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22/11/2022 | FRANCE | N°21TL00647

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 21TL00647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... et la société Anaïs Production ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 2 358 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande indemnitaire préalable, au titre du préjudice financier causé par la décision refusant de leur accorder une subvention pour le projet " Le souffle du dragon " et par les carences dans le traitement de cette demande et l'absence de réponse

leurs autres demandes ;

- de condamner la région Occitanie au versement de la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... et la société Anaïs Production ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 2 358 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande indemnitaire préalable, au titre du préjudice financier causé par la décision refusant de leur accorder une subvention pour le projet " Le souffle du dragon " et par les carences dans le traitement de cette demande et l'absence de réponse à leurs autres demandes ;

- de condamner la région Occitanie au versement de la somme de 132 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre du préjudice tenant à la perte de chance sérieuse d'obtenir les subventions demandées ;

- de condamner la région Occitanie au versement de la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre du préjudice moral subi par Mme A... du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder une subvention et de l'absence de réponse de la région à leurs demandes ;

- de condamner la région Occitanie au versement de la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre des troubles dans leurs conditions d'existence causés par l'absence de réponse de la région à leurs demandes de subventions.

Par un jugement n° 1904885 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 février 2021 et le 17 avril 2021, sous le n° 21MA00647 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00647 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 13 octobre 2022, Mme A... et la société Anaïs Production, représentées par Me Lebrun, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la région Occitanie a rejeté leur demande indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 2 358 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable, au titre du préjudice financier causé par la décision refusant de leur accorder une subvention pour le projet " Le souffle du dragon ", par les carences dans le traitement de cette demande et par l'absence de réponse à leurs demandes de subvention pour les projets " Alvina ", " Moi pas papier " et " 4 roues " ;

4°) de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 132 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre du préjudice tenant à la perte de chance sérieuse d'obtenir les subventions demandées ;

5°) de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre du préjudice moral subi par Mme A... du fait de l'illégalité de la décision refusant de leur accorder une subvention et de l'absence de réponse de la région à leurs demandes ;

6°) de condamner la région Occitanie à leur verser la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, au titre des troubles dans leurs conditions d'existence causés par l'absence de réponse de la région à leurs demandes de subventions ;

7°) de mettre à la charge de la région Occitanie une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé, faute d'expliquer la raison pour laquelle le tribunal a considéré que la région Occitanie n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement est insuffisamment motivé, faute d'expliquer la raison pour laquelle le tribunal a considéré que la région Occitanie n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ce qui concerne les projets " Alvina " et " Moi pas papier " ;

- le jugement a omis de répondre au moyen tiré de ce que la demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " n'avait pas été instruite par la région Occitanie ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors qu'il considère que la région Occitanie a omis, à tort, de les informer du rejet de leurs demandes de subvention pour les projets " Alvina " et " Moi pas papier " et, pour autant, qu'elle n'a pas commis de carence fautive ;

- la décision de rejet de la demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " n'est pas motivée ;

- la décision de rejet de la demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " est entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les conditions étaient remplies pour obtenir la subvention sollicitée ;

- la région Occitanie s'est crue, à tort, en situation de compétence liée pour rejeter leur demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " ;

- la région Occitanie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de leur accorder une subvention pour le projet " Le souffle du dragon " ;

- la région Occitanie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne les informant pas expressément du rejet de leurs demandes de subvention pour les projets " Alvina " et " Moi pas papier ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, la région Occitanie, représentée par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à ce que soit la mise à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A... et de la société Anaïs Production.

Par ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère,

- les conclusions de Mme Sylvie Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mindren, substituant Me Lebrun, représentant Mme A... et la société Anaïs Production, et de Me Lalubie, représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 mai 2019, Mme A... et la société Anaïs Production ont adressé à la région Occitanie une réclamation préalable tendant à obtenir l'indemnisation de préjudices matériels et moraux à hauteur de 2 530 000 euros, qui auraient été causés par l'illégalité des refus opposés à quatre demandes de subvention pour des projets de fiction et par les carences fautives dans le traitement de ces demandes. Cette réclamation a été implicitement rejetée. Mme A... et la société Anaïs Production relèvent appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la région Occitanie à leur verser la somme de 2 530 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande préalable, en réparation des préjudices qu'elles auraient subis du fait, d'une part, de l'illégalité fautive du refus opposé le 25 février 2015 à leur demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " et, d'autre part, des carences dans le traitement de leurs demandes de subvention pour les projets " Alvina " et " Moi pas papier ".

