même code s'appliquent (...) ". Aux termes de l'article L. 351-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles désigne les établissements ou les services ou à titre exceptionnel l'établissement ou le service correspondant aux besoins de l'enfant ou de l'adolescent en mesure de l'accueillir. / La décision de la commission s'impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements ou services mentionnés au 2° et au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles [respectivement les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social et médico-social aux mineurs et les centres d'action médico-sociale précoce] dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés. / (...) ".
6. L'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte des besoins et des difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social (...) ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Ainsi, il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l'égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif.
8. Il s'ensuit que la carence de l'État à assurer effectivement le droit à l'éducation des enfants soumis à l'obligation scolaire est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. La responsabilité de l'État doit toutefois être appréciée en tenant compte, s'il y a lieu, du comportement des responsables légaux de l'enfant, lequel est susceptible de l'exonérer, en tout ou partie, de sa responsabilité.
En ce qui concerne l'illégalité fautive entachant la décision portant retrait provisoire et conservatoire de scolarité :
9. Aux termes de l'article D. 411-2 du code de l'éducation : " Le conseil d'école, sur proposition du directeur de l'école : / 1° Vote le règlement intérieur de l'école (...) ". L'article 4.2 du règlement intérieur de l'école de ... prévoit que : " Un enfant momentanément difficile pourra être isolé, sous surveillance, pendant le temps nécessaire à lui faire retrouver un comportement compatible avec la vie de groupe. Toutefois, quand le comportement d'un enfant perturbe gravement et de façon durable le fonctionnement de l'école et, traduit une inadaptation au milieu scolaire, la situation de cet enfant doit être soumise à l'examen de l'équipe éducative (...). Une décision de retrait provisoire de l'école peut être prise par la directrice, après un entretien avec les parents et en accord avec l'inspection de l'éducation nationale. "
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision du 16 mars 2017, par laquelle le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a prononcé le retrait provisoire et conservatoire de scolarité du jeune E... du 23 mars au 4 mai 2017, est fondée sur la double circonstance selon laquelle cet enfant a présenté des propos menaçants, violents et vulgaires caractéristiques d'un vocabulaire d'adulte et qu'il a eu des comportements très violents en direction des autres enfants et des adultes représentant un danger. Cette décision relève également la nécessité de rétablir un partenariat de qualité entre l'école et la famille pour poursuivre la scolarité de E..., la dégradation manifeste des relations entre l'école et les parents ainsi que des comportements inappropriés de l'enfant pouvant représenter un danger pour autrui. Il résulte également de l'instruction, en particulier du courrier de la directrice de l'école maternelle de ... du 6 mars 2017, qu'un grave incident est survenu à l'école le 3 mars précédent au cours duquel E... a momentanément échappé à la vigilance des adultes et s'est rendu dans le dortoir où il a été retrouvé en train d'étrangler un camarade après avoir noué le fil d'un " yo-yo " autour du cou de ce dernier. M. et Mme B..., qui se bornent à soutenir que la matérialité de cet incident n'est pas établie au regard des contradictions qui seraient contenues dans le récit de l'adulte ayant mis fin cet incident, ne produisent toutefois aucun élément précis et circonstancié de nature à remettre en cause la réalité de sa survenance. En tout état de cause, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que la décision en litige se fonde également sur le comportement général empreint d'agressivité verbale et physique dont a fait preuve le jeune E... tant à l'égard de ses camarades que des membres de la communauté éducative entre 2016 et 2017. Sur ce point, il résulte du récapitulatif des incidents survenus à l'école établi par les enseignantes et produit par la rectrice de l'académie de Toulouse devant les premiers juges que E... s'est, à de nombreuses reprises, signalé par un comportement agressif et impulsif matérialisé par des coups et des insultes portés à ses camarades ainsi qu'à des adultes, la destruction du travail de ces derniers, des insultes, des crachats, des griffures et des coups portés à des adultes référents, notamment des gifles, tandis qu'il a tenu des propos inadaptés à l'égard des adultes. Les appelants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la décision mettant fin à titre provisoire et conservatoire à la scolarité de leur enfant du 23 mars au 4 mai 2017, dans l'attente d'une remise à plat du partenariat entre la famille et l'équipe éducative, serait entachée d'inexactitude matérielle.
