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31/01/2023 | FRANCE | N°21TL00480

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 21TL00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes par deux demandes distinctes, d'une part, de condamner la société Oc'Via à lui payer la somme de 452 451,98 euros, assortie des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière sur ses parcelles cadastrées section AV n° 168, n° 170 et n° 172 au lieu-dit Caveau et Millias Nord à Manduel, d'enjoindre à la société Oc'Via de mettre fin à l'emprise irrégulière en lui payant la

somme de 33 339 euros, et en passant les actes notariés d'acquisition, sous astreinte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes par deux demandes distinctes, d'une part, de condamner la société Oc'Via à lui payer la somme de 452 451,98 euros, assortie des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière sur ses parcelles cadastrées section AV n° 168, n° 170 et n° 172 au lieu-dit Caveau et Millias Nord à Manduel, d'enjoindre à la société Oc'Via de mettre fin à l'emprise irrégulière en lui payant la somme de 33 339 euros, et en passant les actes notariés d'acquisition, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, d'autre part, de condamner SNCF Réseau à lui payer la somme de 318 938,72 euros, assortie des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière sur ses parcelles précitées, d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre fin à l'emprise irrégulière en lui payant la somme de 33 339 euros et en passant les actes notariés d'acquisition sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n°s 1803024 et 1804019, du 4 décembre 2020 , le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de M. A... tendant à la condamnation des sociétés Oc'Via et SNCF Réseau à lui payer les intérêts du prix mentionné dans la promesse de vente du 24 juin 2013, a condamné la société Oc'Via, au titre d'une emprise irrégulière, à payer à M. A... la somme de 3 000 euros assortie des intérêts à compter du 31 mai 2018, a enjoint à cette société d'accomplir toutes démarches en vue de régulariser l'emprise sur les parcelles de M. A... cadastrées section AV n° 168, n° 170 et n° 172 dans un délai de six mois à compter de la date de notification du présent jugement, et a rejeté le surplus des demandes de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête du 4 février 2021, enregistrée à la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire du 30 juin 2022, M. A... représenté par Me Bocognano, demande à la cour :

- de réformer ce jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il limite la condamnation de la société Oc'Via à son profit à la somme de 3 000 euros assortie des intérêts à compter du 31 mai 2018 ;

- de condamner la société Oc'Via à lui payer la somme totale de 370 397,31 euros, assortie des intérêts à compter de la demande préalable, soit le 31 juillet 2018, et la capitalisation des intérêts, en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière sur ses parcelles cadastrées section AV n° 168, n° 170 et n° 172 au lieu-dit Caveau et Millias Nord à Manduel ;

- de mettre à la charge de la société SNCF Réseau la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne, en premier lieu, la caractérisation de l'emprise irrégulière, si la société Oc'Via fait valoir que l'absence de réalisation des promesses de vente aurait pour cause l'oubli du notaire, elle ne justifie que d'une seule relance adressée à ce dernier, le 1er août 2013 ; de plus, cette société a laissé perdurer pendant sept ans la situation d'emprise irrégulière, malgré ses différentes relances ;

- si les surfaces faisant l'objet d'une emprise irrégulière ne s'élèvent qu'à 2 755 m² selon l'intimée, celle-ci avait admis dans ses écritures précédentes que l'emprise concernait la totalité des parcelles, soit 4 031 m² ; en outre, l'emprise du chemin d'exploitation ne peut être la seule superficie retenue au titre de l'emprise irrégulière dès lors que sont aussi concernés les accès sur les bas-côtés et les ouvrages qui bordent le chemin ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité à 3 000 euros l'indemnité qui lui est due, alors que l'emprise irrégulière dure depuis plus de sept ans ; cette indemnisation ne tient pas compte de la réalité des préjudices subis ; le tribunal a ainsi commis une erreur en ne se fondant pas sur la méthode d'évaluation fondée sur la valeur locative calculée par rapport à la valeur vénale du bien ; de plus, des ouvrages ont été édifiés sur ses terres ; il devra être fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la société Oc'Via à lui verser la somme de 366 821 euros en réparation de son préjudice ;

- il est, par ailleurs, fondé à demander la condamnation de la société Oc'Via à lui verser la somme de 338,60 euros au titre des taxes foncières des années 2013 et 2020 ;

