Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2103034 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 10 juin 2022 et le 13 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Laclau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ariège du 23 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation personnelle, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrer un titre séjour :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 47 du code civil et de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que les documents d'état civil produits ne sont pas manifestement falsifiés et que, par conséquent, il appartenait à la préfète de l'Ariège de saisir les autorités guinéennes aux fins de vérification de leur authenticité ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'alinéa 6 de l'article L. 511-1, III, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2022, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur ;
- et les observations de Me Babey, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen, déclare être né le 18 juin 2002 à Dounet-Mamou (Guinée) et être entré irrégulièrement sur le territoire français le 12 juillet 2017. À compter du 13 juillet 2017, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné. Le 12 novembre 2020, l'intéressé a déposé une demande de titre de séjour, sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 avril 2021, la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer ce titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la présente requête, l'intéressé relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".
3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Cet article dispose, quant à lui, que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte toutefois de l'ensemble des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. En troisième lieu, aux termes du II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice : " II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". À cet égard, le décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021, prévoit à son article 3 : " I. l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : 1° Les actes publics émis par les autorités de son État de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet État (...) ". Toutefois, en vertu de l'article 4 de ce décret : " Par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France (...) : 1° Les actes publics émis par les autorités de l'État de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet État en résidence en France. Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des États concernés (...) ". Il ressort de l'annexe 8 du tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation que cette liste comprend notamment la République de Guinée.
6. En quatrième lieu, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, pour justifier être né le 18 juin 2002 et, partant, le fait qu'il avait moins de seize ans lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. A... a produit un jugement supplétif n° 558 tenant lieu d'acte de naissance, rendu le 11 février 2020 par le tribunal de première instance de Mamou, un extrait n° 440 du registre de l'état civil du 21 février 2020 de la commune de Mamou, portant transcription de ce jugement, ainsi qu'une carte d'identité consulaire, délivrée le 8 septembre 2020. En outre, dans le cadre de la procédure de première instance, M. A... a également produit un passeport, délivré le 27 octobre 2021 par les autorités guinéennes et, pour la première fois en appel, un certificat de naissance dressé le 11 mai 2022 par les autorités guinéennes. Ces différents documents mentionnent qu'il est né le 18 juin 2002.
8. Pour contester la valeur probante du jugement supplétif, de l'extrait du registre de l'état civil et de la carte d'identité consulaire, la préfète de l'Ariège s'est fondée sur le rapport d'examen technique et documentaire de la cellule fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Toulouse du 19 novembre 2020, lequel émet un avis défavorable quant à l'authenticité de ces documents. Ce rapport indique notamment qu'ils ne comportent pas les sécurités de base, comme l'utilisation de papier fiduciaire ou de l'offset, de sorte qu'une simple imprimante suffit à les édicter, et qu'ils n'ont pas été légalisés par les autorités françaises en poste en Guinée. Il relève encore que le jugement supplétif énonce que la requête a été introduite le 11 mars 2020 alors que celui-ci a été rendu le 11 février 2020, soit un mois avant et, qu'au regard de ce qui est exposé dans le corps du jugement, l'enquête préliminaire a, par ailleurs, été expéditive. Ensuite, le jugement supplétif ne comprend pas certaines des mentions requises pour les actes de naissance par l'article 196 du code civil guinéen, notamment le sexe de l'enfant, les âges, professions et domicile des père et mère. Il ne comprend pas non plus la mention relative à la lecture des actes d'état civil, prévue à l'article 174 de ce code, ni celle relative à la signature des actes d'état civil, prévue à l'article 176 de ce code. Enfin, s'agissant de la carte d'identité consulaire, celle-ci étant délivrée sans aucune vérification sur les registres d'état civil, la préfète de l'Ariège a estimé, conformément au rapport, qu'elle avait été obtenue indûment sur la base d'actes irréguliers, à savoir le jugement supplétif et l'extrait du registre de l'état civil analysés. Dans le cadre de la première instance, la préfète de l'Ariège a produit en outre un courriel du 22 juillet 2021 de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui, bien que postérieur à l'arrêté, doit être pris en compte pour apprécier sa légalité dès lors qu'il révèle des faits antérieurs à cette décision. S'il ressort de ce courriel qu'il ne fournit pas une analyse des documents d'état civil de l'appelant mais de ceux d'un autre ressortissant guinéen, la préfète de l'Ariège soutient qu'il permet néanmoins d'apporter un éclairage sur la législation guinéenne et de noter, de manière comparative, d'autres irrégularités dans les documents produits par M. A.... Il s'agirait, d'une part, de l'absence, dans le jugement supplétif et l'extrait du registre de l'état civil portant transcription de celui-ci, de certaines mentions prévues par l'article 175 du code civil guinéen, lesquelles, au demeurant, ont déjà été relevées dans l'arrêté attaqué comme méconnaissant l'article 196 de ce code et, d'autre part, du fait que la requête a été présentée par une personne dont le lien avec M. A... n'est pas précisé, en méconnaissance possible de l'article 183 du code civil guinéen qui prévoit la liste des personnes habilitées à demander une copie conforme d'un acte de naissance autre que le leur.
9. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance et l'extrait du registre de l'état civil produits par M. A..., s'ils ont d'abord été légalisés par un juriste au ministère des affaires étrangères et des Guinéens de l'étranger, le 11 mars 2020, ont ensuite fait l'objet d'une légalisation, le 12 mai 2021, par l'ambassadeur de Guinée à Paris, lequel, conformément aux dispositions citées au point 5 du présent arrêt, était compétent pour le faire. Malgré son caractère postérieur à l'arrêté attaqué, cette nouvelle légalisation, dont l'authenticité n'est pas contestée par la préfète de l'Ariège, se rapporte à un état de fait préexistant à celui-ci et doit être prise en compte pour apprécier sa légalité. Dans ce contexte, et bien qu'une légalisation se borne à attester de la régularité formelle d'un acte, cette nouvelle légalisation tend à redonner une valeur probante aux documents d'état civil dont M. A... se prévaut et les autres éléments relevés par la préfète de l'Ariège apparaissent alors insuffisants pour écarter comme dépourvus de toute force probante les documents produits. À cet égard, en l'absence de tout élément sur les sécurités documentaires que ces documents doivent comporter selon la législation guinéenne, la circonstance qu'ils en sont démunis n'est pas de nature à établir qu'ils ne sont pas authentiques. Ensuite, l'incohérence existant entre la date du jugement supplétif et la date, postérieure, indiquée comme étant celle du dépôt de la requête peut être regardée comme une erreur matérielle ne suffisant pas, notamment en l'absence d'indications discordantes quant à la date de naissance de l'intéressé, à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif. Enfin, la circonstance que les documents produits ne comportent pas l'ensemble des mentions prévues par les articles 175 et 196 du code civil guinéen ou que le jugement supplétif aurait été rendu en méconnaissance de l'article 183 de ce code, à supposer que ces articles leurs soient applicables, ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant. Par ailleurs, l'authenticité du certificat de naissance, dressé le 11 mai 2022 par les autorités guinéennes, et produit pour la première fois en appel, n'est pas contestée par la préfète de l'Ariège.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie que la préfète de l'Ariège a considéré que les documents d'état civil produits par M. A... étaient irréguliers et irrecevables et que celui-ci avait manifesté un comportement frauduleux. Cependant, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, pour rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé, présentée sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète s'est également fondée sur d'autres motifs, de sorte qu'elle aurait pris la même décision si elle avait considéré que l'état civil de M. A... était établi. En particulier, l'arrêté contesté indique que ce dernier ne peut se prévaloir des dispositions mentionnées en ce qu'il constitue une menace à l'ordre public, dans la mesure où il est défavorablement connu des services de police pour des faits de détention de tabac de contrebande. Or, l'intéressé ne conteste pas sérieusement ces faits. En outre, la préfète de l'Ariège a relevé que M. A... n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il n'a conservé aucun lien avec sa famille restée dans son pays d'origine et que, à cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'y résident notamment sa grand-mère, qui l'a élevé, son frère et sa sœur. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que la préfète de l'Ariège aurait fait une mauvaise application des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Par ailleurs, si M. A... allègue, au demeurant de manière non étayée, que la décision de refus de titre de séjour aggravera ses angoisses, cette circonstance ne permet pas de caractériser une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle. De plus, la circonstance qu'il soit devenu, le 4 août 2022, le père d'une petite fille, qu'il avait reconnu de manière anticipée le 13 avril 2022 et qui est née de sa relation avec une ressortissante française, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision en litige. En effet, il est constant que cette circonstance est postérieure à la date de l'édiction de l'arrêté attaqué, à laquelle sa compagne n'était pas enceinte. Ainsi, compte tenu, de la qualité de célibataire, sans charge de famille, de M. A... à cette date et de ce que, par ailleurs, il n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales et personnelles en Guinée, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste quant aux conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis juillet 2017 et qu'il a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur étranger isolé. Il se prévaut des liens amicaux qu'il a noués en France, de sa relation avec une ressortissante française, dont est née une fille le 2 août 2022, de son implication dans ce projet parental, ainsi que de son insertion professionnelle, notamment par l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle en juillet 2020 et de la conclusion d'un contrat jeune majeur. Toutefois, comme il a été déjà dit au point 11 du présent arrêt, à la date de la décision contestée, M. A... doit être regardé comme célibataire, sans enfant à charge, et ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité de liens personnels sur le territoire français. En outre, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où, comme il ressort des pièces du dossier, vivent notamment sa grand-mère qui l'a élevé, son frère et sa sœur. Compte tenu de ces éléments, nonobstant le fait qu'il soutient, sans toutefois l'établir, ne plus entretenir de relation avec sa famille restée en Guinée et nonobstant ses efforts d'insertion professionnelle, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. L'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en raison de l'illégalité de cette première décision ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
16. En premier lieu, en l'absence d'illégalité démontrée de la décision portant refus de titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
17. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
18. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
19. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
20. En l'espèce, la décision contestée, après avoir visé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, indique que l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé s'effectue, relativement au prononcé et à la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa " du III de cet article, c'est-à-dire des quatre critères évoqués aux points précédents. En outre, cetet décision précise les éléments de fait liés à la situation de l'intéressé sur lesquels elle se fonde, notamment le fait qu'il ne justifie pas être menacé en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il n'est pas établi que ses liens personnels et familiaux en France seraient plus anciens, intenses et stables que ceux dont il dispose dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans et où résident plusieurs membres de sa famille. Par ailleurs, l'arrêté contesté mentionne encore la durée de résidence habituelle de M. A... en France et la circonstance qu'il est célibataire et sans charge de famille. Ces indications, qui ont permis à M. A... de comprendre et de contester la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre sont suffisantes. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.
21. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que la préfète de l'Ariège n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. À cet égard, il résulte notamment de ce qui a déjà été exposé que la circonstance que la décision contestée ferait obstacle au retour de M. A... auprès de sa compagne et de fille est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué du fait de la postériorité de la conception et de la naissance de sa fille à celui-ci. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle doit être écarté.
22. En quatrième lieu, la situation de M. A... ne permet pas de considérer que des considérations humanitaires seraient de nature à justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'alinéa 6 de l'article L. 511-1, III, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
23. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ariège du 23 avril 2021. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21329