Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Trois A a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2020-01-114 du 23 janvier 2020 du préfet de l'Hérault fixant une période d'ouverture annuelle maximale " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre " du camping " La Plage Farret ", à Vias.
Par un jugement n° 2002866 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse le 1er mars 2022, la société Trois A, représentée par Me Gil-Fourrier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 23 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, contrairement à ce qu'impose l'article L. 9 du code de justice administrative, dans sa réponse au moyen tiré du caractère stéréotypé de la motivation de l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2020 ;
- les premiers juges ont omis, contrairement à ce qu'impose l'article R. 741-2 du code de justice administrative, de viser et de répondre à son moyen tiré de la méconnaissance de la procédure de substitution du préfet aux pouvoirs de police du maire, ce qui entache également d'irrégularité le jugement attaqué ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré de l'erreur de fait était irrecevable ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure faute d'information sur les études d'aléas et de connaissance du risque donnée lors de la procédure contradictoire, le projet d'arrêté, qui vise les " études d'aléas et de connaissance du risque ", étant à cet égard trop imprécis, ce qui ne lui a pas permis de présenter utilement des observations ;
- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas les " études d'aléas et de connaissance du risque " sur lesquelles il se fonderait et qu'il vise les " campings ", sans se rapporter à la situation particulière et les caractéristiques du camping " La Plage Farret " ; l'arrêté préfectoral n'indique pas les dates des différents événements météorologiques qui seraient survenus ;
- l'insuffisance de motivation révèle par ailleurs un défaut d'examen de la situation particulière du camping ;
- par l'arrêté litigieux, le préfet, en visant les articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales a entendu se fonder sur la procédure de substitution du préfet au maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, prévue par l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, mais cette procédure n'a pas été respectée, dès lors qu'elle impose notamment une mise en demeure préalable du maire ;
- l'arrêté préfectoral repose sur des faits matériellement inexacts et présente un caractère disproportionné dès lors que si l'arrêté est fondé sur la situation du camping en zone inondable, au titre d'un " risque de crue avérée ", l'objet de l'arrêté se trouve ainsi cantonné à la prise en compte de l'aléa fluvial, et à cet égard le camping " La Plage Farret " n'est soumis qu'à un aléa fluvial modéré ; l'État n'établit pas que les éléments qui lui avaient permis d'autoriser l'ouverture du camping seraient devenus insuffisants ;
- par ailleurs, le camping est concerné par un aléa au délai de prévenance long, ce qui lui permet de se préparer et d'évacuer, si nécessaire, sans danger pour la sécurité des personnes et des biens ; le camping a par ailleurs fait l'objet d'un avis favorable du 8 mars 2017 de la sous-commission départementale de sécurité des terrains de camping ; il dispose d'un cahier de prescriptions de sécurité, tenu par l'exploitant, et transmis à la commune, qui détaille, au regard des risques, les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation pouvant être mises en œuvre ;
- s'agissant des mesures de vigilance, au-delà des alertes de vigilance Météo France, le camping dispose d'un abonnement complémentaire auprès de Météo France lui permettant de mettre en œuvre plus efficacement encore les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation prévues par le cahier de prescriptions de sécurité ;
- s'agissant des conditions d'évacuation, les voies d'accès et d'évacuation sont concernées par un aléa modéré si bien qu'en cas d'inondation, le camping pourrait être évacué sans danger pour la sécurité des personnes ;
- enfin, ainsi qu'il a été indiqué en première instance, le préfet a commis une erreur de fait en indiquant prendre une décision sur le camping " La Plage Farret " en l'assimilant à tort à l'ancien camping " Les Tamaris ", dénommé " Beach Farret ".
La requête a été transmise, le 9 février 2023, au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 9 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code général des collectivités territoriales ;
-le code de l'environnement
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,
-les observations de Me Crespy, représentant la société Trois A.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 janvier 2020, le préfet de l'Hérault a fixé la période d'ouverture du camping " La Plage Farret ", qui compte 271 emplacements, situé à Vias, " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre de chaque année ". La société Trois A relève appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, ainsi que le fait valoir la société appelante, le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le préfet ne justifiait pas qu'étaient réunies les conditions prévues par l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales pour lui permettre d'agir par substitution au maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Toutefois, dès lors que l'arrêté du 23 janvier 2020 est pris sur le fondement de l'article R. 331-8 du code du tourisme, qui donne le pouvoir au préfet de règlementer les périodes d'ouverture des campings, et non sur le fondement du code général des collectivités territoriales, le moyen précité était inopérant. En conséquence, l'absence de réponse des premiers juges à ce moyen n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité .
3. En deuxième lieu, contrairement à que soutient la société Trois A, les premiers juges ont répondu, de manière très détaillée au point 3 du jugement, au moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux était insuffisamment motivé en ce qu'il présentait un caractère stéréotypé.
4. En troisième lieu, si dans son mémoire du 27 octobre 2020 présenté en première instance, la société Trois A a entendu répondre à l'argument présenté par le préfet dans son mémoire en défense du 16 septembre 2020 selon lequel l'arrêté en litige était justifié au regard d'un aléa fort et modéré pour les risques de submersion marine et de débordement des cours d'eau de l'Orb, de l'Hérault, et du Libron, les premiers juges n'étaient, en tout état de cause, pas tenus de répondre à cet argument.
5. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 2 à 4 que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article R. 331-8 du code du tourisme : " Les préfets peuvent, par arrêté, imposer des normes spéciales d'équipement et de fonctionnement en vue de la protection contre les dangers d'incendie et les risques naturels et technologiques majeurs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les préfets peuvent imposer aux gestionnaires de terrains de camping sis en zones submersibles des normes de fonctionnement allant jusqu'à la fermeture périodique desdits terrains, notamment pendant les périodes traditionnelles de crue des cours d'eau à proximité desquels ils sont situés.