- concernant la demande de versement des intérêts légaux, ce qu'il demande ne correspond pas aux intérêts qui lui serait dus par la société Oc'Via pour ne pas avoir honoré les promesses de vente, mais aux intérêts qu'il aurait retirés du versement de la somme due par la société Oc'Via ; il demande à ce titre la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 237,71 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2021, la société Oc'Via, représentée par Me Charbonnel, conclut, à titre principal, à la réformation du jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes en ce qu'il a alloué une somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'emprise irrégulière, à la fixation de l'indemnité pour immobilisation revenant à l'appelant à la somme de 1 653 euros, et, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué ; elle demande également que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

La société Oc'Via soutient que les moyens de la requête de M.A... ne sont pas fondés ; que par ailleurs, les surfaces des parcelles faisant l'objet d'une emprise irrégulière retenues par les premiers juges, ne s'élèvent pas à 4 031 m², mais à 2 755 m², ainsi que l'établit le tableau et les plans produits au dossier ; par application du barème du protocole indemnitaire susmentionné " occupation temporaire du CNM ", (contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier) signé entre Réseau Ferré de France et les chambres d'agriculture de l'Hérault et du Gard le 28 août 2012, l'indemnité due à M. A... doit être fixée à la somme de 1 653 euros.

Elle soutient que les moyens de la requête de M.A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, la société SNCF Réseau, représentée par Me Latournerie, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué et, à titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour la condamnerait, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a alloué une somme de 3 000 euros à M. A... et à ce que l'indemnité revenant à celui-ci soit fixée à la somme de 1 653 euros ; elle demande, par ailleurs, que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

Elle soutient que les moyens de la requête de M.A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ;

- la loi n°2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire

- le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rouault, représentant M.A..., de Me Latournerie, représentant la société anonyme SNCF Réseau et de Me Charbonnel, représentant la société Oc'Via,

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du projet de contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier, la société Réseau Ferré de France, devenue SNCF Réseau, a conclu, le 28 juin 2012, avec la société Oc'Via un contrat de partenariat pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement du contournement ferroviaire. Dans le cadre de ce projet, une promesse de vente, portant sur trois parcelles cadastrées section AV n° 168, n° 170 et n° 172 situées à Manduel (Gard) et appartenant à M. A..., a été conclue le 30 mai 2013 entre ce dernier et la société Oc'Via pour un montant total de 11 542,77 euros. Cette promesse de vente, laquelle, en son point 8, autorisait son bénéficiaire à occuper les terrains d'emprise dès sa signature, et qui stipulait, dans son point 9, qu'elle avait une validité de six mois, est devenue caduque le 30 novembre 2013, faute d'avoir été suivie dans le délai imparti, de la signature d'un acte de vente. M. A..., faisant valoir que des travaux avaient commencé en mai 2014 sur ses parcelles, lesquelles faisaient donc l'objet selon lui, d'une emprise irrégulière, a présenté, les 31 mai et 4 octobre 2018, des demandes préalables tendant à régulariser l'emprise et à être indemnisé de ses conséquences. Par un jugement du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la société Oc'Via à payer à M. A... la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts à compter du 31 mai 2018, en réparation de l'emprise irrégulière sur ses parcelles, a enjoint à cette société d'accomplir toutes démarches en vue de régulariser l'emprise irrégulière sur les parcelles concernées dans un délai de six mois à compter de la date de notification du jugement, et a rejeté le surplus des demandes de M. A....

2. M. A... demande la réformation du jugement du 4 décembre 2020 en tant qu'il limite la condamnation à son profit au titre de l'emprise irrégulière à la somme de 3 000 euros, et sollicite la condamnation de la société Oc'Via à lui payer la somme totale de 370 397,31 euros, assortie des intérêts à compter de la demande préalable du 31 juillet 2018 et de la capitalisation des intérêts.

