Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté sa demande d'autorisation pour la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile et la décision du 1er février 2019 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la même autorité de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou de réexaminer sa demande.
Par un jugement n° 1901551 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020 sous le n° 20MA04576 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04576 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 avril 2021, la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte, représentée par Me Liégeois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté sa demande d'autorisation pour la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile et la décision du 1er février 2019 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard après l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt, au président du conseil départemental de l'Hérault de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont, par le jeu d'une substitution de motif, donné une valeur au document annexé au schéma départemental de l'autonomie, qu'ils ont largement interprété, et dès lors que le département n'apportait aucun élément sur une quelconque dépense injustifiée ou excessive pesant sur lui ;
- aucune disposition ne prévoit que les schémas d'organisation sociale et médico-sociale interdiraient la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile qu'ils ne prévoient pas ;
- il ne ressort pas du schéma départemental de l'autonomie 2017-2021 de programmation de l'offre sociale et médico-sociale qu'aucune création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile n'était prévue ;
- il ne ressort d'aucun document que la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile aurait entraîné une dépense excessive ou injustifiée pour le budget du département de l'Hérault ;
- le projet en cause ne fait pas appel à des financements publics ;
- le refus contesté méconnaît l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles dès lors que, pour les projets ne relevant pas de financements publics et ne prévoyant pas la perception des aides sociales auprès de leurs bénéficiaires, l'autorisation n'est subordonnée qu'à leur compatibilité avec les règles d'organisation et de fonctionnement des articles L. 312-8 et L. 312-19 du même code ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation du respect des conditions prévues par l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 mars 2021 et le 3 mai 2021, le département de l'Hérault, représenté par la société d'avocats CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société appelante, qui est en cessation d'activité, ne dispose pas d'un intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2022.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Becquevort pour le département de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. La société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte fait appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté sa demande du 18 juin 2018 tendant au bénéfice d'une autorisation pour la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile, dont les motifs ont été communiqués le 19 octobre 2018, ainsi que de la décision du 1er février 2019 rejetant son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de l'Hérault :
2. La seule circonstance que l'activité de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte a été mise en sommeil à compter du 31 janvier 2020 n'est pas de nature à remettre en cause son intérêt à agir contre la décision refusant de l'autoriser à créer un service d'aide et d'accompagnement à domicile. Par suite, la fin de non-recevoir ainsi soulevée à l'encontre de la requête doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ; 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert (...) ". L'article L. 313-1-1 du même code, applicable au présent litige, dispose que : " I.- Les projets (...) de création (...) d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 du présent code (...) sont autorisés par les autorités compétentes en application de l'article L. 313-3. / Lorsque les projets font appel, partiellement ou intégralement, à des financements publics, ces autorités délivrent l'autorisation après avis d'une commission d'information et de sélection d'appel à projet social ou médico-social qui associe des représentants des usagers. (...) Les financements publics mentionnés au présent alinéa s'entendent de ceux qu'apportent directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, les personnes morales de droit public ou les organismes de sécurité sociale en vue de supporter en tout ou partie des dépenses de fonctionnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la seule circonstance qu'un service d'aide et d'accompagnement à domicile intervienne auprès de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap ne permet pas de le regarder comme faisant appel, partiellement ou intégralement, à des financements publics.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles : " Les services d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 respectent un cahier des charges national défini par décret ". L'article L. 313-4 du même code dispose que : " L'autorisation est accordée si le projet : 1° Est compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma régional de santé ou par le schéma d'organisation sociale et médico-sociale dont il relève (...) 2° Satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues par le présent code et prévoit les démarches d'évaluation et les systèmes d'information respectivement prévus aux articles L. 312-8 et L. 312-9 ; 3° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions fixées par décret, par les autorités qui délivrent l'autorisation (...) / Pour les projets ne relevant pas de financements publics, l'autorisation est accordée si le projet satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues au présent code, et prévoit les démarches d'évaluation ". Aux termes enfin de l'article L. 313-8 du même code : " L'habilitation et l'autorisation mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 313-6 peuvent être refusées pour tout ou partie de la capacité prévue, lorsque les coûts de fonctionnement sont manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec ceux des établissements fournissant des services analogues. / Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner, pour les budgets des collectivités territoriales, des charges injustifiées ou excessives, compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas départementaux mentionnés à l'article L. 312-5. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les projets de services d'aide et d'accompagnement à domicile qui ne font pas appel à des financements publics doivent, pour être autorisés, d'une part, respecter le cahier des charges mentionné à l'article L. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles, d'autre part, satisfaire aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues par le même code, telles que celles qui sont énoncées à l'article L. 313-8, et prévoir des démarches d'évaluation. Ils n'ont, en revanche, pas à satisfaire aux autres exigences prévues par l'article L. 313-4, qui ne sont applicables qu'aux projets relevant de financements publics.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte de créer un service d'aide et d'accompagnement à domicile, bien que devant intervenir en mode prestataire auprès de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, ne relève pas, même indirectement, de financements publics. Dans ces conditions, le motif opposé par le président du conseil départemental de l'Hérault, tiré de ce que le projet n'est pas compatible avec les objectifs et ne répond pas aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma départemental de l'autonomie 2017-2021 de programmation de l'offre sociale et médico-sociale et qui relève du 1° de l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles, n'est pas opposable à la demande présentée par la société requérante. Il est donc entaché d'une erreur de droit.
6. La circonstance que le projet de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte porte sur la création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ayant vocation à intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, n'implique pas que les coûts de fonctionnement de ce service seraient susceptibles d'entraîner des charges injustifiées ou excessives pour le budget du département de l'Hérault, dès lors que ces aides sont servies aux personnes physiques qui remplissent les conditions légales et réglementaires pour les percevoir, indépendamment du nombre de prestataires existants. De la même manière, le seul fait que le schéma départemental de l'autonomie 2017-2021 de programmation de l'offre sociale et médico-sociale ne prévoie pas la création, au titre de cette période, de nouveaux services d'aide et d'accompagnement à domicile en mode prestataire ne permet pas d'établir que les coûts de fonctionnement du service projeté par la société requérante seraient susceptibles d'entraîner, pour le budget du département de l'Hérault, des charges injustifiées ou excessives, compte tenu de ses objectifs d'évolution des dépenses, délibérés en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations de ce schéma. Il s'ensuit que le second motif opposé par le président du conseil département de l'Hérault est entaché d'illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, y compris ceux qui sont relatifs à la régularité du jugement, que la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard aux moyens d'annulation retenus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au président du conseil départemental de l'Hérault de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte dans un délai de deux mois suivant sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Hérault le versement à la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901551 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté la demande formée le 18 juin 2018 par la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte et la décision du 1er février 2019 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au président du conseil départemental de l'Hérault de réexaminer la demande d'autorisation de la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le département de l'Hérault versera à la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le département de l'Hérault sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Humanitude à Domicile Enseigne Millepatte et au département de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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