Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Résidence du soleil a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1905530 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 avril 2022 et le 20 octobre 2022, la société Résidence du soleil, représentée par Me Benoteau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle a été privée d'un débat oral contradictoire sur ses pièces comptables obtenues par l'administration dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, faute que l'administration lui ait remis une copie de ces documents avant la fin des opérations de contrôle ;
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle a été privée d'un débat oral contradictoire au cours de la réunion de synthèse du 2 mars 2015 à laquelle son gérant n'a pas pu participer du fait de son interpellation par les services de police ;
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que les procès-verbaux d'audition de M. F..., que l'administration a consultés dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, ne lui ont pas été communiqués avant la mise en recouvrement des impositions ;
- c'est à l'administration qu'il revient de justifier de la remise en cause de l'imputation du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2010 sur les résultats de l'exercice en 2011 ;
- l'administration ne pouvait pas remettre en cause l'imputation de l'intégralité de ce déficit faute d'avoir préalablement reconstitué ses recettes au titre de l'exercice clos en 2010 ;
- le montant des produits reconstitués au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 est surévalué dès lors qu'il prend en compte des loyers non perçus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de la société Résidence du soleil, représentée par M. F..., son gérant.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière Résidence du soleil, qui est propriétaire de deux immeubles de rapport situés à Toulouse (Haute-Garonne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié, suivant la procédure de rectification contradictoire, des rehaussements de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et à la contribution annuelle sur les revenus locatifs par deux propositions de rectification, du 5 décembre 2014 pour l'exercice clos en 2011, et du 27 mars 2015 pour les exercices clos en 2012 et 2013. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs au titre des trois exercices contrôlés, assortis de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. La société Résidence du soleil relève appel du jugement du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant du débat oral et contradictoire :
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Aux termes de l'article L. 10 du même livre : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". La charte des droits et obligations du contribuable vérifié dispose qu'" en cas de vérification de comptabilité, le dialogue n'est pas formalisé. Il repose, pour l'essentiel, sur un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le contribuable vérifié qui se déroule sur le lieu du contrôle ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité a été effectuée, comme il est de règle, dans les propres locaux du contribuable vérifié, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il en va de même lorsque les opérations de contrôle se sont déroulées dans d'autres locaux, à la demande expresse du contribuable.
3. Il résulte de l'instruction que la première intervention de la vérificatrice a eu lieu le 10 octobre 2014, en présence du gérant de la société requérante, M. F..., et à la demande de ce dernier, à la maison d'arrêt de Seysses où il était détenu. Les interventions suivantes ont eu lieu au siège social de la société, le 6 novembre 2014, le 28 novembre 2014, le 12 décembre 2014, le 22 janvier 2015, le 5 février 2015 en la présence de son gérant. Enfin une réunion de synthèse a été organisée le 2 mars 2015, pour ce qui concerne les rectifications envisagées au titre des exercices clos en 2012 et 2013.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a consulté, le 21 novembre 2014, les pièces comptables de la société requérante, qui avaient été saisies par l'autorité judiciaire, et pris des copies de scellés contenant les éléments comptables saisis portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Il est constant que la vérificatrice a utilisé ces pièces comptables pour reconstituer les recettes de la société requérante et, partant, rehausser ses résultats imposables. Si la vérificatrice n'a pas communiqué à la société requérante une copie des pièces saisies avant l'envoi des propositions de rectification, il est constant qu'elle a soumis au débat contradictoire les éléments qu'elle avait recueillis dans l'exercice de son droit de communication. Ainsi, la proposition de rectification du 5 décembre 2014 indique, sans que cela soit contesté, que les éléments comptables saisis qui ont servi à asseoir les impositions au titre de l'exercice clos en 2011 " ont été présentés au cours du débat oral et contradictoire le 28 novembre 2014 ". La proposition de rectification du 27 mars 2015 indique, sans que cela soit contesté, que " lors de mes interventions sur place, nous avons débattu sur les documents comptables pris en copie et listés ci-dessus [les documents saisis par l'autorité judiciaire et consultés par la vérificatrice] ". Dans ces conditions, la société requérante ne démontre pas qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire sur ses pièces comptables recueillies par l'administration dans le cadre de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire.
5. En second lieu, un vérificateur n'est pas tenu de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager. Par suite, la seule circonstance que M. F... ait été interpellé par la police judiciaire au cours de la réunion de synthèse organisée par la vérificatrice le 2 mars 2015 et à laquelle participaient également le conseil et le comptable de la société requérante n'a pas eu, en tout état de cause, pour effet de priver cette dernière d'un débat oral et contradictoire à propos des rehaussements opérés au titre des exercices clos en 2012 et 2013.
S'agissant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
6. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". S'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en œuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements.
7. Il résulte de l'instruction que les procès-verbaux d'audition de M. F... du 19 juin 2014 et du 28 août 2014 n'ont pas été utilisés par l'administration pour procéder aux rehaussements des résultats de la société requérante mais pour démontrer la qualité de maître de l'affaire de M. F... et, ainsi, fonder les rehaussements des revenus du foyer fiscal de ce dernier. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre du refus de l'administration de lui communiquer ces procès-verbaux. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de l'imputation du déficit reportable de l'exercice clos en 2010 sur les résultats bénéficiaires de l'exercice clos en 2011 :
8. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...) ".