3. Par la voie de l'appel incident, la société Oc'Via, conclut à la réformation du jugement précité en ce qu'il alloue une indemnité de 3 000 euros à M. A... et à ce que l'indemnité revenant à celui-ci soit fixée à la somme de 1 653 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'étendue de l'emprise :

4. En premier lieu, la société Oc'Via conteste l'étendue de l'emprise irrégulière sur les terrains appartenant à M. A..., faisant valoir que cette emprise ne porterait que sur une surface de 2 755 m². Elle produit à cet égard un tableau des surfaces des parcelles de M. A..., et de celles sur lesquelles l'emprise irrégulière est constituée, accompagné d'un plan de ces parcelles sur lequel les surfaces faisant l'objet de cette emprise sont reportées. En l'absence de contestation précise à cet égard de l'appelant, lequel se borne à faire valoir que la société Oc'Via n'aurait pas contesté en première instance la consistance des surfaces sur lesquelles porte l'emprise irrégulière, ce qui au demeurant est inexact, ainsi qu'au regard des documents produits par la société Oc'Via, l'emprise sur la propriété de M. A... doit être regardée comme portant sur une surface totale de 2 755 m² et non, comme l'ont retenu les premiers juges, sur une surface de 4 031 m² .

En ce qui concerne les préjudices :

5. En premier lieu, en l'absence de dépossession de son droit de propriété, M. A... ne saurait demander une indemnisation correspondant à la valeur vénale des parcelles sur lesquelles cette emprise irrégulière est constituée. En revanche, il a droit à être indemnisé au titre de la privation de jouissance de ses parcelles et de leur immobilisation sur l'ensemble de la période au cours de laquelle l'emprise irrégulière a eu lieu.

6. Il résulte de ce qui précède, que les conclusions indemnitaires de M.A... fondées sur la valeur locative de ses parcelles établie par référence à la valeur vénale desdites parcelles, ne peuvent être que rejetées.

7. Par ailleurs, M. A... se borne à indiquer, sans plus de précisions, qu'il exercerait une activité agricole et ne justifie en rien des ressources dont il aurait été privé du fait de l'emprise irrégulière sur ses parcelles.

8. Dans ces conditions, compte tenu, ainsi qu'il est indiqué au point 4 du présent arrêt, de ce que la surface des parcelles de M. A... faisant l'objet d'une emprise irrégulière est de 2 755 m² et de ce qu'il peut être fait application du barème du protocole indemnitaire " occupation temporaire du CNM ", (contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier) signé entre Réseau ferré de France et les chambres d'agriculture de l'Hérault et du Gard le 28 août 2012, dont M. A... ne conteste au demeurant pas qu'il puisse servir de référence en l'espèce, la société Oc'Via est fondée, par la voie de l'appel incident, à demander que l'indemnité due à M. A... au titre de l'emprise irrégulière de ses parcelles soit réduite à la somme de 1 653 euros, correspondant à l'application de ce barème sur une surface d' emprise irrégulière de 2 755 m².

9. En deuxième lieu ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, compte tenu de ce que M.A... est resté propriétaire des parcelles sur lesquelles il a subi une emprise irrégulière, et au titre de laquelle il est en droit d'obtenir une indemnité, il n'est pas fondé à demander le remboursement des cotisations de taxes foncières afférentes à ses parcelles et dont en tout état de cause il ne démontre pas plus en appel qu'en première instance les avoir acquittées.

10. En troisième et dernier lieu, la somme de 3 237,71 euros demandée par M. A... se rapporte au préjudice qu'il estime avoir subi à raison des intérêts dont il aurait été bénéficiaire si la société Oc'Via lui avait versé la somme prévue par la promesse de vente du 30 mai 2013. Toutefois, ces conclusions, qui ne portent pas sur l'indemnité due au titre de l'emprise irrégulière, ne peuvent être que rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

11. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité devant lui être versée par la société Oc'Via et, d'autre part, que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à M. A... une indemnité excédant la somme de 1 653 euros. .

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de l'une des parties.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2: La somme que la société Oc'Via a été condamnée à verser à M. A... est ramenée à 1 653 euros.

Article 3 : Le jugement n°s 1803024 et 1804019, du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Oc'Via et la société SNCF Réseau sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Oc'Via et à la société SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL00480

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00480
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-08-02-01 Compétence. - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. - Liberté individuelle, propriété privée et état des personnes. - Propriété. - Emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LATOURNERIE WOLFROM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-31;21tl00480 ?
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