Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La présidente de la région Occitanie a déféré, par l'intermédiaire de son directeur des affaires juridiques, au tribunal administratif de Montpellier, en sa qualité de prévenue d'une contravention de grande voirie, la société Varadero Vinaròs, à l'effet de constater que les manquements de celle-ci aux articles L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 5335-1 et L. 5335-2 du code des transports constituaient des contraventions de grande voirie prévues et réprimées aux articles L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques et à l'article L. 5337-1 du code des transports, de condamner la société Varadero Vinaròs au paiement de plusieurs amendes, d'enjoindre à cette dernière de procéder sans délai à l'enlèvement de son navire sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de l'autoriser à y procéder d'office, aux frais et risques du contrevenant, en cas d'inexécution de cette injonction, et d'autoriser la région Occitanie ou l'établissement public Port Sud de France à procéder à la destruction du navire, aux frais et risques de la société Varadero Vinaròs.
Par un jugement n° 1902576 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Varadero Vinaròs à payer deux amendes de 3 000 euros, lui a enjoint de libérer et remettre sans délai les lieux en état, notamment, en procédant au déplacement du bateau vers un autre port acceptant de l'accueillir, après avoir réalisé les travaux de flottabilité nécessaires à un tel transfert, l'ensemble sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a décidé qu'à l'issue du délai de deux mois ainsi prescrit, l'autorité gestionnaire du port de Sète pourrait procéder d'office à la libération du domaine public aux frais et risques de la société contrevenante et serait également autorisée à procéder au démantèlement du navire Rio Tagus.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 18 avril 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, des pièces produites les 26 et 29 avril 2021, des mémoires des 14 décembre et 27 décembre 2022 et des 3 janvier et 10 mars 2023, la société Varadero Vinaròs, représentée par Me Najjar et Me Gibon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de la relaxer des fins de poursuite engagées contre elle, par la contravention de grande voirie du 20 mars 2019 ;
3 °) de mettre à la charge de la région Occitanie, la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la saisine du tribunal administratif par la région Occitanie est irrecevable, dès lors que la requête est signée de M. B... A..., directeur des affaires juridiques de la région, alors que l'article L. 5337-3-1 du code des transports exige que la saisine soit signée par la présidente de région, qui ne peut déléguer en la matière sa signature qu'à un vice-président ;
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas appelé en la cause la direction départementale des territoires et de la mer et la direction des affaires juridiques de la région Occitanie ; il est également entaché d'irrégularité pour ne pas avoir appelé en la cause l'établissement régional du Port Sud de la France ;
- le procès-verbal de contravention de grande voirie du 20 mars 2019 lui a été notifié le 22 mai 2019, soit plus de deux mois après qu'il a été dressé, alors que l'article L. 774-2 du code de justice administrative impose une notification dans le délai de dix jours ; il ne peut donc lui être reproché d'avoir laissé le Rio Tagus à quai, alors que les faits la mettant en cause lui ont par cette notification, été indiqués avec retard ;
- cette communication tardive est de nature à porter atteinte aux droits de la défense ; il est par ailleurs prévu par l'article L. 774-2 du code de justice administrative un délai de 15 jours pour fournir " des défenses écrites ", ce dont elle n'a pas bénéficié alors qu'elle a son siège en Espagne ;
-le procès-verbal de contravention de grande voirie ne mentionne aucun texte légal susceptible de s'appliquer aux faits retenus par ce procès-verbal ;
- le 3 octobre 2016, elle a acquis aux enchères le " Rio Tagus ", vendu pour la somme de 11 000 euros par l'établissement public du Port de Sète, qui s'est opposé au transfert du Rio Tagus en Espagne pour y être démantelé ; il ne saurait donc lui être opposé le fait qu'elle n'a pas transféré le Rio Tagus en Espagne alors qu'elle avait fait le nécessaire pour que ce transfert ait lieu dès le 6 avril 2018 ; l'opposition le 6 avril 2018 de l'établissement public du Port de Sète au transfert du Rio Tagus en Espagne, constitue un cas de force majeure, la société subissant un important préjudice financier ;
- la situation de force majeure dans laquelle elle s'est trouvée crée l'obligation pour la personne publique de l'indemniser des préjudices qu'elle a subis en raison du refus de sortie qui lui a été opposé par la capitainerie du Port de Sète, préjudices qui s'élèvent à la somme de 27 830 euros ;
- enfin, si le tribunal lui a enjoint de libérer et de remettre sans délai les lieux en état, notamment, en procédant au déplacement du bateau vers un autre port acceptant de l'accueillir, après avoir réalisé les travaux de flottabilité nécessaires à un tel transfert, il n'a pas précisé la nature de ces travaux, de sorte que l'astreinte pourrait toujours commencer à courir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, des pièces produites le 16 novembre 2022, un mémoire du 7 février 2023 et un mémoire en production de pièces du 13 mars 2023, la région Occitanie, représentée par Me Constans, conclut au rejet de la requête de la société Varadero Vinaròs et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été présentée le 10 décembre 2021, soit tardivement dans la mesure où la société Varadero Vinaròs, dont le siège se trouve en Espagne, disposait d'un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier, pour interjeter appel de ce jugement, la signification du jugement par voie d'huissier étant intervenue le 25 novembre 2020 ;
- à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Une note en délibéré a été produite pour la région Occitanie le 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le code de procédure civile ;
- le code des transports ;
-la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin rapporteure publique,
- et les observations de Me Najjar, représentant la société appelante, et celles de Me Constans, représentant la région intimée.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 octobre 2016, la société de droit espagnol Varadero Vinaròs a acquis aux enchères le navire " Rio Tagus ", lequel était abandonné depuis 2010 par son armateur dans le port de Sète. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi le 20 mars 2019 pour occupation sans droit ni titre du domaine portuaire et en raison du risque d'atteinte au bon état et à la propreté du port. Ce procès-verbal de contravention de grande voirie a fait l'objet, le 22 mai 2019, d'une notification à la société Varadero Vinaròs, dont le siège se trouve en Espagne.