11. En second lieu, s'il est constant que E... était âgé seulement de six ans et disposait d'une assistante de vie scolaire individuelle à ses côtés, M. et Mme B... ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause l'existence de faits graves et inappropriés, tels que rappelés au point précédent, de nature à constituer un réel danger pour autrui. De plus, s'il est également constant que E... a bénéficié d'un nouveau traitement médicamenteux, qui a permis de l'apaiser à partir du mois de novembre 2016, cette circonstance n'a pas été en mesure de stabiliser totalement son comportement agressif et impulsif, ainsi qu'en porte témoignage l'incident, précité, survenu le 3 mars 2017 dont les conséquences auraient pu être dramatiques. En dépit de l'accompagnement médico-pédagogique et médical attentif dont il bénéficiait et de la présence à ses côtés de ses parents pour lui apporter tout le soutien moral, éducatif et parental nécessaire, il résulte ainsi de l'instruction que les troubles du comportement de E... n'ont pas permis à l'équipe éducative de l'école de ... de l'encadrer ainsi que le reste des élèves dans des conditions satisfaisantes. Eu égard à la violence et à l'agressivité dont a fait preuve E..., et dès lors que certains de ses agissements auraient pu avoir de graves conséquences sur les autres élèves, son comportement a été de nature à perturber gravement et de façon durable le fonctionnement de l'école au sens de l'article 4.2 précité du règlement intérieur de l'école de .... Par suite, la mesure de retrait provisoire et conservatoire en litige, dont une partie s'est déroulée au cours des vacances scolaires de printemps, ce qui limite le temps effectif de déscolarisation, doit être regardée comme justifiée et proportionnée à la gravité de la situation et aux comportements dangereux dont a pu faire preuve le jeune E..., tant à l'égard de lui-même qu'à l'égard des autres enfants et de la communauté éducative, dans l'attente de redéfinir les conditions des conditions d'accueil appropriées pour cet enfant et de renouer un partenariat apaisé entre la famille et l'équipe éducative dans l'intérêt de sa bonne prise en charge sur le long terme.
12. Dans ces conditions, la décision du 16 mars 2017 par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a prononcé le retrait provisoire et conservatoire de l'enfant E... de son école du 23 mars au 4 mai 2017 n'est entachée d'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État.
En ce qui concerne l'illégalité fautive entachant le courrier de signalement pour information préoccupante adressé au département de la Haute-Garonne :
13. Aux termes de l'article L. 226-2-1 du code de l'action sociale et des familles : " Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent sans délai au président du conseil départemental ou au responsable désigné par lui, conformément à l'article L. 226-3, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect de l'article L. 226-2-2 du présent code. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Sauf intérêt contraire de l'enfant, le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées ". L'article 375 du code civil dispose que, dans sa rédaction alors en vigueur : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel (...) ".
14. Par une lettre du 21 mars 2017, le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a informé M. et Mme B... de ce que le service social en faveur des élèves de l'éducation nationale a décidé, le 21 mars 2017, de saisir le service " enfance en danger " du département de la Haute-Garonne d'une information préoccupante concernant leur enfant. S'il est constant que le rapport d'évaluation établi à la suite de ce signalement le 21 août 2017 par le service de l'aide sociale à l'enfance ne met en évidence aucune situation de danger pour leur enfant et précise que " contrairement au contenu de départ dans cette information préoccupante, ce n'est pas E... qui pose réellement problème " dès lors que la prise en place d'un assistant de vie scolaire et d'un emploi du temps adapté doivent permettre sa scolarisation, ce même rapport conclut en revanche à la nécessité de mettre en place un accompagnement social dans le cadre d'une assistance éducative à domicile afin de réorganiser la prise en charge médicale de l'enfant, de lui assurer une rentrée scolaire alors qu'il a été déscolarisé par ses parents depuis son éviction scolaire à titre provisoire et conservatoire, de rétablir le dialogue entre les parents et l'école et, enfin, d'aider les parents à créer des filtres et des cloisons émotionnelles et psychiques avec leur enfant afin de ne pas l'associer aux conflits et difficultés rencontrés dans le cadre scolaire. Eu égard à la persistance d'une relation conflictuelle entre les appelants et l'équipe éducative et compte tenu du choix de la famille de ne plus scolariser leur enfant au sein de l'école de ..., sans toutefois parvenir à le scolariser dans un autre établissement, public ou privé, les conditions de l'éducation et du développement physique, affectif, intellectuel et social de ce dernier pouvaient être considérées comme risquant d'être gravement compromises au sens de l'article 375 du code civil, de sorte que le signalement transmis par les services de l'éducation nationale au département de la Haute-Garonne en application des dispositions citées au point précédent ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme présentant un caractère abusif. Au surplus, il résulte de l'instruction, en particulier d'un courrier du département de la Haute-Garonne du 20 février 2018, que les appelants ont effectivement bénéficié d'une mesure d'assistance éducative à domicile entre le 1er décembre 2017 et le 19 février 2018, laquelle a pris fin en raison de l'absence d'adhésion à l'accompagnement proposé. Par suite, dès lors que la transmission d'une information préoccupante sur la situation du jeune E... au département de la Haute-Garonne était pleinement justifiée par le risques auxquels pouvait être exposé leur enfant et que ce signalement a reçu des suites effectives à travers la mise en place d'une mesure d'assistance éducative, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ce signalement présenterait un caractère abusif de nature à engager la responsabilité de l'État.
