Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Constellation sécurité a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser la somme globale de 2 535 971,23 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle de cet établissement public a, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du sud-ouest du 5 mars 2014, confirmé le refus de renouveler son autorisation d'exercer des activités de surveillance et de gardiennage.
Par un jugement n° 1804535 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Bordeaux le 12 mai 2021, puis, le 1er mars 2022, devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 23 novembre 2022, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société Constellation Sécurité, représentée par Me Thépot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner le Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser les sommes de 8 133,53 euros en remboursement de la pénalité financière mise à sa charge et des frais d'avocat engagés dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre, de 2 427 837,70 euros en réparation de son préjudice financier et, enfin, la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral, ces deux dernières sommes devant être assorties des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du 7 août 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler son autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage a été jugée illégale par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1404672 du 13 octobre 2016 de sorte que la société Constellation Sécurité a été indûment privée de la possibilité d'exercer son activité ;
- l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 précitée est de nature à engager la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité et lui a causé de manière directe et certaine des préjudices matériels et moral ;
- elle est fondée à engager la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité et à demander la réparation de ses préjudices dans les conditions suivantes :
* 123 602,70 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires liée à la résiliation, par le pouvoir adjudicateur, de deux marchés n°s 13V727 et 13M594 portant respectivement sur la surveillance des chantiers de la ville de Toulouse et de Toulouse Métropole ;
* 871 800,17 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires consécutive à la résiliation du marché n° 15V010 conclu pour la surveillance du muséum d'histoire naturelle ;
* 692 639,283 euros au titre du préjudice financier résultant de la perte de chance d'obtenir le renouvellement du marché conclu avec la société d'économie mixte d'aménagement Oppidea dont elle était titulaire depuis plus de quatre années ;
* 739 795,55 euros au titre du manque à gagner résultant de son éviction de la procédure lancée par l'institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace Sup aéro pour la conclusion d'un marché public de surveillance alors qu'elle disposait de chances réelles de remporter ce marché ;
* 5 000 euros au titre la pénalité financière mise à sa charge par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sud-ouest ;
* 3 133,55 euros au titre des frais d'avocat engagés pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre ;
* 100 000 euros au titre de son préjudice moral lequel n'a pas été causé par la décision du 23 mai 2016 lui infligeant un blâme mais seulement aggravé par cette sanction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2022, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'existe aucun lien de causalité entre l'illégalité de la décision du 7 août 2014 refusant de renouveler l'autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage dont était titulaire la société Constellation sécurité et la résiliation de plusieurs marchés publics conclus avec Toulouse Métropole dès lors que cette résiliation se fonde également sur la décision du même jour de ne pas renouveler l'agrément délivré à son dirigeant pour exercer de telles activités, cette dernière décision, dont la légalité été reconnue par le tribunal administratif de Toulouse, suffisant, à-elle seule à fonder ces mesures de résiliation ;
- la société appelante n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre l'illégalité de la décision de ne pas renouveler son autorisation d'exercice précitée et la perte de chance de prétendre au renouvellement du marché public dont elle était titulaire auprès de la société d'économie mixte d'aménagement Oppidea alors qu'elle n'a pas été en mesure de justifier du dépôt d'une demande d'autorisation auprès du Conseil national des activités privées de sécurité dans le délai imparti par le pouvoir adjudicateur et qu'elle a continué à accomplir des prestations en dépit de l'absence d'autorisation d'exercice ;
- elle n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre la décision précitée du 7 août 2014 et la pénalité financière de 5 000 euros prononcée à son endroit à titre de sanction disciplinaire dès lors que cette décision ne constitue que l'un des motifs fondant cette pénalité ;
- le préjudice moral subi n'est pas imputable à la seule décision du 7 août 2014 précitée.
