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18/04/2023 | FRANCE | N°21TL03045

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 avril 2023, 21TL03045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Alès à réparer les préjudices qu'elle impute aux désordres résultant de l'inondation à répétition de sa propriété par les eaux pluviales.

Par un jugement n° 1901704 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la communauté d'agglomération Alès Agglomération, qui vient aux droits de la commune d'Alès, à lui verser une somme de 10 600 euros en réparation des conséquences dommageables i

mputables à ces désordres et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune d'Alès à réparer les préjudices qu'elle impute aux désordres résultant de l'inondation à répétition de sa propriété par les eaux pluviales.

Par un jugement n° 1901704 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la communauté d'agglomération Alès Agglomération, qui vient aux droits de la commune d'Alès, à lui verser une somme de 10 600 euros en réparation des conséquences dommageables imputables à ces désordres et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 21 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Fontaine, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice matériel, de son préjudice moral et de ses troubles de jouissance aux sommes respectives de 600 euros et 10 000 euros et rejeté le surplus de sa demande portant sur l'indemnisation de la perte de la valeur vénale de sa propriété et des troubles de jouissance du garage et des aménagements extérieurs, estimés à la somme de 150 euros par mois depuis l'acquisition de la propriété en 1997 jusqu'à son déménagement ;

2°) à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération à lui verser la somme globale de 218 783 euros au titre du préjudice matériel, de la perte de la valeur vénale de sa propriété et de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 150 euros par mois, depuis l'acquisition de sa propriété en 1997 jusqu'à son déménagement, au titre de son préjudice de jouissance et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune d'Alès et la communauté d'agglomération Alès Agglomération à lui verser ces mêmes sommes ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- contrairement à ce qui est soutenu en défense, indépendamment de l'appartenance de la canalisation d'un diamètre de 600 mm située en aval du regard au droit de sa propriété à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement, cet ouvrage constitue, en raison de son incorporation au réseau public de collecte des eaux pluviales, une dépendance de cet ouvrage public ;

- sa propriété, implantée en contrebas d'un stade municipal, subit des inondations irrégulières dès lors que les eaux pluviales, en provenance des fonds supérieurs, s'accumulent dans le fossé busé situé au droit de sa propriété et cheminent ensuite, en raison de la surcharge de cet ouvrage hydraulique, vers sa parcelle ;

- ce fossé busé n'est pas entretenu et il est, de surcroît, sous-dimensionné pour le recueil des eaux de ruissellement surplombant sa propriété et se trouve colmaté par la présence de dépôt de matériaux et de matières plastiques, ce qui empêche la correcte évacuation des eaux pluviales tandis que l'expert désigné par le tribunal a estimé que le système d'écoulement pluvial, qui n'a pas été révisé depuis 1977, est devenu obsolète et sous-dimensionné ;

- les désordres affectant sa propriété présentent un lien de causalité direct et certain avec la défaillance et le défaut d'entretien des ouvrages publics de gestion des eaux pluviales urbaines tandis que le maire de la commune d'Alès a fait preuve de carence dans l'exercice des pouvoirs de police dont il est investi par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales en autorisant une urbanisation non contrôlée qui a fait des eaux pluviales une véritable menace ;

- les premiers juges ont sous-estimé l'évaluation de son préjudice ;

- les inondations affectant sa propriété ont provoqué des dégâts matériels considérables affectant son mobilier, les façades extérieures et la porte du garage ainsi que l'ont retenu l'expert désigné par son assureur lors de la phase amiable et l'expert judiciaire désigné par le tribunal ;

- sa propriété, qui est régulièrement inondée, a subi une dévalorisation considérable, l'expert judiciaire ayant estimé qu'elle était devenue " inondable et invendable " de sorte que le préjudice financier résultant de la perte de la valeur vénale de sa propriété doit être égal à la perte pure et simple de son patrimoine ce qui doit inclure la valeur résiduelle de sa maison, l'indemnisation de ses frais de déménagement, les droits de mutation et les émoluments du notaire dans le cadre d'un éventuel rachat de propriété tandis qu'elle a toujours œuvré au règlement amiable du litige en suggérant à la collectivité d'engager une procédure d'expropriation ;

- âgée de 70 ans, elle se trouve dans une situation de vulnérabilité affectant son état psychologique au regard des inondations affectant sa propriété et génératrices d'angoisses permanentes à chaque épisode pluvieux, notamment nocturne ;

