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23/02/2023 | FRANCE | N°20TL02910

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 février 2023, 20TL02910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme T3M a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer le remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir payés à tort au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1805344 du 25 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 13 août 2020 sous le

n° 20MA02910, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL029...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme T3M a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer le remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir payés à tort au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1805344 du 25 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 13 août 2020 sous le n° 20MA02910, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL02910, et un mémoire enregistré le 15 avril 2021, la société T3M, représentée par Me de Smet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement de la somme de 333 514 euros de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir acquittée à tort au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle se trouve en situation de crédit intermittent de taxe sur la valeur ajoutée pendant la période en litige, elle est recevable à demander, par réclamation sur le fondement des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, le remboursement de la taxe qu'elle n'aurait pas reversée si elle n'avait pas commis d'erreur de déclaration ;

- la subvention qui lui a été versée durant le mois de septembre 2015 par le ministère chargé des transports ne doit pas être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée car elle ne constitue pas une subvention directement liée au prix de ses prestations ;

- la doctrine administrative prévoit que la subvention directement liée au prix doit être versée par un tiers à celui qui réalise la livraison ou la prestation, constituer la contrepartie d'une livraison ou d'une prestation et permettre au client de payer un prix inférieur au prix du marché ou au prix de revient.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 février 2021 et le 28 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée reversée devant se faire en se conformant à la procédure prévue par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts et non pas sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- les moyens soulevés par la société T3M ne sont pas fondés, la subvention en cause constituant une subvention directement liée au de prix des prestations et devant, en conséquence, être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société T3M.

Une ordonnance du 21 juin 2022 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Sylvie Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Smet, représentant la société T3M.

Considérant ce qui suit :

1. La société T3M exerce une activité dans le domaine de l'affrètement et de la logistique de transport à Saint-Jean-de-Védas (Hérault). Elle a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée une subvention qu'elle a perçue du ministère chargé des transports durant le mois de septembre 2015. Estimant, par la suite, que cette somme n'était pas taxable, elle a adressé à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une demande de remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants s'élevant à la somme de 333 514 euros. Cette réclamation contentieuse du 22 décembre 2015 a néanmoins été rejetée, l'administration fiscale considérant à titre principal qu'elle était irrecevable dès lors que la déclaration de taxe pour le mois de septembre 2015 présentait un solde créditeur s'élevant en l'espèce à la somme de 426 676 euros et qu'elle était en tout état de cause infondée, la subvention devant être regardée comme étant directement liée au prix des prestations de la société et donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. La requérante fait appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant au remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à la somme de 333 514 euros en accueillant la fin de non-recevoir soulevée par l'Etat.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'État ". L'article 242-0 A de l'annexe II au même code dispose que : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile ". Aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). / II. Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement lorsque la déclaration mentionnée au 2 de l'article 287 du code général des impôts fait apparaître un crédit de taxe déductible (...) ". Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire (...) ".

3. Lorsqu'un contribuable estime qu'au cours d'une période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée donnée lors de laquelle il a été tantôt en situation créditrice et tantôt en situation débitrice, il a déclaré plus de taxe à acquitter qu'il n'aurait dû, il lui appartient de reporter sur les déclarations suivantes le crédit de taxe déductible résultant de cette correction pour en permettre l'imputation ultérieure sur la taxe due, puis, si le montant de ce crédit excède le montant de la taxe due, de présenter une demande de remboursement de cet excédent dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts. Il ne peut, à défaut, présenter, pour le même motif, une demande de restitution de la taxe par voie de réclamation, en application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qu'au titre des mois au cours desquels il est en situation débitrice et ce, dans la limite des sommes qu'il n'aurait pas, alors, reversées s'il avait reporté les excédents de crédit de taxe auxquels il prétend au titre des mois précédents.