Par une ordonnance du 4 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 décembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... F... ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Thépot, représentant la société Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société Constellation sécurité, et de Me Brouquières, substituant Me Cano, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant tunisien, a créé, en 2003 la société Constellation sécurité, société spécialisée dans le gardiennage et la sécurité de meubles, d'immeubles et de personnes physiques. Cette société a été autorisée à exercer une activité de surveillance et de gardiennage par une décision du préfet de la Haute-Garonne du 12 janvier 2004. Le 13 mars 2012, M. E... et la société Constellation sécurité ont sollicité le renouvellement de son agrément pour l'un et de son autorisation d'exercer pour l'autre. Par deux délibérations du 7 août 2014, qui se sont substituées à deux délibérations de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du Sud-Ouest du 5 mars 2014, la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire, a respectivement rejeté la demande de renouvellement de l'agrément de M. E... en vue de diriger une société de sécurité privée, motif pris de ce que l'intéressé ne disposait pas de la nationalité française ainsi que la demande de renouvellement de l'autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage présentée par la société Constellation sécurité. La société Constellation sécurité ayant présenté une nouvelle demande le 11 juin 2015, après avoir changé de dirigeant, une autorisation d'exercer lui a été délivrée le 1er juillet 2015. Par une délibération du 23 mai 2016, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de Sud-Ouest a prononcé un blâme à l'endroit de la société Constellation sécurité et lui a infligé une pénalité financière d'un montant de 5 000 euros. Saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les quatre délibérations des 5 mars et 7 août 2014 précitées, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement rendu le 13 octobre 2016, sous les n°s 1404203, 1404205, 1404669 et 1404672, annulé la seule délibération du 7 août 2014 portant refus de renouvellement de l'autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage. La société Benoît et associés, chargée de la liquidation de la société Constellation sécurité, relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de cette dernière tendant à la condamnation du Conseil national des activités privées de sécurité à lui verser la somme globale de 2 535 971,23 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle de cet établissement public a refusé de renouveler son autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du Conseil national des activités privées de sécurité :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable au litige : " Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L. 611-1 [une activité consistant à fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles] ni diriger ou gérer une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article L. 612-7 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'agrément prévu à l'article L. 612-6 est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes : / 1° Être de nationalité française ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...) ". Aux termes de l'article L. 612-9 du même code : " L'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 est subordonné à une autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire (...) ". Enfin, selon l'article L. 612-12 du même code : " L'autorisation prévue à l'article L. 612-9 est refusée si l'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 par la personne intéressée est de nature à causer un trouble à l'ordre public ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Lorsque l'activité doit être exercée par une personne morale mentionnée au 1° de l'article L. 612-1, la demande d'autorisation est présentée par le dirigeant ayant le pouvoir d'engager cette personne (...) ". Aux termes de l'article L. 612-16 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation prévue à l'article L. 612-9 peut être retirée : (...) / 2° À la personne morale qui conserve comme dirigeant ou gérant une personne titulaire de l'agrément mais ne remplissant plus les conditions exigées à l'article L. 612-7, ou une personne dont l'agrément a été retiré (...) ". Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Le dossier de la demande d'autorisation administrative présentée par les entreprises exerçant les activités mentionnées aux articles L. 611-1 et L. 613-13 comprend également les justifications requises par l'article L. 612-7 (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 612-3-2 du code de la sécurité intérieure : " La demande de renouvellement de l'agrément est présentée, trois mois au moins avant sa date d'expiration, dans les mêmes conditions que celles prévues par la présente section. Lorsque la demande est complète, le Conseil national des activités privées de sécurité en délivre récépissé. / Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle ".
5. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.
6. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 7 août 2014, la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a rejeté la demande présentée par la société Constellation sécurité tendant au renouvellement de son autorisation d'exercer une activité de sécurité privée en se fondant sur le refus, qu'elle a opposé le même jour, à la demande de renouvellement d'agrément présentée par son dirigeant, M. E..., pour considérer que la poursuite d'une telle activité par cette société serait de nature à causer un trouble à l'ordre public au sens de l'article L. 612-12 du code de la sécurité intérieure.
7. Il est constant que, par un jugement devenu définitif rendu le 13 octobre 2016, sous les n°s 1404203, 1404205, 1404669 et 1404672, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette délibération motif pris de ce qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation. En particulier, le tribunal a estimé que cet établissement public ne pouvait pas refuser de renouveler cette autorisation d'exercice en se fondant sur le seul constat que son dirigeant ne satisfaisait pas aux conditions permettant de lui délivrer un agrément pour diriger une telle société. L'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 précitée est, par suite, susceptible d'engager la responsabilité de cet établissement public suivant les principes rappelés au point 5.