- depuis l'acquisition de sa maison, elle a été privée de la possibilité de jouir d'une grande partie de sa propriété dès lors qu'elle n'a jamais pu entreposer ses effets personnels dans son garage exposé à une humidité anormale et à un risque d'inondation permanent tandis qu'elle a dû renoncer au projet d'aménager une piscine en raison du caractère inondable de son jardin, privant ses petits-enfants de cette joie familiale ;

- sa propriété a encore récemment subi une inondation à la suite de deux épisodes orageux les 3 octobre 2021 et 14 septembre 2022 ;

- l'expert mandaté par ses soins a estimé, dans son rapport du 19 octobre 2022, d'une part, qu'en l'état des inondations répétées, sa maison est invendable, de plus fort dans ce secteur réputé pour ses épisodes cévenols redoutables devenus fréquents du fait du changement climatique et, d'autre part, que le calcul de la perte de valeur d'un immeuble soumis au risque inondation doit être faite selon la méthode des abattements validée par la Cour de cassation ;

- elle est fondée à obtenir la réparation intégrale de ses préjudices en demandant la condamnation de la communauté d'agglomération Alès Agglomération ou, à titre subsidiaire, la condamnation solidaire de cet établissement public et de la commune d'Alès, à lui verser les indemnités suivantes :

* la somme de 203 283 euros au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété incluant l'estimation de la valeur vénale de sa propriété fixée à la somme de 183 000 euros, les frais de déménagement et d'emménagement, qu'elle évalue à la somme de 6 000 euros ainsi que les droits de mutation et les frais de notaire chiffrés à la somme de 14 283 euros ;

* la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

* la somme de 500 euros au titre de son préjudice matériel ;

* une somme de 150 euros par mois, calculée depuis l'acquisition de sa propriété en 2017 jusqu'au jour de son déménagement, au titre des troubles de jouissance du garage et des aménagements extérieurs.

Par des observations, enregistrées le 28 septembre 2021, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), assureur de la commune d'Alès, représentée par Me Gil-Fourrier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en renvoyant à ses écritures et pièces de première instance, que :

- seule la responsabilité de la communauté d'agglomération Alès Agglomération peut être engagée dès lors qu'elle exerce de plein droit les compétences en matière d'eau, d'assainissement et de gestion des eaux pluviales urbaines depuis le 1er janvier 2020 ;

- en tout état de cause, les conditions d'engagement de sa responsabilité ou de celle de la communauté d'agglomération Alès Agglomération ne sont pas réunies dès lors, d'une part, que l'appelante ne subit aucun préjudice anormal et spécial susceptible d'ouvrir droit à réparation, d'autre part, que les préjudices allégués ne sont pas établis et, enfin, que sa maison est naturellement située sur un point bas du bassin versant et que la construction de sa maison sur un vide sanitaire démontre qu'elle avait connaissance de la situation particulière du terrain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2022, la communauté d'agglomération Alès Agglomération et la commune d'Alès, représentées par Me Février, concluent au rejet de la requête et au versement, par Mme B..., d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la responsabilité de la communauté d'agglomération Alès Agglomération ne peut être engagée dès lors que le fait générateur du litige est antérieur au transfert des compétences exercées par la commune d'Alès en matière de gestion des eaux pluviales ;

- l'ouvrage en cause, qui se présente comme la canalisation d'un fossé busé, ne constitue pas un ouvrage public mais un ouvrage privé dès lors qu'il a été réalisé par le lotisseur, dans le cadre de l'opération de construction du lotissement " Chante-Perdrix ", qu'il n'est pas situé sur la voie communale, et, enfin, qu'il appartient à l'association syndicale libre constituée entre les colotis, laquelle est tenue de l'entretenir de sorte que Mme B... ne peut utilement invoquer le régime de responsabilité du fait des dommages d'ouvrages publics, en l'absence d'ouvrage public concourant au service public de gestion des eaux pluviales urbaines ;

- s'il est constant que la commune d'Alès est intervenue pour entretenir le fossé situé au droit du stade municipal en face de la propriété de Mme B..., elle n'est jamais intervenue, par des actes de gestion répétés, pour entretenir la partie busée de ce fossé se poursuivant par une canalisation souterraine traversant le tréfonds d'assiette du lotissement tandis qu'aucune décision formelle ou tacite ni délibération du conseil municipal n'est intervenue pour intégrer ce réseau dans le domaine public communal ;

- la cause principale du dommage réside donc dans le dysfonctionnement d'un ouvrage privé, aggravé par la circonstance que le terrain d'assiette du lot inclus dans le lotissement " Chante-Perdrix " au droit de la propriété de l'appelante est en enclos de sorte qu'il constitue un obstacle à l'écoulement des eaux ;

