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13/04/2023 | FRANCE | N°21TL01080

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 13 avril 2023, 21TL01080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1803669 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 sous l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1803669 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 sous le n° 21MA01080 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01080 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Alle et Me Bichard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- d'importants travaux réalisés à proximité immédiate de son établissement, un incendie et des difficultés de personnel ont été à l'origine d'une baisse d'activité ;

- sa comptabilité était probante ;

- la reconstitution de sa comptabilité à partir de la méthode des liquides est inappropriée ;

- la reconstitution prend en compte des données erronées s'agissant des prix pratiqués par l'établissement ;

- les taux de marge retenus ne sont pas sérieux ;

- la reconstitution s'appuie sur des achats incohérents et erronés ;

- elle ne prend en compte les invendus que partiellement ;

- le taux de réfaction retenu ne compense pas la prise en compte de prix et de reventes erronés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 juillet 2021 et le 2 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Alle pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... fait appel du jugement du 22 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Ces suppléments et rappels procèdent de la reconstitution, après rejet de sa comptabilité, du chiffre d'affaires de l'établissement de restauration traditionnelle qu'elle exploite à D... (Gard) et qui comprend également une activité de bar, de vente de pizzas à consommer sur place et à emporter, un snack destiné à la vente à emporter de glaces, crêpes, sandwichs et boissons, ainsi qu'une cave de vente de vins régionaux.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Il résulte de ces dispositions que la charge de la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité de l'entreprise incombe à l'administration fiscale.

3. Il résulte de l'instruction que Mme B... n'a pas conservé sur support informatique les données relatives aux enregistrements des recettes sur la caisse enregistreuse, alors que sa comptabilité était tenue à partir d'un système informatisé. Dans ces conditions, la comptabilisation des recettes du restaurant et du snack à partir de l'exploitation des tickets récapitulatifs journaliers et mensuels, lesquels étaient ressaisis manuellement par le cabinet comptable, ne saurait constituer une solution alternative probante. Par ailleurs, les recettes issues de la cave à vins ont été comptabilisées sans l'utilisation d'une caisse enregistreuse et sur la base de fiches mensuelles tenues manuellement, indiquant le cumul des ventes réalisées par jour d'ouverture. Enfin, le vérificateur a relevé, en prenant en compte les achats de boissons alcoolisées, les prix pratiqués, les pertes, offerts et prélèvements divers, une sous-évaluation substantielle du chiffre d'affaires correspondant. L'ensemble de ces éléments caractérisent, à eux-seuls, l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de l'établissement de Mme B.... Par suite, l'administration rapporte la preuve du caractère non probant de la comptabilité présentée. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le service n'était pas en droit de reconstituer ses recettes après avoir rejeté sa comptabilité.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

4. Mme B... ayant contesté les rehaussements qui lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire et la commission visée au deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales n'ayant pas été saisie, la charge de la preuve de l'insuffisance des bases d'imposition déclarées incombe à l'administration fiscale.

5. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'ensemble de l'activité exercée par Mme B..., le service vérificateur a pris en compte les boissons alcoolisées achetées par l'établissement. A cet effet, le vérificateur a reconstitué les recettes totales en établissant, dans un premier temps, les recettes tirées de la vente des boissons alcoolisées à partir du dépouillement exhaustif des factures d'achat de ces produits, en tenant compte des dosages et des tarifs pratiqués ou d'un taux de marge indiqué par l'intéressée et d'un pourcentage de 15 % représentant les pertes, les offerts, la consommation personnelle de Mme B... et de ses employés, ainsi que l'utilisation de ces boissons dans la préparation des plats, en déterminant, dans un deuxième temps et à partir des données comptables de l'entreprise en fonction de la différenciation par taux de taxe sur la valeur ajoutée opérée, un coefficient représentant la part des recettes liées aux boissons alcoolisées dans le total des ventes et en appliquant, dans un troisième temps, ce coefficient au chiffre d'affaires reconstitué.

