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21/02/2023 | FRANCE | N°21TL00155

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 février 2023, 21TL00155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la métropole Montpellier Méditerranée Métropole à réparer les préjudices qu'elle impute aux travaux de construction d'un mur de soutènement en limite nord de sa propriété située à Saint-Georges-d'Orques.

Par un jugement n° 1805306 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, enjoint à Montpellier Méditerranée Métropole de réaliser les travaux de mise en conformité du mur du soutè

nement, d'autre part, condamné cet établissement public à lui verser la somme de 164 786,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la métropole Montpellier Méditerranée Métropole à réparer les préjudices qu'elle impute aux travaux de construction d'un mur de soutènement en limite nord de sa propriété située à Saint-Georges-d'Orques.

Par un jugement n° 1805306 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, enjoint à Montpellier Méditerranée Métropole de réaliser les travaux de mise en conformité du mur du soutènement, d'autre part, condamné cet établissement public à lui verser la somme de 164 786,27 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des conséquences dommageables imputables à la construction de cet ouvrage et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Marseille le 13 janvier 2021, puis, le 11 avril 2022 devant la cour administrative d'appel de Toulouse, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par Me Gil-Fourrier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a pas limité sa part de responsabilité à 50 % dans la survenance des dommages en tenant compte de l'existence d'une faute de la victime ;

2°) de limiter le préjudice indemnisable à la somme de 82 393,13 euros ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la villa de Mme B... présente un état de vulnérabilité à l'origine des désordres dès lors, d'une part, que l'assise des fondations est constituée d'un sol argileux propice au phénomène de retrait-gonflement des terres et d'autre part, qu'elle a été construite à un niveau inférieur à celui du terrain naturel, ces modifications étant susceptibles d'aggraver les infiltrations d'eau ;

- ces circonstances doivent être regardées comme constitutives d'une faute de la victime de nature à réduire sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à 50 % et à justifier que la condamnation prononcée à son encontre soit limitée à la somme de 82 393,13 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et au versement, par l'appelante, d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute dans la survenance des désordres, les fondations de la villa ayant été réalisées dans les règles de l'art en tenant compte de la nature du sol d'assise constitué d'argiles gonflantes, laquelle n'a pas été un facteur déclenchant mais un facteur aggravant ;

- des drains ont été mis en place dès la construction de la villa pour permettre l'évacuation des eaux de ruissellement ;

- à l'inverse, l'expert judiciaire a relevé que les désordres sont en lien direct et exclusif avec les malfaçons affectant le mur de soutènement et son système drainant totalement inopérant ;

- en particulier, il ressort du rapport d'expertise que lors des travaux de construction du mur de soutènement en litige, aucune barbacane n'a été prévue pour servir d'exécutoire aux eaux pluviales lesquelles se sont trouvées bloquées contre cet ouvrage et se sont déversées dans les sols entre les fondations de la villa tandis que le système drainant n'a été raccordé à aucun système d'évacuation.

