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22/11/2022 | FRANCE | N°22TL00437

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 22TL00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté portant refus de séjour pris par le préfet de l'Hérault le 4 avril 2019.

Par un jugement n° 1905542 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2022, sous le n° 22MA00437 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis sous le 22TL00437 au greffe de la cour administrative d'appel de T

oulouse, M. D..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté portant refus de séjour pris par le préfet de l'Hérault le 4 avril 2019.

Par un jugement n° 1905542 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2022, sous le n° 22MA00437 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis sous le 22TL00437 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. D..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2019 du préfet de l'Hérault portant refus de titre de séjour ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour en tant que membre de famille d'un citoyen de l'Union Européenne, ou comportant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à son conseil, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Montpellier, qui s'est limité à constater qu'une délégation de signature existait, n'a pas répondu à l'argument relatif à l'irrégularité de cette délégation ;

- la délégation de signature accordée au secrétaire général de la préfecture est générale et donc irrégulière ;

- il a droit à un titre de séjour en application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son épouse, Mme E..., ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne, travaillait en 2019, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet de l'Hérault dans l'arrêté contesté ;

- il remplit, avec son épouse, la condition posée par le 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il travaille de façon déclarée et perçoit plus de 800 euros par mois ;

- il a droit au séjour en France en application des dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 qui prévoient que les enfants d'un ressortissant de l'Union européenne, en l'espèce ceux de son épouse dont il a la charge, bénéficient d'un droit à l'enseignement ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 9 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 429/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant de Bosnie-Herzégovine né le 1er mai 1969, a déposé le 6 décembre 2018 une nouvelle demande d'admission au séjour en qualité de " membre de famille d'un ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne ". Par arrêté du 4 avril 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande. M. D... fait appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Au soutien de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, M. D... s'est borné à prétendre, devant le tribunal administratif de Montpellier, que le signataire de l'arrêté du 4 avril 2019 ne disposait pas de délégation. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal, qui s'est prononcé sur ce moyen, aurait omis de répondre à l'argument, qu'il n'avait pas invoqué, tenant à l'irrégularité de la délégation dont bénéficiait le signataire en raison de son caractère trop général. Ainsi, et en tout état de cause, le jugement n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, par un arrêté du préfet de l'Hérault n° 2019-I-1082 du 26 août 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a donné délégation à M. Pascal Otheguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault et signataire de l'arrêt attaqué, pour signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et, notamment, tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers. Cette délégation exclut " la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ". La circonstance que ces dispositions aient été abrogées n'a pas pour effet de donner délégation à M. C... pour de telles réquisitions à présent prévues par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. En outre, le préfet n'a pas accordé de délégation à M. C... pour les " réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre ". Cette délégation n'est donc pas trop générale. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". L'article L. 121-3 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° et 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".

5. D'une part, et contrairement à ce que soutient M. D..., il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de bulletins de salaires de l'année 2018 ou de déclarations de chiffres d'affaires pour des montants très modestes, que son épouse, de nationalité italienne, exerçait une activité professionnelle réelle et effective à la date de la décision contestée et pouvait, à ce titre, bénéficier d'un droit au séjour en application de ces dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... dispose, avec son épouse, de ressources suffisantes pour leur famille afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Dès lors, M. D... ne peut se prévaloir des dispositions de ces articles pour soutenir qu'en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne bénéficiant du droit au séjour, il bénéficie lui-aussi du même droit.

6. En troisième lieu, pour les mêmes motifs, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le motif de l'arrêté du préfet de l'Hérault selon lequel son épouse n'exercerait pas d'activité professionnelle serait entaché d'une erreur de fait.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans deux arrêts du 23 février 2010 C-310/08 Ibrahim et C-480/08 Texeira, qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre, ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant, peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans cet Etat.

8. L'épouse de M. D... ne peut être regardée comme un travailleur migrant pour l'application de ces dispositions et M. D... ne remplit donc pas les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a, avec son épouse italienne, sept enfants, nés à partir de 1992 et dont les deux derniers, nés en 2004 et 2005, sont encore mineurs à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, il est constant que les enfants du couple, nés en Italie, ont la nationalité italienne et ne disposent pas d'un droit au séjour en France. En outre, aucune intégration sociale ne ressort des pièces du dossier et l'intégration professionnelle est très limitée. Ainsi, dès lors également que la vie de famille peut se reconstituer en Italie, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. D... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. M. D... soutient être entré en France au mois de décembre 2013, à l'âge où ses deux enfants encore mineurs avaient respectivement huit ans et neuf ans. Ceux-ci peuvent poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine où ils ont vécu les premières années de leur vie et où, ainsi qu'il a été dit au point 10, la vie de famille peut se reconstituer. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. D... aux fins d'injonction et d'astreinte et, en tout état de cause, au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D EC I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Christophe Ruffel.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

Le président-rapporteur,

A. A...L'assesseur le plus ancien,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00437
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;22tl00437 ?
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