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22/11/2022 | FRANCE | N°20TL22698

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 22 novembre 2022, 20TL22698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hydro-électrique de la Vallée de Salles-la-Source a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler totalement ou, à défaut, partiellement, le titre exécutoire émis par la commune de Salles-la-Source le 4 octobre 2018, dont le recouvrement est poursuivi par deux avis d'opposition à tiers détenteur notifiés les 12 et 24 octobre 2018, en vue du recouvrement d'une somme de 8 596,16 euros au titre de l'occupation de son domaine public pour la période comprise entre le 1er ma

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hydro-électrique de la Vallée de Salles-la-Source a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler totalement ou, à défaut, partiellement, le titre exécutoire émis par la commune de Salles-la-Source le 4 octobre 2018, dont le recouvrement est poursuivi par deux avis d'opposition à tiers détenteur notifiés les 12 et 24 octobre 2018, en vue du recouvrement d'une somme de 8 596,16 euros au titre de l'occupation de son domaine public pour la période comprise entre le 1er mai 2017 et le 30 septembre 2018 et, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1805812 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 août 2020, le 15 décembre 2021 et le 7 mars 2022, devant la cour administrative d'appel de Bordeaux puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, la société hydro électrique de la Vallée de Salles-la-Source, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 8 596,16 euros mise à sa charge par le titre exécutoire émis par la commune de Salles-la-Source le 4 octobre 2018 en recouvrement d'une créance au titre de l'occupation du domaine public communal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Salles-la-Source une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen, non inopérant, tiré de ce que les délibérations du conseil municipal de Salles-la-Source des 19 mai et 27 juin 2016 présentaient un caractère rétroactif rendant illégale la redevance d'occupation mise à sa charge par le titre exécutoire litigieux ;

- elle n'est pas occupante sans droit ni titre du domaine public communal dès lors, d'une part, qu'elle dispose de droits fondés en titre pour exploiter la force motrice du Créneau à hauteur de 530 kilowatts, auxquels est incorporée la pose d'une conduite forcée sur le territoire de la commune de Salles-la-Source sans devoir requérir la délivrance d'une autorisation d'occupation domaniale, et, d'autre part, qu'elle tire de la convention conclue le 20 mai 1972 avec la commune de Salles-la-Source une autorisation d'occupation du domaine public pour la pose d'une conduite forcée d'eau qui n'a pas expiré avec l'arrivée du terme de la concession, seule la clause financière relative à l'autorisation administrative d'exploiter l'usine ayant expiré au 31 décembre 2005 ;

- le titre exécutoire attaqué est illégal en raison de l'illégalité qui entache la délibération du conseil municipal de Salles-la-Source du 27 juin 2016 tirée de son caractère rétroactif ;

- il est également illégal en raison des illégalités entachant la délibération du 19 mai 2016 tirées, d'une, part, de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention dès lors que la partie fixe de la créance mise à sa charge est calculée à partir de tarifs par mètre linéaire d'artère souterraine différenciés selon la dimension de la section extérieure de la canalisation sans que cela soit justifié par des différences objectives ;

- il méconnaît l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors, d'une part, que le chiffre d'affaires trouvant son origine dans l'exploitation des droits fondés en titre est inclus, à tort, dans le calcul de la partie variable de la créance litigieuse et, d'autre part, que la somme mise à sa charge présente un caractère disproportionné au regard de l'avantage qu'elle tire du passage de la conduite forcée sur le territoire communal ;

- le contentieux relatif à l'indemnisation des occupations irrégulières du domaine public constitue un contentieux de pleine juridiction appelant à apprécier l'indemnité mise à la charge de l'occupant au regard des avantages qu'il tire de cette occupation à la date à laquelle le juge statue.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2020 et 26 janvier 2022, la commune de Salles-la-Source, représentée par Me Lecarpentier, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société hydro-électrique de la Vallée de Salles-la-Source.

Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 octobre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Evano, représentant la commune de Salles-la-Source.