Par une ordonnance du 22 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... D...,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Raynal, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire d'une maison d'habitation édifiée en 1996 située sur les parcelles cadastrées section AO n°s 221 et 254, au 1 rue de la Cascade, sur le territoire de la commune de Saint-Georges-d'Orques (Hérault). Un espace vert, appartenant à la commune de Saint-Georges-d'Orques surplombe sa propriété. Imputant à la construction, en 2008, sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Saint-Georges d'Orques, aux droits de laquelle est venue la métropole Montpellier Méditerranée Métropole, d'un mur de soutènement en béton en remplacement d'un mur en pierres sèches, l'apparition d'importantes fissures et lézardes sur les murs de façade et les murs intérieurs de sa villa, constatées au mois de décembre 2011, Mme B... a, après avoir vainement signalé cette situation au maire de la commune, procédé à un diagnostic géotechnique et mandaté un expert à ses frais. Dans son rapport du 4 mai 2015, le cabinet géotechnique a attribué les désordres à une accumulation d'eau au niveau de la façade nord du garage à l'origine d'importantes variations hydriques au niveau du sol d'assise des fondations constitué de terres argileuses. Pour sa part, dans son rapport du 25 juin 2015, l'expert mandaté par Mme B... a estimé que les désordres étaient imputables à la construction de ce mur de soutènement lequel, en faisant obstacle à l'évacuation naturelle des eaux de ruissellement, a provoqué une accumulation d'eaux de pluie venues s'infiltrer dans le tréfonds argileux du terrain d'assiette de la villa. Sur la base du rapport établi, le 17 novembre 2017, par l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2016, Mme B... a saisi Montpellier Méditerranée Métropole d'une demande préalable, présentée par un courrier du 14 août 2018. Montpellier Méditerranée Métropole demande la réformation du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, lui a enjoint de réaliser des travaux de mise en conformité du mur de soutènement et, d'autre part, l'a condamnée à verser à Mme B... la somme de 164 786,27 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des conséquences dommageables imputables à la construction de cet ouvrage, en tant que ce jugement n'a pas limité sa part de responsabilité à 50 % dans la survenance des dommages en tenant compte de l'existence d'une faute de la victime et à la somme de 82 393,13 euros le montant du préjudice indemnisable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du maître de l'ouvrage et l'existence d'une faute de la victime :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les dommages en litige, qui résultent de l'écoulement d'eaux pluviales en provenance du fonds surplombant la parcelle de Mme B..., ont été constatés en 2011, à la suite des travaux réalisés par la commune de Saint-Georges-d'Orques en 2008, à laquelle la métropole appelante s'est substituée, portant sur la démolition d'un mur de soutènement en pierres sèches et la reconstruction d'un mur en béton non pourvu d'un dispositif de drainage adapté. À l'issue de ces travaux, et en l'absence de système de drainage efficace, les eaux de pluies en provenance de la parcelle appartenant à la commune se sont progressivement déversées dans le tréfonds du terrain d'assiette de Mme B..., dont la constitution en terres argileuses, sensibles au phénomène de retrait-gonflement, a favorisé l'apparition de fissurations et de lézardes sur les murs extérieurs et les parties intérieures de sa villa. Dans ces conditions, et ainsi que l'a retenu l'expert désigné par le tribunal, les dommages en cause résultent directement des malfaçons affectant le mur de soutènement dont le dispositif de drainage est impropre au recueil des eaux pluviales. Par suite, Montpellier Méditerranée Métropole, venant aux droits de la commune de Saint-Georges-d'Orques est seule responsable, en sa qualité de maître d'ouvrage du mur de soutènement, des dommages causés à la propriété de Mme B..., qui ne sont pas inhérents à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage.

5. Montpellier Méditerranée Métropole ne conteste pas le principe de l'engagement de sa responsabilité au titre des dommages causés à Mme B..., qui a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage, mais soutient que la victime a commis une faute de nature à réduire pour moitié sa part de responsabilité dans la survenance des dommages.

6. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, que la villa de Mme B... n'accuse, en tout état de cause, pas de défaut constructif en lien avec son implantation à un niveau inférieur au terrain naturel sur un sol composé de terres argileuses, l'expert ayant, au contraire, relevé que les fondations ont été édifiées à une profondeur de 1 mètre 50, conformément aux préconisations du bureau d'études techniques, tandis qu'il a été prévu un système de drains permettant d'évacuer les eaux de ruissellement de sorte que la villa a été construite dans les règles de l'art. Par suite, Montpellier Méditerranée Métropole n'est pas fondée à soutenir que sa part de responsabilité dans la survenance des désordres doit être minorée.

7. Il résulte de ce qui précède que Montpellier Méditerranée Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, lui a enjoint de réaliser des travaux de mise en conformité du mur de soutènement et, d'autre part, l'a condamnée à verser à Mme B... la somme de 164 786,27 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des conséquences dommageables imputables à la construction de cet ouvrage.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Montpellier Méditerranée Métropole au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Montpellier Méditerranée Métropole est rejetée.

Article 2 : Montpellier Méditerranée Métropole versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Montpellier Méditerranée Métropole et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

N. El D...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL00155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00155
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : GIL, CROS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-02-21;21tl00155 ?
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