En ce qui concerne les préjudices indemnisables :
S'agissant de la résiliation des marchés conclus pour assurer la sécurité des sites de la commune de Toulouse et de la communauté urbaine Toulouse Métropole :
8. La communauté urbaine de Toulouse Métropole, agissant en qualité de coordonnatrice d'un groupement de commandes, a lancé une procédure de consultation en vue de la conclusion de marchés publics de fournitures courantes et de services portant sur le gardiennage, la surveillance et la sécurité des sites et locaux de la communauté urbaine Toulouse Métropole et de la commune de Toulouse pour les années 2013, 2014 et 2015. Ainsi que cela résulte du dossier soumis aux premiers juges, la société Constellation sécurité, qui a présenté des offres le 19 septembre 2013, a été attributaire, le 31 décembre 2013, des marchés à bons de commande n° 13M594 et 13V727 portant respectivement sur le gardiennage, la surveillance et la sécurité des chantiers de la communauté urbaine Toulouse Métropole et de la commune de Toulouse pour les années 2013, 2014 et 2015. Le 30 janvier 2015, cette société a également été attributaire du marché n° 15V010 lancé par la commune de Toulouse pour la sécurité incendie et le gardiennage des locaux du muséum d'histoire naturelle au titre de l'année 2015, marché reconductible en 2016, 2017 et 2018.
9. Par le jugement du 13 octobre 2016 précité, le tribunal administratif de Toulouse s'est limité à annuler la décision de refus d'autorisation d'exercice de la société Constellation sécurité. Or, contrairement à ce que soutient la société appelante, la résiliation des marchés précités se fonde sur la double circonstance que cette dernière n'a été en mesure de produire ni son autorisation d'exercice, ni l'agrément de son dirigeant, la légalité de ce refus d'agrément n'ayant pas été remise en cause par le tribunal. Il en résulte que, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, la perte de chiffre d'affaires dont se prévaut la société Constellation consécutive du fait de la résiliation des marchés en litige n'est pas directement imputable à l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 par laquelle l'intimée a refusé le renouvellement de son autorisation d'exercer une activité privée de sécurité.
10. Par ailleurs, invitée, en application de l'article 4.1 des règlements de consultation de ces marchés, à fournir son autorisation d'exercice ainsi que l'agrément de son dirigeant, la société Constellation sécurité a fait preuve de négligence. En particulier, il résulte de l'instruction que la société appelante n'a été en mesure de produire que les seuls accusés de réception des demandes d'autorisation d'exercice et d'agrément qui lui ont été délivrés le 13 mars 2012 alors que ces marchés lui ont été respectivement attribués le 31 décembre 2013 et le 30 janvier 2015. Par une lettre du 26 mai 2015, le pouvoir adjudicateur l'a, de nouveau, invitée, à produire, sous un mois à compter de la réception de cette lettre, ces documents ou, à défaut, toute attestation du Conseil national des activités privées de sécurité précisant que son dossier est toujours en cours d'instruction. En l'absence de réponse de sa part, ce dernier l'a informée, par une lettre du 22 juin 2015, de la résiliation, à compter du 15 juillet 2015, de ces trois marchés, après avoir préalablement interrogé la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Ouest laquelle lui a précisé, le 17 juin 2015, que les renouvellements de l'autorisation d'exercice de la société et de l'agrément de son dirigeant ont été refusés par une décision du 4 mars 2014. Alors même que son autorisation d'exercer une activité privée de sécurité n'a pas été renouvelée depuis l'année 2014 et qu'elle a été invitée, au plus tard le 26 mai 2015, à justifier de cette autorisation et de l'agrément de son dirigeant en disposant d'un délai d'un mois pour y procéder, la société Constellation sécurité, dirigée en dernier lieu par Mme C... D..., n'a sollicité la régularisation de son autorisation d'exercice que le 11 juin 2015 et ne l'a obtenue que le 1er juillet suivant, en s'abstenant de communiquer à Toulouse Métropole, au moins, l'accusé de réception de cette nouvelle demande d'autorisation d'exercer.