En ce qui concerne les illégalités fautives résultant de l'éviction de l'enseignement de musique :
15. Selon M. et Mme B..., leur enfant a, alors qu'il était scolarisé en cours préparatoire, fait l'objet d'une décision non écrite du corps enseignant l'excluant des cours de musique à compter du mois d'octobre 2017. Toutefois, en se bornant à produire un extrait du cahier de liaison de leur enfant contenant un mot manuscrit qu'ils ont rédigé le 23 novembre 2017 pour interpeller l'enseignante sur cette exclusion, dont ils ont été informés sur la base des seules déclarations de leur enfant, les intéressés n'établissent pas la réalité d'une telle mesure d'exclusion tandis que les pages suivantes du cahier de liaison, susceptibles de comporter la réponse de l'enseignante ou du chef d'établissement, ne sont pas produites. De même, il résulte de l'instruction, en particulier du mot adressé à la directrice de l'école et à son enseignante que les appelants ont refusé que leur enfant participe au projet musical prévu le 18 juin 2018 au motif qu'il aurait été privé de cours de musique sans toutefois produire aucun témoignage de nature à étayer leurs allégations. Par suite, la réalité d'une décision écartant l'enfant E... des enseignements de musique n'étant pas démontrée, la responsabilité de l'État ne peut être engagée.
En ce qui concerne les illégalités fautives résultant de l'exclusion des activités physiques et sportives :
16. Par une lettre du 4 octobre 2017, l'enseignante de cours préparatoire a informé M. et Mme B... de ce que la participation de leur fils au " cycle de tennis " est suspendue, dans l'intérêt général de la classe et de l'intérêt particulier de leur enfant jusqu'à ce qu'il soit à nouveau possible de l'accueillir. Selon cette même lettre, cette mesure fait suite au refus réitéré du jeune E... de pratiquer le tennis et à l'incident rencontré lors de la séance de tennis du 3 octobre 2017 au cours de laquelle ce dernier n'a voulu, en dépit de l'assistance de son accompagnante d'élèves en situation de handicap, ni participer au cours ni y assister en simple spectateur sans perturber le travail des autres élèves et le bon déroulement pédagogique de la séance.
17. En premier lieu, aux termes de l'article D. 112-1-1 du code de l'éducation : " Les élèves disposant d'un projet personnalisé de scolarisation élaboré dans les conditions définies à l'article L. 112-2 peuvent être dispensés d'un ou de plusieurs enseignements lorsqu'il n'est pas possible de leur rendre ces enseignements accessibles en raison de leur handicap. / La décision est prise par le recteur d'académie (...) après avoir recueilli l'accord écrit de l'élève majeur ou, s'il est mineur, de ses parents ou de son responsable légal, lesquels sont informés des conséquences de cette décision sur le parcours de formation de l'élève. / Les dispenses d'enseignement ne créent pas de droit à bénéficier d'une dispense des épreuves d'examens et concours correspondantes ". Aux termes de l'article D. 351-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le parcours de formation de l'élève s'effectue en priorité en milieu scolaire ordinaire, dans son établissement scolaire de référence (...) / Dans tous les cas, les modalités de déroulement de sa scolarité sont précisées dans son projet personnalisé de scolarisation ou dans son projet d'accueil individualisé, définis respectivement aux articles D. 351-5 et D. 351-9 du présent code. Ce projet définit, le cas échéant, les modalités du retour de l'élève dans son établissement scolaire de référence ". L'article D. 351-5 de ce code dispose que : " Un projet personnalisé de scolarisation définit et coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap. / Il est rédigé conformément au modèle défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de l'agriculture et des personnes handicapées, et comprend : / - la mention du ou des établissements où l'élève est effectivement scolarisé en application de l'article D. 351-4 ; / - les objectifs pédagogiques définis par référence au socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l'article L. 122-1-1 et au contenu ou référentiel de la formation suivie au vu des besoins de l'élève ; ces objectifs tiennent compte de l'éventuelle nécessité d'adapter la scolarisation de l'élève en fonction des actions mentionnées au premier alinéa du présent article ; / - les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans les domaines relatifs au parcours de formation mentionnés à l'article D. 351-7 ; / - les préconisations utiles à la mise en œuvre de ce projet. / Le projet personnalisé de scolarisation est révisé au moins à chaque changement de cycle ou d'orientation scolaire ".