Considérant ce qui suit :

1. La société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source exploite une usine hydro-électrique située sur le territoire de la commune de Salles-la-Source (Aveyron), alimentée par une conduite forcée traversant des propriétés privées et des dépendances du domaine public communal. Par un arrêt rendu le 6 février 2014 sous le n° 12BX03271, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé les titres exécutoires émis par la commune de Salles-la-Source en recouvrement de redevances d'occupation du domaine public au titre des années 2006 à 2011, motif pris de ce que ces titres ne pouvaient être établis sur le fondement de la convention du 20 mai 1972 aux termes de laquelle la commune avait autorisé la société précitée à maintenir la traversée des voies publiques par la conduite forcée dérivant le cours du Créneau, jusqu'au 31 décembre 2005, terme de la concession accordée par l'État le 17 octobre 1979 et approuvée par un décret du 17 mars 1980, en contrepartie, notamment, du versement d'une redevance. Par la suite, le conseil municipal de Salles-la-Source a, par une délibération du 21 mai 2014, instauré une redevance d'occupation du domaine public à compter du 1er janvier 2006 au titre de l'implantation de la conduite forcée alimentant l'usine hydro-électrique. Cette délibération ainsi que les titres exécutoires émis sur son fondement ont été annulés par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Toulouse n°s 1404832-1404833 du 4 mai 2016 en raison de l'erreur manifeste d'appréciation entachant les modalités de calcul de la redevance. Deux nouvelles délibérations intitulées " redevance d'occupation du domaine public - Part fixe " et " instauration d'une redevance d'occupation du domaine public " ont été respectivement adoptées par le conseil municipal de la commune les 19 mai et 27 juin 2016. Par un jugement nos 1603737, 1603740, 1702524, 1702918 du 13 septembre 2018, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 18BX03891 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement annulé la délibération du 19 mai 2016, en tant qu'elle fixe une redevance portant sur l'occupation du domaine public non communal, et confirmé le bien-fondé des créances correspondant aux titres exécutoires émis en recouvrement de l'indemnité d'occupation du domaine public communal au titre des années 2006 à 2016 ainsi que sur la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 30 avril 2017. Par un jugement n° 1805812 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source tendant à l'annulation totale ou, à défaut, partielle, du titre exécutoire émis par la commune de Salles-la-Source le 4 octobre 2018, dont le recouvrement est poursuivi par deux avis d'opposition à tiers détenteur notifiés les 12 et 24 octobre 2018, en vue du recouvrement d'une somme de 8 596,16 euros correspondant à l'occupation, par cette société, du domaine public de la commune pour la période comprise entre le 1er mai 2017 et le 30 septembre 2018 et, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme. La société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu, aux points 5 à 8 de leur jugement, au moyen tiré de ce que les délibérations du conseil municipal de Salles-la-Source des 19 mai et 27 juin 2016 présentaient un caractère rétroactif rendant illégale la redevance d'occupation mise à la charge de la société appelante par le titre exécutoire litigieux. Par suite, la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 [dispositions instituant un régime d'autorisation ou de déclaration] les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ". Aux termes de l'article L. 214-6 du même code : " I. - Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés. / II. - Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre (...) ".

4. La force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété. Il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau. En revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit. Un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine. Dans le cas où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens des personnes publiques (...) qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ".

6. Une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. À cette fin, elle est fondée à demander le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.

7. Il est constant que la société requérante a conclu, le 20 mai 1972, une convention avec la commune de Salles-la-Source aux termes de laquelle cette dernière lui a délivré toutes les autorisations nécessaires pour le passage, sur le territoire communal, d'une conduite d'eau forcée destinée à alimenter son installation hydro-électrique en contrepartie, notamment, du versement, au profit de la commune, d'une redevance annuelle de 15 000 francs indexée sur la moyenne des prix de rachat de l'électricité produite par l'usine. Il résulte toutefois des stipulations mêmes de cette convention que cette autorisation a été expressément accordée pour les besoins et la durée de la concession accordée par l'État à cette société pour exploiter son installation hydro-électrique. Par suite, dès lors que la concession conclue entre l'État et la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source, le 17 octobre 1979, et approuvée par un décret du 17 mars 1980, a pris fin le 31 décembre 2005, le droit d'occupation du domaine public communal résultant de la convention du 20 mai 1972 a nécessairement pris fin, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 2 juillet 2020 sous le n° 18BX03891, devenu définitif. Dans ces conditions, la société appelante qui est ainsi devenue occupante sans droit ni titre du domaine public communal depuis le 1er janvier 2006, n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de l'existence de la convention du 20 mai 1972 pour fonder un quelconque droit à occuper le domaine public de la commune de Salles-la-Source pour le passage de la conduite forcée destinée à alimenter en eau son usine hydro-électrique.

8. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport établi, en décembre 2015, par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, sur lettre de mission de la ministre en charge de l'écologie, que la société appelante a été constituée le 19 janvier 1931, par apport de propriétés appartenant à Mme A..., et que l'usine hydro-électrique, desservie par un barrage souterrain et une conduite forcée de près de 900 mètres de longueur, a été inaugurée le 1er novembre 1932. Il résulte de ce même rapport que les installations afférentes aux moulins, fondés en titre, dont la fondatrice de la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source a fait l'acquisition, ont été détruites avec la construction de l'installation hydro-électrique, les documents produits au dossier établissant que la conduite forcée, telle qu'elle existe à ce jour, a été édifiée dans les années 1930 et constitue un ouvrage totalement nouveau de sorte que les droits fondés en titre dont se prévaut la société appelante préexistaient à cet ouvrage. S'il est constant, ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans une décision rendue le 18 février 1972, sous le n° 75965, que la société appelante dispose de droits d'eau fondés en titre, correspondant aux moulins dont elle a, par le passé, fait l'acquisition, lui permettant d'exploiter la force motrice du Créneau à hauteur de 530 kilowatts et la dispensant, dans cette mesure, de solliciter une autorisation pour utiliser l'eau du Créneau et exploiter sa centrale hydro-électrique, ces droits, à valeur seulement d'usage, ainsi reconnus dans le cadre de la police de l'eau et du droit de l'énergie préexistaient à la conduite d'eau en litige. En tout état de cause, ces droits fondés en titre, qui n'emportent, dans les circonstances de l'espèce, aucun droit réel sur le domaine public communal, ne sauraient se confondre avec le droit, distinct, d'occuper le domaine public de la commune de Salles-la-Source lequel, a, ainsi qu'il a été dit, toujours donné lieu à la délivrance d'une autorisation d'occupation domaniale quelle que soit la forme juridique sous laquelle l'usine hydro-électrique a été exploitée. Alors qu'elle s'est, par le passé, acquittée d'une redevance domaniale en application de la convention du 20 mai 1972 jusqu'au 31 décembre 2005 et qu'elle a, en dernier lieu, expressément reconnu être débitrice d'une redevance d'occupation du domaine public en proposant à la commune, par un courrier du 6 juin 2016, de conclure une convention pour le calcul et le versement de cette redevance, la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposerait de droits fondés en titre auxquels serait incorporée l'implantation d'une conduite forcée sur le territoire communal la dispensant, par principe, de devoir requérir une autorisation d'occupation du domaine public de la commune et la soustrayant, au moins dans cette mesure, au règlement de toute redevance d'occupation du domaine public.

9. En deuxième lieu, la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source entend se prévaloir de l'illégalité entachant les délibérations du conseil municipal de Salles-la-Source des 19 mai et 27 juin 2016.

10. Au regard de ce qui vient d'être dit, dès lors que la société appelante doit être regardée comme occupant sans droit ni titre le domaine public de la commune de Salles-la-Source depuis le 1er janvier 2006 pour le passage d'une conduite forcée et qu'elle ne produit aucun autre titre lui permettant d'occuper le domaine public communal pour l'implantation de cet ouvrage, la commune de Salles-la-Source était fondée, en application des dispositions précitées de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques et du principe rappelé au point 6 à réclamer à cette occupante, qui utilise de manière irrégulière une dépendance de son domaine public, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période.

11. D'une part, il résulte de l'instruction que par un arrêt n°12BX03271 du 6 février 2014, les titres exécutoires émis à l'encontre de cette société en vue de recouvrer, au titre des années 2006, 2007, 2009, 2010 et 2011, les redevances annuelles prévues par la convention conclue le 20 mai 1972 pour un montant total de 76 036,63 euros précitée ont été annulés motif pris de ce que cette convention était arrivée à son terme le 31 janvier 2005, échéance de la concession conclue entre cette société et l'État. Il résulte tout autant de l'instruction que, postérieurement à cette annulation contentieuse, le conseil municipal de Salles-la-Source a, par une délibération du 27 juin 2016, décidé de mettre à la charge de la société hydroélectrique de Salles-la-Source une somme correspondant à l'occupation de son domaine public renvoyant à une précédente délibération du 19 mai 2016 pour le calcul de la partie fixe de cette créance. Même si elle mentionne dans son intitulé les termes de " redevance d'occupation du domaine public ", il résulte du contenu de la délibération du 27 juin 2016 que l'organe délibérant de la commune a, en faisant référence à la jurisprudence du Conseil d'État relative aux occupants sans titre du domaine public, expressément entendu déterminer les modalités de calcul du montant de l'indemnité compensant les revenus que la commune aurait percevoir de la part d'un occupant régulier de son domaine public dans les conditions rappelées au point 6 du présent arrêt sans que cette délibération puisse être regardée comme entachée d'une rétroactivité illégale. Dès lors que cette délibération a seulement pour objet de permettre à la commune d'être indemnisée de l'occupation sans titre d'une dépendance de son domaine public et non de réglementer rétroactivement les conditions d'occupation régulière de ce domaine, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire litigieux serait illégal par voie de conséquence de la rétroactivité entachant la délibération du conseil municipal de Salles-la-Source du 27 juin 2016 qui en constitue le fondement.

12. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

13. Ainsi qu'il a été dit, la délibération du 27 juin 2016 vise à permettre à la commune, gestionnaire de son domaine public, de recouvrer une indemnité au titre de l'occupation irrégulière de ce domaine en se fondant sur les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période au regard des avantages de toute nature procurés par la conduite forcée à la société appelante. Cette indemnité trouve, dès lors, sa contrepartie directe dans les avantages qu'a pu tirer la société appelante de l'implantation d'une conduite forcée sur le territoire de la commune. Dans ces conditions, la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source ne peut utilement soutenir que la délibération du 19 mai 2016, qui a servi de référence pour déterminer la part fixe de l'indemnité d'occupation du domaine public mise à sa charge par la délibération ultérieure du 26 juin 2016, porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi du seul fait qu'elle applique un tarif par mètre linéaire d'artère souterraine différencié en fonction de la dimension de la section extérieure des conduites traversant le tréfonds du domaine public communal alors qu'une telle différence de tarif peut valablement être justifiée par les sujétions plus importantes qu'impliquent les conduites dotées d'un plus large diamètre. Pour les mêmes motifs, elle ne peut davantage utilement soutenir que cette même délibération méconnaîtrait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le titre exécutoire litigieux serait illégal par voie de conséquence des illégalités entachant les délibérations du conseil municipal de Salles-la-Source des 19 mai et 27 juin 2016 ne peut qu'être écarté.

15. En troisième et dernier lieu, la société appelante soutient, d'abord, que la commune de Salles-la-Source a méconnu l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en incluant, dans le calcul de la partie variable de l'indemnité mise à sa charge, le chiffre d'affaires ayant pour origine l'exploitation de ses droits d'eau fondés en titre. Elle soutient, ensuite, que l'indemnité mise à sa charge représente un caractère disproportionné au regard de l'avantage qu'elle tire du passage de la conduite forcée sur le territoire communal ainsi qu'en témoigne son chiffre d'affaires nul pour l'année 2017.

16. Toutefois, en se limitant à de simples allégations, qui ne sont étayées par aucune pièce probante, à l'exception d'une attestation, non précisément datée, établie par son expert-comptable pour les besoins de la cause, ce qui en atténue, dès lors, la force probante, mentionnant, en des termes généraux, qu'elle n'a pas réalisé de chiffre d'affaires sur la période comprise entre septembre 2017 et septembre 2018, la société appelante ne produit aucun élément précis et circonstancié pour éclairer la cour sur les conditions réelles d'exploitation technique et financière de son installation hydro-électrique durant la période au titre de laquelle a été émis le titre exécutoire litigieux. Par suite, la société appelante n'établit pas, ainsi que cela lui incombe, que l'indemnité litigieuse présenterait, en valeur absolue, un caractère manifestement excessif au regard des avantages que lui procure l'implantation d'une conduite forcée sur le domaine public de la commune de Salles-la-Source. Au demeurant, ainsi que l'ont déjà retenu les premiers juges dans le jugement attaqué ainsi que la cour administrative d'appel de Bordeaux dans l'arrêt précité n° 18BX03891 du 2 juillet 2020, le montant de cette indemnité correspond à la méthode de calcul préconisée par le Conseil général de l'environnement et du développement durable dans son rapport susmentionné rendu en décembre 2015 et se compose d'une part, d'un volet fixe, correspondant au produit de la longueur de l'artère souterraine traversant le domaine public communal, soit 196 mètres, et du tarif applicable aux artères souterraines dont la section est supérieure à 200 cm2, soit 20 euros par mètre linéaire, et d'une part, d'un volet variable, fixé à 3,5% du chiffre d'affaires annuel généré par la société appelante. Dans ces conditions, la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source, qui a, du reste, délibérément refusé de communiquer à la commune les documents afférents à son chiffre d'affaires pour l'année 2017 et ne produit toujours pas, en appel, de document probant permettant d'en établir la consistance, n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire litigieux serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'avantage qu'elle est susceptible de tirer de l'occupation du domaine public communal sur la période comprise entre le 1er mai 2017 et le 30 septembre 2018. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le titre exécutoire litigieux au regard des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Salles-la-Source, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Salles-la-Source au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source est rejetée.

Article 2 : La société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source versera à la commune de Salles-la-Source une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société hydro-électrique de la vallée de Salles-la-Source et à la commune de Salles-la-Source.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL22698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL22698
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;20tl22698 ?
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