6. En premier lieu, la seule circonstance que la méthode retenue par le service aboutit à retenir une marge globale supérieure à la marge moyenne d'une activité de pizzéria exclusive, telle que retenue par la fédération des centres de gestion agréés et alors que l'activité de vente de pizzas est en l'espèce accessoire, est insuffisante pour considérer que la méthode retenue, qui se fonde sur les données propres à l'exploitation de Mme B..., aboutit à des résultats non réalistes ou pour révéler la mise en œuvre d'une méthode de reconstitution purement théorique. Par ailleurs, la méthode retenue, qui se base sur la part du chiffre d'affaires des boissons alcooliques dans le chiffre d'affaires total de l'exploitation, constatée dans la comptabilité de Mme B..., tient nécessairement compte de ce que les activités de bar et de caviste ne comprenaient pas de vente de solides et n'est donc pas radicalement viciée ou inappropriée. Enfin, dès lors que la reconstitution opérée par le service vérificateur repose sur des constatations objectives, en particulier les achats de boissons alcoolisées comptabilisés par l'entreprise, qui varient en fonction de la fréquentation de l'établissement, la requérante ne peut valablement se prévaloir de ce que son activité aurait été durablement affectée par la réalisation d'importants travaux à proximité immédiate de son restaurant, par la survenue de l'incendie du four à bois en 2014 et par des difficultés de personnel, pour en déduire que la reconstitution ne correspondrait pas aux conditions d'exploitation, lesquelles ont été nécessairement prises en compte. Par suite, Mme B..., qui ne propose aucune méthode alternative, ne critique pas valablement celle qui a été retenue par le service vérificateur.

7. En deuxième lieu, la seule production d'attestations de fournisseurs, d'ailleurs établies pour les besoins de la cause, selon lesquelles ils n'auraient pas commercialisé ou vendu à l'établissement de Mme B... certains produits pris en compte par le vérificateur ne suffit pas à remettre pas en cause le caractère réaliste de la reconstitution opérée à partir du dépouillement des factures d'achats.

8. En troisième lieu, en ne produisant que quatre tickets de caisse non représentatifs et, devant le tribunal, des tickets mal reprographiés, mentionnant des prix différents pour les mêmes produits et concernant des périodes estivales, Mme B... ne remet pas en cause les prix des bières, des alcools anisés et du " vin prestige " retenus par le vérificateur à partir de la carte des boissons de l'établissement qu'elle lui avait elle-même communiquée, des tickets de caisse et de tickets Z qui lui avaient été remis et des relevés de prix effectués sur place.

9. En quatrième lieu, Mme B..., qui se borne à se prévaloir de l'organisation régulière de manifestations culturelles à l'occasion desquelles elle offre des rafraîchissements aux intervenants et aux visiteurs, de l'utilisation d'une tireuse à bière inadaptée à un rendement optimal, de l'absence de vente aux clients d'alcools anisés de moindre qualité et de vodka et de la préparation récurrente d'un plat typique consommateur en vin rouge, n'apporte aucun élément étayé justifiant que le service aurait sous-évalué les pertes, les offerts et les volumes utilisés dans la confection des plats, en appliquant à ce titre au chiffre d'affaires reconstitué des boissons alcoolisées une déduction de 15 %, comprenant également la consommation de l'ensemble du personnel. L'administration a en outre consenti à ne retenir, s'agissant du vin en vrac, que la vente en pichet d'un litre, volume commercialisé le plus important. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur, qui n'a pas valorisé des achats ayant directement bénéficié à des tiers, aurait intégré ce type d'achats dans la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de Mme B.... Enfin, la seule circonstance qu'il a pris en compte une facture de 298,20 euros, correspondant à une rétrocession de vin à un tiers, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère réaliste de la reconstitution critiquée.

10. Dans l'ensemble de ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité exploitée par Mme B....

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL01080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01080
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SELARL ELLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-13;21tl01080 ?
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