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, les requérantes, qui soutiennent que le tribunal administratif n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il a considéré, au point 5 du jugement attaqué, que la région Languedoc-Roussillon, devenue région Occitanie, n'avait pas entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être regardées comme soutenant que le tribunal aurait insuffisamment répondu au moyen tiré de ce que leur projet remplissait les critères d'attribution d'une subvention. Il résulte toutefois du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen, en indiquant que la circonstance que le projet remplirait l'ensemble des conditions et critères d'éligibilité prévus par le dispositif d'aide ne permet pas de considérer, dès lors qu'une sélection est ensuite opérée parmi les projets éligibles, que la région aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder aux requérantes l'aide sollicitée.

3. En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le tribunal administratif n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il a considéré que la région Occitanie n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en rejetant leurs demandes de subvention pour les projets " Alvina " et " Moi pas papier ". Il résulte toutefois du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les requérantes, a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen aux points 7 et 8 du jugement, qui répondent aux moyens tirés des illégalités fautives qui auraient été commises par la région Occitanie en traitant et en rejetant ces demandes de subvention..

4. En troisième lieu, les requérantes soutiennent que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que leur demande de subvention pour le projet " Le souffle du dragon " n'aurait pas été instruite, faute d'avoir été soumise au processus de sélection. Il résulte toutefois du jugement attaqué que le tribunal a, implicitement mais nécessairement, répondu à ce moyen aux points 2 à 6 en relevant que cette demande a été soumise au comité d'experts avant d'être rejetée.

5. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une contradiction de motifs concerne le bien-fondé et non la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'illégalité fautive de la décision du 25 février 2015 :

6. En premier lieu, par une délibération du 19 décembre 2008, le conseil régional Languedoc-Roussillon a adopté le règlement du fonds régional d'aide à la création et à la production de courts-métrages. Il ressort des pièces du dossier que la région a défini les conditions d'éligibilité des demandeurs et de leurs projets ainsi que la procédure et les critères d'examen des projets. L'octroi des aides ainsi instituées repose ainsi sur une sélection des dossiers déclarés éligibles, après avis consultatif d'un comité d'experts sur la qualité artistique et la faisabilité de chacun des dossiers déposés, qui ne lie pas les élus. Le dispositif ainsi institué ne crée aucun droit à l'attribution des aides. Dans ces conditions, la décision du 25 février 2015 par laquelle la région Languedoc-Roussillon a rejeté la demande de subvention présentée pour le projet " Le souffle du dragon ", qui ne refuse pas un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir et qui ne rentre dans aucune des autres catégories d'actes visées par l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'avait pas à être motivée en application de cet article. Aucune autre disposition n'impose la motivation d'une telle décision. Le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, la seule circonstance que la décision du 25 février 2015 par laquelle la région Languedoc-Roussillon a rejeté la demande de subvention présentée pour le projet " Le souffle du dragon " mentionne l'avis négatif du comité de lecture ne permet pas de considérer que la région se serait crue liée par cet avis et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.

8. En dernier lieu, si les requérantes soutiennent que le projet " Le souffle du dragon " remplissait l'ensemble des critères d'éligibilité prévus par le dispositif d'aide à la création audiovisuelle, cette circonstance ne permet pas de considérer, dès lors, ainsi qu'il l'a été dit au point 6, qu'une sélection est opérée parmi les projets éligibles, que la région Languedoc-Roussillon aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en refusant d'accorder aux requérantes la subvention sollicitée.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité fautive de la décision rejetant la demande de subvention des requérantes pour le projet " Le souffle du dragon ", doit être écarté.

En ce qui concerne la faute commise par la région Occitanie en rejetant les demandes de subvention pour les projets " Alvina " et " Moi pas papier " :

10. En ne rejetant pas expressément les demandes de subvention présentées par les requérantes pour les projets " Alvina " ou " Moi pas papier ", la région Occitanie n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. En tout état de cause, le silence de la région avait fait naître, à l'expiration d'un délai de deux mois, une décision implicite de rejet.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et la société Anaïs Production ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. L'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de Mme A... et de la société Anaïs Production au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la région Occitanie présentées sur le fondement de ce même article L. 761-1.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... et de la société Anaïs Production est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Occitanie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A..., à la société Anaïs Production, à la région Occitanie et à Me Geoffroy Lebrun.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL00647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00647
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-04-02-03-01 Collectivités territoriales. - Région. - Attributions. - Interventions économiques. - Aides directes et indirectes.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;21tl00647 ?
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