- en l'absence de réseau public pluvial situé en amont et/ou au droit de la propriété de Mme B..., l'ouvrage en cause ne peut être regardé comme s'incorporant à un ouvrage public et, partant, comme de nature à engager la responsabilité du gestionnaire du réseau public, la simple présence d'un talweg formant un fossé naturel en fond de propriété de Mme B... où les eaux de pluie ruissellent et s'écoulent par gravité ne pouvant constituer un ouvrage public tandis que le merlon situé en amont sur le terrain de sport a précisément pour but de servir à la rétention des eaux pluviales qui s'écoulent sur ce terrain et d'empêcher leur écoulement dans ce fossé ;

- la défaillance de la canalisation du fossé se situant au droit de la propriété de Mme B... et traversant le sous-sol du lotissement " Chante-Perdrix " ne saurait lui être imputée dès lors qu'elle constitue un ouvrage privé tandis qu'elle ne peut être tenue pour responsable du fait que les propriétaires des fonds inférieurs à celui de l'appelante, ont réalisé, avant la construction de sa maison, des ouvrages de clôture formant un obstacle à l'écoulement des eaux voire, pour l'un deux, exhaussé son fonds, ce qui bloque l'écoulement naturel des eaux de pluie ;

- s'agissant de la montée de Silhol, la commune d'Alès a réalisé les aménagements nécessaires pour que les eaux pluviales en provenance de cette voie publique ne se déversent plus dans le parking du centre commercial situé en surplomb et ne s'écoulent, en aval, dans le talweg situé au droit de la propriété de Mme B... tandis que les eaux pluviales s'écoulant dans ce fossé naturel en provenance du domaine public sont marginales et qu'un merlon a été construit entre le stade municipal et la propriété de l'intéressée ;

- les ouvrages publics destinés au recueil des eaux pluviales n'ont pas à être dimensionnés pour supporter des événements exceptionnels ;

- la responsabilité du maire du fait d'une carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait être engagée dès lors qu'il n'existe pas de risques pour la sécurité des personnes et que le risque en cause est imputable au dysfonctionnement d'ouvrages privés ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis dès lors, premièrement, que la propriété de Mme B... n'a pas subi aucune perte de valeur vénale, seul le garage étant exposé à des inondations à l'exclusion de sa maison, qui est surélevée, tandis que cette perte est, en l'absence de projet de vente, purement hypothétique, deuxièmement, que le préjudice moral allégué n'est pas justifié, troisièmement, que le préjudice matériel évalué à 500 euros correspond à un sinistre déjà indemnisé au titre de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et, enfin, quatrièmement, que le préjudice de jouissance ne présente pas de caractère permanent ;

- la créance correspondant à l'indemnisation du préjudice de jouissance est prescrite en application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics.

Par une ordonnance du 24 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 22 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... F...,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Février, représentant la communauté d'agglomération Alès Agglomération et la commune d'Alès, et de Me Crespy, représentant la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, assureur de la commune d'Alès.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire d'une maison d'habitation édifiée en 1997 et située sur les parcelles cadastrées ... à Alès (Gard). Après avoir constaté des venues d'eaux pluviales à l'origine d'inondations sur son terrain et dans son garage, elle a fait diligenter deux expertises amiables à l'initiative de son assureur, le 10 juin 2015 et le 24 février 2017, avant de faire établir un avis de valeur de sa propriété par un expert mandaté par ses soins, le 19 octobre 2022. Par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes n° 1701750 du 10 octobre 2017, Mme B... a obtenu la désignation d'un expert dont le rapport a été remis, le 6 juin 2018. Par une lettre du 16 janvier 2016, l'intéressée a saisi la commune d'Alès d'une demande préalable tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables résultant des inondations à répétition de sa propriété causées par l'écoulement d'eaux pluviales. Par un jugement du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits de la commune d'Alès, à lui verser une somme de 10 600 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont limité l'indemnisation de son préjudice matériel, de son préjudice moral et de ses troubles de jouissance aux sommes respectives de 600 euros et 10 000 euros et rejeté la demande d'indemnisation de la perte de la valeur vénale de sa propriété et des troubles de jouissance du garage et des aménagements extérieurs estimés à la somme de 150 euros par mois depuis l'acquisition de la propriété en 1997 jusqu'à son déménagement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du maire d'Alès dans l'exercice de ses pouvoirs de police :

2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...) tels que (...) les inondations (...) ".

