Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 23 mai 2019 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société SMAC contre la décision du 29 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 4 du département de la Haute-Garonne a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de M. D..., a annulé cette décision du 23 mai 2019 et a autorisé la société précitée à licencier ce dernier.
Par un jugement n° 1904093 du 24 juin 2021 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 19 août 2021, M. D..., représenté par Me Denjean, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 23 mai 2019 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société SMAC contre la décision du 29 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D... et annulé cette décision du 29 octobre 2018, a autorisé la société SMAC à le licencier.
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'illégalité en ce que la ministre a pris sa décision de retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société SMAC contre la décision de refus d'autorisation de licenciement ainsi que sa décision d'autorisation de licenciement , au-delà du délai de deux mois qui lui était ouvert à compter de l'intervention, le 20 mars 2019, de cette décision implicite ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée, dans la mesure où la ministre ne s'est pas prononcée sur les fautes reprochées par son employeur tenant à des retards répétés, ces fautes n'ayant pas été retenues par l'inspectrice du travail dans sa décision de refus d'autorisation du licenciement ;
- la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité dès lors que le délai minimal de cinq jours entre la remise de la convocation et l'entretien préalable au licenciement prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail n'a pas été respecté ;
- la matérialité des retards répétés qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- la méconnaissance de l'obligation de porter des équipements de protection individuelle qui lui est reprochée pour la journée du 25 juillet 2018, a constitué un fait isolé qui ne présente pas un caractère de gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ; les témoignages de salariés l'accusant de ne pas respecter les règles de sécurité ont été recueillis dans des conditions contestables, la société ayant fait usage de manœuvres déloyales en produisant quatre témoignages rédigés par la même personne alors que, par ailleurs, un des salariés, M. B..., atteste au dossier que la société lui a fait signer le 6 novembre 2018 " un texte dont le contenu n'est pas de lui " ; il produit de nombreuses attestations de salariés, selon lesquelles il respectait les consignes de sécurité ;
- comme le démontrent notamment les photographies produites au dossier, d'autres salariés de l'entreprise retiraient occasionnellement leurs équipements de sécurité, sans pour autant être sanctionnés d'un licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, la société SMAC, représentée par Me Munier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Par une décision du 10 février 2022, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 11 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... E...,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique ,
- et les observations de Me Munier pour la société SMAC.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... exerçait les fonctions de chef de chantier étancheur au sein de la société SMAC. Il était membre suppléant du comité social et économique et membre de la commission santé, sécurité et conditions de travail de son entreprise et avait donc la qualité de salarié protégé. La société SMAC a présenté, le 11 septembre 2018, une demande d'autorisation de licenciement pour faute de M. D..., qui a été refusée par une décision du 29 octobre 2018 de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 4 du département de la Haute-Garonne. La société SMAC a formé, le 12 novembre 2018, auprès du ministre du travail, un recours hiérarchique contre cette décision de refus. Une décision implicite de rejet de cette demande est intervenue le 20 mars 2019. Par décision expresse du 23 mai 2019, la ministre du travail, après avoir procédé au retrait de sa décision implicite, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de M. D....
2. M. D... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision précitée du 23 mai 2019 de la ministre du travail.
Sur le bien-fondé du jugement et des décisions attaquées :
3. En vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.
5. En premier lieu et aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". En vertu de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". Il résulte des dispositions précitées que le délai de quatre mois dont dispose le ministre du travail pour retirer sa décision implicite de rejet d'un recours hiérarchique court à compter de la date de la réception du recours hiérarchique et que dans ce délai, le ministre peut également légalement retirer pour illégalité la décision de l'inspecteur du travail.
6. M. D... soutient, en premier lieu, que la décision du ministre du 23 mai 2019 est entachée d'illégalité en ce qu'elle est intervenue au-delà du délai de retrait ouvert par l'article R. 2422-1 du code du travail. Cependant, si l'inspectrice du travail a refusé le licenciement de l'intéressé par une décision du 29 octobre 2018 et si le recours hiérarchique formé par la société a été rejeté implicitement par la ministre le 19 mars 2019, cette dernière a retiré, le 23 mai 2019, sa décision implicite de rejet du recours de l'employeur et autorisé le licenciement du salarié protégé, soit dans le délai de quatre mois suivant cette décision implicite.
7. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait prévalant à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où le ministre, ainsi saisi d'un recours hiérarchique, annule la décision par laquelle un inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il est tenu de motiver l'annulation de cette décision, ainsi que le prévoit l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et en particulier, lorsqu'il estime que le ou les motifs fondant une décision de refus d'autorisation de licenciement sont illégaux, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.
8. M. D... soutient que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, en ce que la ministre ne se serait pas prononcée sur le grief de ses retards répétés que faisait valoir son employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement. Toutefois, la décision de la ministre du travail a été prise au motif unique de la méconnaissance par l'appelant des règles de sécurité sur les chantiers, motif qui fondait également la demande d'autorisation du licenciement et qui tenait notamment à l'absence répétée du port du casque de sécurité et de gants de protection. La ministre du travail, en se fondant sur ce grief, dont elle a apprécié la gravité et indiqué qu'il était matériellement établi, a suffisamment motivé sa décision, laquelle, compte tenu de ce que la ministre ne retenait pas ce grief, n'avait pas à faire état de la question des retards sur les chantiers de l'intéressé.
9. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ".
10. M. D... soutient, en troisième lieu, que la procédure suivie à son encontre au sein de l'entreprise est irrégulière en raison de la méconnaissance du délai de cinq jours posé par l'article L. 1232-2 du code du travail entre sa convocation à l'entretien préalable au licenciement et cet entretien. Il ressort cependant des pièces du dossier que la société SMAC a adressé à M. D..., par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signé par l'intéressé le 14 août 2018, une convocation datée du 13 août 2018 l'informant de ce que la date de l'entretien préalable à son licenciement était fixée au 4 septembre suivant. Par conséquent et comme l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que l'employeur ait également remis à M. D... le 29 août 2018, jour où la société a parallèlement convoqué une réunion du comité social d'établissement fixée au 7 septembre suivant, une seconde convocation au même entretien préalable au licenciement du 4 septembre suivant, ne peut avoir eu pour effet d'entacher d'irrégularité la procédure de licenciement suivie à l'encontre de l'appelant .
11. En quatrième lieu, compte tenu, ainsi qu'il est indiqué au point 8 du présent arrêt, de ce que la décision de la ministre du travail autorisant la société SMAC à procéder au licenciement de M. D... a été prise au motif unique de la méconnaissance par celui-ci des règles de sécurité sur les chantiers, le moyen tiré de l'absence de caractère établi des retards répétés de l'appelant est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse.
12. En cinquième lieu, en ce qui concerne le motif de l'autorisation de licenciement tenant à l'absence de respect des règles de sécurité notamment en ce qui concerne le port des équipements de protection individuelle, il ressort des pièces du dossier que plusieurs attestations concordantes ont été produites à cet égard par des salariés de la SMAC. Si l'appelant soutient tout d'abord, que ces attestations auraient été recueillies de façon illicite et déloyale, ainsi que le démontrerait une attestation qu'il produit, datée du 29 novembre 2018 et émanant de M. B..., salarié de la SMAC, selon laquelle il aurait signé " un texte dont le contenu n'est pas de lui ", ce document ne saurait être regardé comme établissant que la société aurait cherché à faire signer une attestation mensongère. Au demeurant, la société SMAC ne s'est pas prévalue d'une attestation établie par M. B... à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement. Par ailleurs, rien n'établit que les attestations établies par divers salariés de la société SMAC, en des termes non identiques, n'émaneraient pas de leurs signataires. Il résulte, en outre, des attestations produites par la société SMAC, émanant de six salariés différents, que M. D... n'a pas respecté, à plusieurs reprises, les règles de la sécurité sur les chantiers, en particulier en s'abstenant de porter les équipements individuels de sécurité, soit le casque, les gants et les chaussures de sécurité. Est par ailleurs produite une photographie datée du 25 juillet 2018, montrant l'intéressé en train de procéder sans gants, avec un cutter, à la découpe de matériaux d'étanchéité. Si M. D... produit des attestations d'autres salariés de la société selon lesquelles il portait les équipements de sécurité, ces témoignages n'indiquent pas contredire et remettre en cause ceux produits par la SMAC, précités. En conséquence, le moyen tiré de l'absence de matérialité des faits concernant le grief tiré de la méconnaissance des règles de sécurité doit être écarté.
13. De tels faits constituent un manquement caractérisé aux consignes de sécurité, au respect desquelles M. D..., en sa qualité de chef de chantier, devait être particulièrement attentif, tout en donnant l'exemple aux salariés qu'il était chargé d'encadrer. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, et il n'est pas contesté par l'intéressé, qu'il avait bénéficié d'actions pour la prévention de la sécurité organisées par son employeur et que le règlement intérieur de la société SMAC, en son article 9, rappelle les obligations individuelles des salariés en termes de respect de la sécurité au travail qui leur sont imparties en vertu de l'article L 4122-1 du code du travail. De plus, l'appelant, qui avait déjà fait l'objet de rappels oraux concernant le respect des règles de sécurité et d'une sanction de mise à pied de deux jours prise en décembre 2017 pour méconnaissance délibérée des règles de sécurité, du fait de l'absence de port des équipements individuels de sécurité, a réitéré son comportement fautif le 25 juillet 2018. La circonstance qu'il invoque selon laquelle ce jour-là c'est seulement pendant de brefs moments qu'il n'a pas respecté les règles de sécurité ayant dû, du fait de la chaleur, enlever son casque pendant quelques minutes ainsi que ses gants pour actionner les boutons de la commande d'une machine, n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Dès lors et compte tenu du caractère réitéré de la méconnaissance par l'intéressé des règles de sécurité sur les chantiers et des risques auxquels il s'exposait et auxquels il exposait son employeur, les fautes commises par M. D... d'infraction aux règles de sécurité sur les chantiers sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
14. En sixième lieu, si M. D... invoque l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses mandats de représentation du personnel qu'il exerçait au sein de son entreprise, aucun élément du dossier n'apparaît de nature à établir la réalité de ce lien.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 24 juin 2021 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. D... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de même nature présentées par la société SMAC.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société SMAC tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société SMAC.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
Le rapporteur
P. E...
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21TL23430
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