9. D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts citées au point 8, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extra-comptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
10. Il résulte de l'instruction que la société requérante a imputé sur les résultats bénéficiaires de l'exercice clos en 2011 un déficit de l'exercice clos en 2010, d'un montant de 53 167 euros. La société requérante, qui ne conteste pas l'existence des graves irrégularités dans la comptabilité qu'elle a présentée pour justifier l'existence et le montant de ce déficit, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe en se bornant prétendre, contrairement aux principes ci-dessus rappelés, qu'il revenait à l'administration de justifier la remise en cause de l'imputation de ce déficit et de reconstituer ses recettes de l'exercice clos en 2010. Le moyen doit être écarté.
S'agissant des produits pris en compte dans les recettes reconstituées des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 :
11. La société requérante soutient que l'administration a pris en compte des loyers non perçus dans les produits des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.
Quant aux produits de l'exercice clos en 2011 :
12. Pour reconstituer les produits de l'exercice clos en 2011, l'administration s'est basée sur le " grand livre de tiers - clients période du 01/01/2011 au 31/12/2011 " daté du 6 janvier 2012, contenu dans le scellé n° 10, consulté dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire.
13. La société requérante soutient que le montant des produits reconstitués correspondant aux loyers versés par M. ou Mme C..., soit 6 488 euros, devrait être réduit de moitié dès lors que ce locataire a libéré l'appartement qu'il occupait le 23 juin 2011. La société requérante soutient ainsi implicitement que le montant pris en compte par l'administration correspond au loyer annuel de cet appartement. Toutefois, il résulte de l'instruction que le montant pris en compte par l'administration correspond non pas au loyer d'une année entière mais seulement à la période d'occupation du logement par ce locataire. Par suite, le ministre démontre le bien-fondé de ce rehaussement.
Quant aux produits de l'exercice clos en 2012 :
14. Pour reconstituer les produits de l'exercice clos en 2012, l'administration s'est basée sur le " grand livre de tiers - clients période du 01/01/2012 au 01/09/2012 " daté du 30 août 2012 contenu dans le scellé n° 15, et des extraits de ce même grand livre inclus dans les dossiers locataires datés du 9 janvier 2013 contenus dans les scellés nos 7 et 14, consultés dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, ainsi que sur le fichier des écritures comptables remis le 6 novembre 2014.
15. La société requérante soutient que le montant des produits reconstitués correspondant aux loyers versés par Mme A..., soit 3 628 euros, devrait être réduit de 2 419 euros, dès lors que cette dernière a libéré l'appartement qu'elle occupait le 21 avril 2012. Toutefois, il résulte de l'instruction que le montant pris en compte par l'administration correspond, non pas au loyer d'une année entière mais seulement à la période d'occupation du logement par la locataire. Par suite, le ministre démontre le bien-fondé de ce rehaussement.
Quant aux produits de l'exercice clos en 2013 :
16. Pour reconstituer les produits de l'exercice clos en 2013, l'administration s'est basée sur le " grand livre de tiers - clients période du 01/01/2012 au 31/12/2013 " daté des 21 février et 28 février 2014 contenu dans le scellé n° 15, consulté dans le cadre du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, ainsi que sur le fichier des écritures comptables remis le 6 novembre 2014.
17. La société requérante soutient que le montant des produits reconstitués correspondant aux loyers versés par M. B..., soit 10 610 euros, devrait être réduit de 7 073 euros, dès lors qu'il a libéré l'appartement qu'il occupait le 19 avril 2013. Elle se prévaut d'une ordonnance de référé du tribunal d'instance de Toulouse de cette même date. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de cette ordonnance, que le locataire a été condamné au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au montant du loyer jusqu'à son départ effectif. C'est donc à bon droit que la vérificatrice a pris en compte les sommes effectivement encaissées jusqu'au départ du locataire, intervenu en décembre 2013, et correspondant à des chèques de règlement du loyer ainsi qu'à des versements de la caisse d'allocations familiales que la société requérante a, au demeurant, enregistrés dans le compte de ce locataire. Par suite, le ministre démontre le bien-fondé de ce rehaussement.
18. La société requérante soutient que le montant des produits reconstitués correspondant aux loyers versés par M. E..., soit 6 496 euros, devrait être réduit de 4 331 euros, dès lors qu'il a libéré l'appartement qu'il occupait le 5 avril 2013. Elle se prévaut d'une ordonnance de référé du tribunal d'instance de Toulouse de cette même date. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de cette ordonnance, que ce locataire a été condamné au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au montant du loyer, à verser jusqu'à son départ effectif. C'est donc à bon droit que la vérificatrice a pris en compte les sommes effectivement encaissées jusqu'au départ du locataire, intervenu en octobre 2013, et correspondant aux loyers enregistrés par la société requérante dans le compte de ce locataire. Par suite, le ministre démontre le bien-fondé de ce rehaussement.
19. Il résulte de ce tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Résidence du soleil, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Résidence du soleil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Résidence du soleil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
La rapporteure,
V. D...Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21024 2