4. Il résulte de l'instruction que la société T3M a été, pendant les mois de septembre et d'octobre 2015, créditrice de taxe sur la valeur ajoutée respectivement à hauteur de 436 676 euros et de 3 362 euros et qu'elle a été débitrice de la taxe pendant les mois de novembre et de décembre de la même année à hauteur de 95 776 euros et de 159 320 euros. Il s'ensuit que la société requérante se trouvait en situation de crédit intermittent pour la période en litige. Dès lors, sa réclamation, qui portait sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait acquittés au titre de l'année 2015 et non pas seulement sur sa situation au mois de septembre 2015 pour lequel elle estime avoir commis une erreur de déclaration, était recevable à hauteur des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés aux mois de novembre et décembre 2015. Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Montpellier, la demande de la société T3M était, à concurrence de la somme de 255 096 euros, recevable. Le jugement n° 1805344 du tribunal administratif de Montpellier en date du 25 mai 2020 est ainsi irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

5. En conséquence, il y a lieu, d'une part, de rejeter les conclusions de la société T3M en tant qu'elles excèdent la somme de 255 096 euros dès lors que la demande de première instance est irrecevable et, d'autre part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif de Montpellier à concurrence de la somme de 255 096 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". L'article 266 du même code dispose que : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations; (...) ". Selon la Cour de justice de l'Union européenne, la notion de " subventions directement liées au prix " doit être interprétée en ce sens qu'elle comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d'une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire.

7. Il résulte de l'instruction que la société T3M a signé le 11 août 2015 avec le ministère chargé des transports une convention aux termes de laquelle elle peut bénéficier d'une subvention d'un montant de 11,2 euros par unité de transport intermodal transbordée pendant l'année 2014, dans la limite d'un montant total de 2 001 082 euros, et elle s'engage à développer des services de transport combiné et à atteindre des objectifs de trafic en 2015. La société T3M ne conteste pas l'analyse du ministre, s'appuyant sur celle de la Commission européenne dans sa décision n° SA.37881 (2013/N) du 19 juin 2014 autorisant la France à accorder ce type d'aide, selon laquelle, eu égard à l'engagement renouvelé des autorités à soutenir le développement du transport intermodal, cette subvention était prévisible et les opérateurs de transport en intègrent le versement dans le prix de la prestation de transport qu'ils offrent. Cette subvention a pour objet d'assurer la compétitivité de la filière du transport combiné, en particulier face au secteur concurrent du transport entièrement routier, en limitant le surcoût résultant des opérations de transbordement qui lui sont propres. Elle permet aux opérateurs de services de transport combiné d'établir une offre de prix compétitive, nécessaire pour favoriser le développement de ce moyen de transport.

8. Ainsi, la subvention est accordée par l'Etat aux opérateurs économiques en contrepartie d'un service déterminé, en l'espèce, la prestation de transport intermodal de marchandises, et aboutit à une baisse du prix payé par le preneur par rapport à celui qui aurait été proposé en l'absence de subvention. Nonobstant l'absence de prestation individualisable au profit de l'Etat et l'absence d'engagement tarifaire précis, la subvention perçue par la société requérante revêt donc la nature d'une subvention directement liée au prix des opérations de transport et doit en conséquence être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du a du I de l'article 266 du code général des impôts.

9. La doctrine administrative est rappelée de manière générale par la société T3M sans préciser ni la référence ni la date du texte. En tout état de cause, il ne résulte pas du rappel du contenu de la doctrine effectué par la société T3M qu'elle comporterait une interprétation de loi fiscale différente de celle figurant aux points précédents.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société T3M n'est pas fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a calculée sur la subvention reçue du ministère chargé des transports à concurrence de la somme de 255 096 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement à la société T3M d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1805344 du 25 mai 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de restitution à hauteur de la somme de 255 096 euros.

Article 2 : La demande de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de la somme de 255 096 euros présentée par la société T3M devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société T3M est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société T3M et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

Le président rapporteur,

A. A...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL02910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL02910
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : DE SMET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-02-23;20tl02910 ?
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