11. Par ailleurs, s'agissant du marché de services portant sur le gardiennage et la sécurité incendie du muséum d'histoire naturelle de la commune de Toulouse au titre de l'année 2015, reconductible au titre des années 2016, 2017 et 2018, il résulte de l'instruction que la société Constellation sécurité a été attributaire de ce marché le 30 janvier 2015 de sorte qu'elle doit être regardée comme ayant présenté une offre alors même qu'elle ne disposait plus de l'autorisation d'exercer une activité privée de sécurité et que son dirigeant était dépourvu de l'agrément requis. En outre, n'ayant régularisé sa situation qu'à compter du 1er juillet 2015, alors qu'elle a présenté une nouvelle demande d'autorisation d'exercer depuis le 11 juin 2015, la société appelante n'établit pas que ce marché aurait été nécessairement reconduit sur les années suivantes.
12. Dans ces conditions, la perte de chiffre d'affaires dont se prévaut la société appelante au titre de la résiliation des trois marchés conclus dans le cadre du groupement de commandes coordonnées par Toulouse Métropole n'est pas liée de manière directe et certaine à l'illégalité fautive entachant le refus de renouvellement de son autorisation d'exercice, ce préjudice procédant tant de l'absence d'agrément de son dirigeant que de sa négligence à régulariser son autorisation d'exercice.
S'agissant de la perte de chance d'obtenir le renouvellement du marché conclu avec la société d'économie mixte d'aménagement Oppidea :
13. La société d'économie mixte d'aménagement Oppidea a lancé un marché à bons de commande en procédure adaptée avec possibilité de négociation en vue de l'attribution d'un marché lié à la " police de chantier " et au gardiennage du site de la zone d'aménagement concerté de la Cartoucherie à Toulouse devant débuter en juillet 2015 et reconductible trois fois avec une date limite de remise des offres fixée au 4 juin 2015. Il est constant que la société Constellation sécurité, précédemment titulaire de ce marché, a présenté une offre. Informé par le Conseil national des activités privées de sécurité que cette dernière ne disposait plus d'autorisation d'exercer, le pouvoir adjudicateur l'a invitée, par un courrier du 19 juin 2015, d'une part, à régulariser sa situation en produisant une autorisation d'exercer ou, à défaut, un document justifiant du dépôt d'une demande en ce sens avant le 25 juin 2015 et, d'autre part, à compléter son offre en produisant différents documents, notamment le bordereau des prix unitaires ainsi que les agréments demandés. Compte tenu de ses énonciations et de la phase du marché à laquelle il est intervenu, ce courrier ne permet d'établir ni que la société Constellation sécurité présentait des chances sérieuses de remporter le marché ni que son éviction serait imputable à l'absence d'autorisation d'exercer alors que celle-ci a continué à exercer des prestations de gardiennage et de sécurité pour le compte de la société d'économie mixte d'aménagement Oppidea sans disposer d'une telle autorisation ainsi que cela résulte des factures qu'elle produit au moins jusqu'en juillet 2015. En outre, il résulte de l'instruction, en particulier des copies écran produites en première instance, que la société appelante a présenté une nouvelle demande d'autorisation d'exercer le 11 juin 2015, délivrée le 1er juillet suivant, mais qu'elle s'est abstenue d'adresser, à tout le moins, le justificatif de dépôt de cette demande alors même que le pouvoir adjudicateur lui en offrait la faculté jusqu'au 25 juin. Dès lors, le préjudice lié à l'éviction de la société appelante du marché en litige ne présente pas de caractère certain et n'est pas en lien direct avec l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014.
S'agissant de l'éviction du marché public de surveillance des locaux de l'institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace Supaéro :
14. Par un courrier du 23 juin 2016, le représentant du pouvoir adjudicateur de l'institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace Supaéro a informé la société appelante du rejet de son offre dans le cadre du marché à bons de commande lancé pour assurer la sécurité, la sûreté, l'accueil physique et téléphonique de cet établissement public motif pris de ce que l'avis défavorable émis par la direction de la protection et de la sécurité de la défense, à la suite du contrôle élémentaire de cette société, a conduit à ne pas lui attribuer le marché, conformément aux stipulations des articles 5.1 et 7.3 du règlement de la consultation selon lesquelles les candidats ayant obtenu un avis défavorable au cours de ce contrôle ne peuvent être attributaires du marché.