7. En premier lieu, si la société appelante persiste en appel à soutenir que l'arrêté du 23 janvier 2020 du préfet de l'Hérault serait insuffisamment motivé au regard des éléments de fait, cet arrêté, en se fondant sur la circonstance selon laquelle dans l'Hérault, les campings situés en zone inondable et sur la bande littorale " sont soumis à un risque de crue élevé ", sur " l'historique de la survenance des événements météorologiques intense de type cévenols ou méditerranéens ", pour en déduire qu' " il convient de limiter la vulnérabilité des personnes et des biens du camping La Plage Farret ", qui est " exposé à un risque de crue avéré " , est suffisamment motivé au regard des éléments de fait, alors même qu'il n'exposerait pas de façon exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation particulière du camping concerné.
8. En deuxième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, par lettre du 31 octobre 2019 le préfet de l'Hérault a informé la société Trois A de ce qu'il envisageait de prendre un arrêté, dont il joignait le projet en annexe, fixant une période d'ouverture maximale du camping " La plage Farret " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre ", et l'a invitée à formuler ses observations à cet égard. Si aucun document relatif aux aléas et risques représentés par l'ouverture du camping en dehors de la période précitée n'a été joint à cette lettre, cette circonstance n'est pas en elle-même de nature à avoir empêché l'intéressée de présenter utilement des observations, ce qu'elle a fait le 19 novembre 2019. Au demeurant, les informations dont la société se plaint de ne pas avoir été destinataire, qui se rapportaient au plan de prévention des risques naturels d'inondation, étaient disponibles sur le site internet de la préfecture. Par conséquent et alors même que la société appelante n'aurait pas, comme elle le soutient, reçu le courrier du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a apporté des précisions quant à la situation du camping "La plage Farret " au regard du plan de prévention des risques naturels d'inondation, le moyen tiré de l'absence de respect d'une procédure contradictoire doit être écarté.
9. En troisième lieu, ainsi qu'il est indiqué au point 2 du présent arrêt, l'arrêté du 23 janvier 2020 est pris sur le fondement de l'article R. 331-8 du code du tourisme, qui donne le pouvoir au préfet de règlementer les périodes d'ouverture des campings, et non par substitution du préfet au maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale sur le fondement du code général des collectivités territoriales. Dès lors, le moyen tiré de ce que les conditions prévues par l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, permettant au préfet de se substituer au maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, n'étaient pas réunies, est inopérant et ne peut qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche technique établie le 9 juin 2017 par le préfet de l'Hérault, portant spécifiquement sur le camping " Plage Farret ", du plan de prévention des risques naturels d'inondation et littoraux de la commune de Vias approuvé le 4 avril 2014, et des cartes qui y sont annexées, que le plan classe une partie du camping " Plage Farret " en zone RD, zone inondable d'aléa fort pour le risque de déferlement et en zone RN, zone d'aléa fort pour la submersion marine. Par ailleurs, selon l'atlas des zones inondables dans les bassins de l'Orb, de l'Hérault et du Libron, porté à la connaissance de la commune le 5 novembre 2010, le camping " Plage Farret " se trouve en zone " lit moyen ", ce qui le soumet à un degré d'exposition fort à l'inondation par débordement de cours d'eau. À cet égard, ces classements ne peuvent être sérieusement contestés par la société appelante en considération d'études hydrauliques plus anciennes, réalisées en 1982 et 1996.
11.Toutefois, l'inclusion du camping " Plage Farret " dans les périmètres des zones RD et RN, ainsi que son exposition forte à l'inondation par débordement des cours d'eau, n'affecte qu'une partie de son emprise. De plus, l'appelante, qui a bénéficié d'un avis favorable, le 8 mars 2017, de la sous-commission départementale de sécurité des terrains de camping, justifie de la mise en place d'un certain nombre de dispositifs tels que celui afférent à la tenue par l'exploitant d'un cahier de prescriptions de sécurité, transmis à la commune, qui détaille, au regard des risques, les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation pouvant être mises en œuvre, et de la réalisation, le 19 juin 2018 , d'un exercice d'évacuation du camping ayant permis son évacuation en moins de 30 minutes. Par suite, la société Trois A est fondée à soutenir, en ce qui concerne la partie du camping " Plage Farret " non comprise en zone d'aléa fort, au regard des risques d'inondation, de déferlement et de débordement fluvial, que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation .
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Trois A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2020 du préfet de l'Hérault fixant une période d'ouverture annuelle maximale " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre " du camping " Plage Farret " en tant que cet arrêté porte interdiction d'ouverture pour la période comprise entre le dimanche qui suit le 14 octobre de l'année au vendredi inclus qui précède le 14 mars de l'année, de la partie du camping non comprise en zone d'aléa fort, au regard des risques d'inondation, de déferlement et de débordement fluvial.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société Trois A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté n° 2020-01-114 du 23 janvier 2020 du préfet de l'Hérault fixant une période d'ouverture annuelle maximale " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre " du camping " Plage Farret " est annulé en tant que cet arrêté porte interdiction d'ouverture pour la période comprise entre le dimanche qui suit le 14 octobre de l'année au vendredi inclus qui précède le 14 mars de l'année, de la partie du camping " Plage Farret " non comprise en zone d'aléa fort, au regard des risques d'inondation, de déferlement et de débordement fluvial.
Article 2 : Le jugement n° 2002866 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à la société à responsabilité limitée Trois A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Trois A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21TL04622
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