2. Sur demande de la région Occitanie, par un jugement du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Varadero Vinaròs à payer deux amendes de 3 000 euros, lui a enjoint de libérer et remettre sans délai les lieux en état, notamment, en procédant au déplacement du bateau vers un autre port acceptant de l'accueillir, après avoir réalisé les travaux de flottabilité nécessaires à un tel transfert, l'ensemble sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et a décidé qu'à l'issue du délai de deux mois ainsi prescrit l'autorité gestionnaire du port de Sète pourrait procéder d'office à la libération du domaine public aux frais et risques de la société contrevenante et serait également autorisée à procéder au démantèlement du Rio Tagus.
3. La société Vadarero Vinaròs relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
4. Conformément aux dispositions des articles L. 774-2 et L 774-6 du code de justice administrative, il appartenait à la région Occitanie, ainsi que lui a demandé le tribunal par lettre du 3 novembre 2020, de procéder à la notification du jugement attaqué à la société Varadero Vinaròs.
5. Aux termes de l'article L. 774-7 du code de justice administrative, applicable en matière de contravention de grande voirie : " Le délai d'appel est de deux mois. Il court contre l'administration du jour du jugement et, contre la partie poursuivie, du jour de la notification du jugement à cette partie ". Selon l'article R. 421-7 du même code applicable aux requêtes d'appel en vertu de l'article R. 811-5 de ce code, le délai d'appel " est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ". Il résulte de ces dispositions combinées que le délai d'appel ouvert à la société Varadero Vinaròs était de quatre mois.
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 647-1 du code de procédure civile : " La date de notification d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire, (...) à l'étranger est, à l'égard de celui qui y procède, la date d'expédition de l'acte par l'huissier de justice ou le greffe, ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent ".
7. En l'absence de preuve de ce que le jugement attaqué du 12 novembre 2020 aurait été notifié à la société appelante, la fin de non-recevoir opposée à la requête ne peut qu'être écartée, alors même qu'elle n'a été enregistrée que le 18 avril 2021, soit au-delà du délai de quatre mois courant à compter de l'expédition du jugement par voie d'huissier le 25 novembre 2020. Sont à cet égard sans influence les dispositions précitées de l'article 647-1 du code civil, invoquées par la région, qui concernent la preuve - notamment quant au point de départ des délais de prescription - de la notification d'un acte judiciaire à l'égard de celui qui y procède et non de la personne à qui cet acte est notifié.
Sur la recevabilité de la saisine du tribunal administratif par la région Occitanie :
8. Aux termes de l'article L. 5337-3-1 du code des transports : " Dans les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au 3° de l'article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement saisit le tribunal administratif territorialement compétent, dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière. Il peut déléguer sa signature à un vice-président ".
9. Le procès-verbal de grande voirie établi le 20 mars 2019 a été notifié à la société appelante par M. B... A..., directeur des affaires juridiques de la région Occitanie, lequel a saisi le tribunal administratif de Montpellier le 22 mai 2019. Si la région a produit la délégation de signature accordée le 5 février 2018 par la présidente de la région à M. A..., lui permettant notamment de signer " (...) Les requêtes introductives d'instance adressées au tribunal administratif compétents , ainsi que les mémoires en observations, et en réponses liés aux contraventions de grande voirie sur le domaine public portuaire (...) ", les dispositions précitées de l'article L. 5337-3-1 du code des transports précitées prévoient cependant qu'en matière de contravention de grande voirie, le président de l'organe délibérant de la collectivité ne peut déléguer sa signature qu'à un vice-président.
10. La société Varadero Vinaròs est donc fondée à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier a été incompétemment saisi au nom de la région Occitanie par M. A..., directeur des affaires juridiques de la région, à l'effet de déférer la société Varadero Vinaròs au tribunal administratif de Montpellier, en sa qualité de prévenue d'une contravention de grande voirie.
11. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il résulte de ce qui précède que la société Varadero Vinaròs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer deux amendes de 3 000 euros, lui a enjoint de libérer et remettre sans délai les lieux en état, notamment, en procédant au déplacement du bateau vers un autre port acceptant de l'accueillir, après avoir réalisé les travaux de flottabilité nécessaires à un tel transfert, l'ensemble sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a décidé qu'à l'issue du délai de deux mois ainsi prescrit, l'autorité gestionnaire du port de Sète pourrait procéder d'office à la libération du domaine public aux frais et risques de la société contrevenante et serait également autorisée à procéder au démantèlement du navire Rio Tagus .
Sur les conclusions à fin de relaxe :
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la société Varadero Vinaròs doit être relaxée des fins de la poursuite engagée contre elle.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Varadero Vinaròs, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région Occitanie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la région Occitanie au bénéfice de la société Varadero Vinaròs la somme que demande celle-ci sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La société Varadero Vinaròs est relaxée des fins de la poursuite engagée à son encontre pour contravention de grande voirie.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la société Varadero Vinaròs et à la région Occitanie.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à l'établissement public Port Sud de France
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL01463