15. S'il est constant qu'elle a déjà exercé des prestations de gardiennage au sein de cet établissement public ayant le caractère de site sensible, dans le cadre d'un précédent marché conclu le 3 janvier 2007, ce qui lui a valu un témoignage de satisfaction établi le 16 mars 2007 par son directeur adjoint, la société Constellation sécurité ne produit aucun élément précis permettant d'éclairer la cour sur les éléments ayant motivé l'avis défavorable précité de sorte qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas établi que son éviction de ce marché serait en lien direct avec l'illégalité fautive dont elle se prévaut. Si elle soutient que cet avis défavorable serait lié au blâme prononcé à son encontre par une délibération de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du Sud-Ouest pour des faits de défaut d'autorisation d'exercer, il résulte, toutefois, de l'instruction que cette sanction, prise le 23 mai 2016, à la suite d'un contrôle diligenté le 29 janvier 2015, repose sur six autres motifs, non sérieusement contestés et justifiant, à eux seuls, son prononcé, tenant respectivement à l'absence d'agréments de dirigeant et d'associé, au cumul d'une activité non liée à la sécurité consistant à mettre à disposition des hôtesses d'accueil, à l'adoption de tenues prêtant à confusion avec celle des agents du service public, à l'usage de documents non conformes dépourvus des mentions obligatoires et, enfin, à l'absence de transparence dans le recours à la sous-traitance. Il en résulte qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre l'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 portant refus d'autorisation d'exercer et le préjudice résultant de l'éviction de la société appelante du marché en litige.
S'agissant de la pénalité financière et des frais d'avocats liés à la procédure disciplinaire diligentée par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sud-ouest :
16. Indépendamment de l'illégalité fautive entachant la décision de ne pas renouveler son autorisation d'exercer, le blâme prononcé à l'encontre de la société Constellation sécurité repose, ainsi qu'il vient d'être dit, sur une pluralité d'autres motifs, justifiant, à eux seuls, le prononcé de cette sanction dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle a fait l'objet d'un recours contentieux de nature en remettre en cause la légalité. Par suite, il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'illégalité fautive en cause et les frais exposés dans le cadre de la procédure disciplinaire au titre des honoraires d'avocats et du règlement de la pénalité financière qui lui a été infligée.
S'agissant du préjudice moral :
17. La société Constellation sécurité soutient que l'illégalité fautive en cause lui a causé un préjudice moral qu'elle évalue à la somme de 100 000 euros et que ce préjudice n'a pas été causé mais aggravé par la décision du 23 mai 2016 lui infligeant un blâme.
18. L'illégalité fautive entachant la délibération du 7 août 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler l'autorisation d'exercer une activité de surveillance et de gardiennage a, en principe, privé la société Constellation sécurité de la possibilité de réaliser son objet social et est, par suite, susceptible de lui ouvrir droit à la réparation de son préjudice moral. S'il est constant que la société appelante n'a obtenu la délivrance de cette autorisation que le 1er juillet 2015, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle a, entre le 7 août 2014 et le 30 juin 2015, continué à exercer des prestations de surveillance et de gardiennage dans le cadre de plusieurs marchés publics, ainsi que le démontrent les nombreuses factures soumises aux premiers juges. Par suite, le préjudice moral invoqué par la société appelante, à le supposer uniquement imputable à la délibération illégale du 7 août 2014 comme elle le soutient en dernier lieu, n'est pas établi et ne saurait, dès lors, ouvrir droit à indemnisation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société Constellation sécurité, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Benoît et associés au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société Constellation sécurité, la somme demandée par le Conseil national des activités privées de sécurité au même titre.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de la société Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société Constellation sécurité, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Benoît et associés, agissant en qualité de liquidatrice de la société par actions simplifiée Constellation sécurité, et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
La rapporteure,
N. El F...Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL21963