3. L'article L. 2226-1 du même code dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines (...) ". Aux termes de l'article R. 2226-1 de ce code, la commune ou l'établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux pluviales " assure la création, l'exploitation, l'entretien, le renouvellement et l'extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics (...) ".

4. Les articles L. 2212-2 et L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales confient au maire le soin d'assurer la sécurité et la salubrité publiques en prévenant notamment les inondations par des mesures appropriées et instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones identifiées par les documents d'urbanisme comme " urbanisées et à urbaniser ". Toutefois ces dispositions n'ont ni pour objet ni ne sauraient avoir pour effet d'imposer aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétentes la réalisation de réseaux d'évacuation pour absorber l'ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire.

5. Ainsi que l'a jugé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que les venues d'eau provoquées par le ruissellement des eaux pluviales dans le garage et le jardin de Mme B..., aussi gênantes soient-elles, aient été d'une gravité telle que le maire aurait commis une carence fautive en s'abstenant d'exercer les pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales alors que, en tout état de cause, par un arrêté interministériel du 26 septembre 2014, la commune a bénéficié de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre des inondations et des coulées de boue survenues sur la période comprise entre le 17 et le 20 septembre 2014. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme B... sur le fondement de la responsabilité pour faute du maire de la commune d'Alès dans l'exercice de ses pouvoirs de police.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics :

6. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. Toutefois, ce régime de responsabilité ne s'applique pas aux préjudices subis du fait de l'absence d'ouvrage public.

7. D'autre part, la qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public. En outre, la circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage.

8. Enfin, la seule circonstance qu'un ouvrage hydraulique assure l'écoulement naturel des eaux pluviales ne suffit pas à le regarder comme directement affecté à un service public.

9. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise judiciaire, que les inondations répétées de la parcelle de Mme B..., qui se situe au sein d'un ancien talweg composé d'un fossé naturel qui se poursuit de manière busée par une canalisation souterraine située dans le tréfonds du lotissement " Chante Perdrix ", ont pour origine le dimensionnement et l'entretien insuffisants de plusieurs ouvrages hydrauliques situés au droit de cette propriété. De plus, aux termes du cahier des charges et du règlement du lotissement " Chante Perdrix ", la canalisation d'un diamètre de 600 mm située en aval du regard au droit de la propriété de Mme B... appartient à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement et n'a pas, à l'issue de l'opération de construction de ce lotissement, été transférée dans le domaine public communal. Il résulte également de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expert et des documents relatifs au lotissement, que cette canalisation aurait dû être d'un diamètre de 800 mm et qu'elle s'est trouvée, par son sous-dimensionnement et son défaut d'entretien, dans l'impossibilité de remplir sa fonction d'évacuation des eaux de ruissellement en provenance des fonds supérieurs, lesquelles doivent naturellement s'écouler vers le bassin versant compte-tenu de l'implantation du lotissement le long d'un talweg. Dès lors que les désordres affectant la propriété de l'appelante ne sont imputables ni à la conception ni au fonctionnement d'un ouvrage public mais à la topographie des lieux et au sous-dimensionnement de la canalisation busée appartenant au lotissement " Chante Perdrix " et à son défaut d'entretien par les propriétaires du lotissement, la responsabilité de la communauté d'agglomération Alès Agglomération n'était pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, susceptible d'être engagée du fait des dommages causés par ces ouvrages hydrauliques pas plus qu'elle ne saurait être engagée du fait de préjudices subis du fait de l'absence d'ouvrage public.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a limité l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des inondations à répétition de sa propriété à la somme de 10 600 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. En premier lieu, d'une part, la recevabilité de conclusions présentées au titre du remboursement des frais non compris dans les dépens est subordonnée à la qualité de partie au litige. D'autre part, doit être regardée comme une partie à l'instance la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre cette décision.

12. La société mutuelle d'assurance des collectivités locales, assureur de la commune d'Alès, n'ayant pas la qualité d'intimée dans le cadre de l'instance d'appel, sa présence en qualité d'observatrice ne lui confère pas davantage la qualité de partie, dès lors qu'elle n'aurait pas eu, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce-opposition au présent arrêt. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme qu'elle demande à ce titre.

13. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Alès Agglomération et de la commune d'Alès, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la communauté d'Agglomération Alès Agglomération au même titre.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Alès Agglomération et de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la communauté d'agglomération Alès Agglomération, à la commune d'Alès et à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.

Copie en sera adressée pour information à M. C... E..., expert.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

La rapporteure,

N. El F...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21TL03045


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