18. Il est constant que, eu égard à sa formulation, le projet personnalisé de scolarisation tel qu'établi par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées dans le cadre du plan de compensation du handicap du jeune E... ne contient aucune limitation quant à la nature des enseignements susceptibles d'être suivis. En revanche, ce projet, dans sa version en vigueur entre le 18 avril 2017 et le 31 août 2019 mentionne qu'il y a lieu de " favoriser la participation du jeune aux activités prévues dans tous les lieux de vie considérés " de sorte que, par cette formulation, il a été tenu compte du fait que l'enfant E... pouvait ne pas être mesure d'accomplir certaines activités eu égard au trouble du spectre autistique qu'il présente.
19. En tout état de cause, la circonstance selon laquelle le projet personnalisé de scolarisation n'exclut pas la participation à des activités physiques et sportives de type tennis n'est pas de nature à écarter la faculté, pour un enseignant agissant dans le cadre de ses prérogatives pédagogiques, lorsqu'il estime qu'il peut exister une situation de danger ou des risques pour la sécurité des élèves, de décider de ne pas faire participer un élève à une activité. En l'espèce, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que la mesure en litige a été prise à titre provisoire et conservatoire au regard des refus répétés de l'enfant de participer aux séances de tennis, ainsi qu'en témoigne le mot manuscrit établi par son enseignante le 23 novembre 2017 dans le cahier de liaison, et de l'impossibilité de l'y faire participer en dépit de l'aide apportée par son accompagnante d'élèves en situation de handicap tandis que la présence du jeune E... a perturbé le bon déroulement de cette activité en contraignant l'enseignante à l'extraire du cours pour le prendre en charge séparément afin de le calmer. En outre, compte tenu de la formulation du courrier du 4 octobre 2017, la mesure d'éviction en litige est temporaire et présente un caractère précaire et révocable tandis que le jeune E... a pu, par la suite, participer au cycle de boulisme sans difficulté et obtenir un " brevet du jeune bouliste ". Par suite, dès lors que la mesure en litige ne revient pas à modifier substantiellement les dispositions prévues dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation de leur enfant, les appelants ne peuvent utilement soutenir ni qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 112-2, D. 112-1-1, D. 351-4 et D. 351-5 du code de l'éducation, ni qu'elle est entachée d'incompétence de son auteur, l'enseignante disposant, dans le cadre de ses prérogatives pédagogiques, de la possibilité d'apprécier l'opportunité de faire participer un enfant à une activité pouvant représenter un danger pour lui ou pour le reste de la classe.
20. En deuxième lieu, dès lors que la mesure en litige a donné lieu à un courrier motivé et circonstancié qui leur a été personnellement adressé ainsi qu'à des éléments de réponse apportés par l'enseignante et la directrice de l'école le 23 novembre 2017, M. et Mme B... ne sont fondés à soutenir ni qu'elle est intervenue sans concertation, dans des conditions brutales et expéditives, ni qu'elle serait insuffisamment motivée alors que, en tout état de cause, elle ne présente pas le caractère d'une sanction.
21. En troisième lieu, compte tenu de ce qui été dit aux points 19 et 20, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la mesure en litige reposerait sur des faits matériellement inexacts, la circonstance selon laquelle les motifs ayant présidé à l'exclusion de leur enfant seraient en contradiction avec les appréciations portées par tous les spécialistes de l'enfance qui le suivent n'étant pas, à elle seule, de nature à remettre en cause le constat de son enseignante portant sur le refus répété de l'enfant de participer à l'activité de tennis et l'impossibilité de lui faire pratiquer cette activité, y compris avec l'aide de son accompagnante tandis que le jeune E... a perturbé le déroulement du cours lors de la séance du 3 octobre 2017.
22. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 20 et dès lors qu'elle ne porte pas sur l'ensemble des activités d'éducation physique et sportive dispensées au jeune E... mais se limite au cycle dédié à l'apprentissage du tennis et n'exclut pas la possibilité pour cet enfant de participer à nouveau à ce cycle et présente, dès lors, un caractère limité, les appelants ne sont fondés à soutenir ni que la mesure d'éviction en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation ni qu'elle serait disproportionnée.
23. Dans ces conditions, la décision expresse prise par l'enseignante d'exclure l'enfant E... de l'enseignement des activités physiques et sportives à compter du 4 octobre 2017 n'est pas entachée d'illégalités fautives et ne peut, dès lors, engager la responsabilité de l'État.
24. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute commise par les services départementaux de l'éducation nationale dans la prise en charge éducative de l'enfant E... de nature à engager la responsabilité de l'État, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
N. El G...Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL23358