Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1900831 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des majorations pour manquement délibéré, pour un montant de 3 061 euros, accordé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques du Gard, et déchargé partiellement M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 2012.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021 sous le n° 21MA02580 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL02580 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a déchargé partiellement M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 2012 ;
2°) de rétablir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige dont la décharge a été accordée à tort par les premiers juges.
Il soutient que :
- les stipulations de la convention fiscale franco-marocaine ne trouvent pas à s'appliquer à M. et Mme A..., dès lors qu'ils ne justifient pas disposer d'un domicile au Maroc ;
- le centre de leurs intérêts économiques et leur domicile fiscal se situaient en France en 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Orbillot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 29 mai 1970 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, à l'issue d'un examen de leur situation fiscale personnelle, en ce qu'elles procèdent de l'imposition, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, de sommes figurant au crédit de leur compte bancaire personnel. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel du jugement du 16 avril 2021, en tant que le tribunal a fait droit à l'ensemble des conclusions présentées par M. et Mme A..., à l'exception des majorations pour manquement délibéré qui ont fait l'objet d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques du Gard.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
En ce qui concerne l'application de la loi française :
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / (...) / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui disposent d'une résidence permanente en France, ont perçu, au titre de l'année 2012, leurs pensions de retraite et des revenus fonciers dans ce pays. Ils ne soutiennent pas avoir perçu des revenus au Maroc au titre de cette même année. Ils doivent, ainsi, être regardés comme ayant eu en France le centre de leurs intérêts économiques au sens du c du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, alors même qu'ils exerçaient au Maroc les fonctions de gérants d'un établissement hôtelier exploité par la société Oasis de l'Atlas Exploitation, dont ils étaient les associés. Ils disposaient donc de leur domicile fiscal en France et étaient dès lors passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus en application de l'article 4 A du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la convention entre la France et le Maroc :
5. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 2 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 : " Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente Convention, au lieu où elle a son " foyer permanent d'habitation ". Si cette personne possède un foyer permanent d'habitation dans les deux Etats, elle est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle a le centre de ses activités professionnelles et, à défaut, où elle séjourne le plus longtemps ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont souscrit leurs déclarations de revenus des années 2012 et 2013 auprès du centre des finances publiques d'Avignon en mentionnant résider au 341 impasse Villeverte à Avignon. Ils n'apportent aucun élément permettant de justifier que ce logement, dont Mme A... est en partie propriétaire, correspondait en réalité au domicile de sa mère. Dans ces conditions, alors que les passeports des intéressés attestent d'une présence en France en 2012 pendant plus de six mois pour M. A... et pendant quatre mois pour Mme A..., ils doivent être regardés comme ayant, au cours de cette même année, disposé en France d'un foyer permanent d'habitation.
7. D'autre part, si M. et Mme A... affirment résider avec leur fils depuis 2006 au Maroc, où ils ont créé l'année suivante la société Oasis de l'Atlas Exploitation, qui assure leur hébergement dans l'hôtel qu'elle exploite, ils n'apportent aucune précision sur les modalités concrètes de cette prise en charge, notamment sur la mise à disposition d'un logement réservé à leur usage de manière durable. Dans ces conditions, alors que M. et Mme A... se bornent à produire les cartes de résidence qui leur ont été délivrées en 2016 par les autorités marocaines, il ne résulte pas de l'instruction qu'au cours de l'année 2012, à laquelle se rapporte le présent litige, ils aient habité de manière permanente au Maroc.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... doivent être regardés comme ayant disposé, au cours de l'année 2012, d'un foyer permanent d'habitation seulement en France et doivent, en conséquence, être considérés comme domiciliés en France au sens du 1 de l'article 2 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 23 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire (...) ". Dès lors que M. et Mme A... doivent être regardés comme domiciliés fiscalement en France, c'est à bon droit que l'administration les a imposés au titre de revenus d'origine indéterminée réalisés en 2012.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a accueilli le moyen tiré de ce que la convention fiscale franco-marocaine faisait obstacle à l'application de la loi française.
11. Il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal et la cour. M. et Mme A... n'ayant pas soulevé d'autres moyens, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé partiellement M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige et à demander à ce qu'elles soient remises à la charge des intéressés.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1900831 du tribunal administratif de Nîmes du 16 avril 2021 est annulé en tant qu'il a déchargé partiellement M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 2012.
Article 2 : Les conclusions en réduction présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes restant en litige sont rejetées.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 2012, dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remises à la charge de M. et Mme A....
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme C... et D... A....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
N. B...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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