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22/11/2022 | FRANCE | N°20TL04412

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 22 novembre 2022, 20TL04412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune de Banyuls-sur-Mer à réparer les préjudices subis par leur fils, A..., à raison de la carence fautive du maire de cette commune à exercer ses pouvoirs de police administrative et à ce que soit ordonnée une expertise afin de déterminer l'étendue de ces préjudices.

Par un jugement avant-dire droit n° 1802527 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier après avoir déclar

é la commune de Banyuls-sur-Mer responsable des conséquences dommageables des brûl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune de Banyuls-sur-Mer à réparer les préjudices subis par leur fils, A..., à raison de la carence fautive du maire de cette commune à exercer ses pouvoirs de police administrative et à ce que soit ordonnée une expertise afin de déterminer l'étendue de ces préjudices.

Par un jugement avant-dire droit n° 1802527 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier après avoir déclaré la commune de Banyuls-sur-Mer responsable des conséquences dommageables des brûlures subies, le 9 octobre 2016, par A... C..., a ordonné une expertise en vue de définir et d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par celui-ci.

Après dépôt du rapport d'expertise le 19 avril 2020, M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, le 21 avril 2020, de condamner la commune de Banyuls-sur-Mer à leur verser une somme totale de 52 077 euros en réparation des préjudices subis par leur fils A....

Par un second jugement n° 1802527 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Banyuls-sur-Mer à verser, d'une part, une somme totale de 22 414,98 euros à M. et Mme C... en réparation des préjudices subis par leur fils A... et a rejeté le surplus de leurs conclusions, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne une somme de 1 815,40 euros ainsi qu'une somme de 605,13 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et, enfin, la somme de 1 437,50 euros à la caisse nationale militaire de sécurité sociale .

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et attribuée à la cour administrative d'appel de Toulouse par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État du 11 avril 2022, la commune de Banyuls-sur-Mer, représentée par Me Audouin, demande à la cour :

1°) d'annuler ces jugements n° 1802527 du 1er octobre 2019 et n° 1802527 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par les époux C... ;

3°) subsidiairement, de partager les responsabilités en retenant la faute de la victime et la responsabilité exclusive des parents ;

4°) subsidiairement de condamner les associations organisatrices de la " Fête des vendanges " à garantir la commune des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de M.et Mme C... la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge définitive de M. et Mme C... les dépens et notamment les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- la demande des époux C... devant le tribunal administratif, était irrecevable, faute pour le contentieux d'avoir été lié, dès lors que la commune avait rejeté par l'intermédiaire de la SMACL, le 4 juillet 2017, une première demande, et que la seconde demande, présentée le 20 mars 2018, est confirmative de la première, n'est pas chiffrée et ne sollicite pas le versement d'une somme d'argent ; par ailleurs, il n'a pas été demandé par M. et Mme C..., l'annulation de la décision de rejet de leur demande ;

- la demande des époux C... devant le tribunal administratif était mal dirigée dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre les associations organisatrices de la manifestation ou contre l'État, en sa qualité de gestionnaire du domaine public maritime ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les époux C... étaient présents sur la plage sur laquelle des " colles " étaient installées bien avant 15 heures, y ont déjeuné et ont donc pu appréhender la configuration des lieux ; par ailleurs, alors qu'en tout état de cause les époux C... ont commis une faute en laissant leur enfant de quatre ans sans surveillance et pieds nus sur la plage, Mme C... ne pouvait pas ne pas savoir comment l'événement était organisé dès lors qu'elle était la secrétaire de la sous-préfecture de Céret et se trouvait présente aux réunions de sécurité relatives à l'organisation de cette fête ; de plus les feux étaient sur une tranchée très visible, du fait notamment des colonnes de fumée émises, et à proximité du bord de l'eau ; en outre, aucune signalisation n'avait à être mise en place ; la police municipale, qui est d'ailleurs intervenue juste après l'accident, et a prévenu les pompiers, qui sont arrivés dix minutes plus tard, effectuait des rondes de surveillance ; enfin, la commune a tout mis en œuvre au titre de ses pouvoirs de police, concernant cette manifestation, par les deux arrêtés des 12 septembre et 27 septembre 2016 du maire, les associations ayant été autorisées à installer un coin cuisson dans les stands qui leur étaient attribués ,

- à titre subsidiaire, la faute de la victime et des parents devra être retenue à hauteur de 75 % ; par ailleurs, les sommes allouées en réparation des préjudices subies sont excessives .

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, M. et Mme C..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... C..., représentés par Me Guillard, concluent au rejet de la requête de la commune de Banyuls-sur-Mer, à la condamnation de cette dernière à leur verser une somme totale de 52 077 euros en réparation des préjudices subis par leur fils A... et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune le paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 3 septembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, représentée par Me Noy, demande au tribunal de rejeter la requête de la commune de Banyuls-sur-Mer et de confirmer les jugements attaqués.

Un mémoire a été produit par la caisse nationale militaire de sécurité sociale a été produit le 13 octobre 2022 mais n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 13 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Moukoko, représentant la commune de Banyuls-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement avant-dire droit du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré la commune de Banyuls-sur-Mer responsable des conséquences dommageables des brûlures subies, le 9 octobre 2016, par A... C..., alors âgé de quatre ans, ayant pour cause le contact de ses pieds avec des braises se trouvant sur la plage et provenant de feux de bois allumés pour faire des grillades, le jour de la " Fête des Vendanges " . Par le même jugement, le tribunal administratif a ordonné une expertise en vue de définir et d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par A... C.... Après dépôt du rapport d'expertise, le 19 avril 2020, M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, le 21 avril 2020, de condamner la commune de Banyuls-sur-Mer à leur verser une somme totale de 52 077 euros en réparation des préjudices subis par leur fils A....

2. Par un jugement n° 1802527 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Banyuls-sur-Mer à verser à M. et Mme C... une somme totale de 22 414,98 euros en réparation des préjudices subis par leur fils A... et a rejeté le surplus de leurs conclusions. Le tribunal a par ailleurs condamné la commune de Banyuls-sur-Mer à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne une somme de 1 815,40 euros ainsi qu'une somme de 605,13 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 437,50 euros à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

3. Par la présente requête, la commune relève appel des deux jugements précités des 1er octobre 2019 et 29 septembre 2020 et les époux C..., par la voie de l'appel incident, demandent la condamnation de la commune de Banyuls-sur-Mer à leur verser une somme totale de 52 077 euros en réparation des préjudices subis par leur fils A....

Sur la responsabilité de la commune de Banyuls-sur-Mer :

4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents (...) ".

5. Le 9 octobre 2016, jour de la " Fête des vendanges " à Banyuls-sur-Mer, A... C..., alors âgé de 4 ans, marchant pieds nus sur la plage, a subi des brûlures importantes aux pieds du fait d'un contact avec les braises de feux de bois allumés sur la plage pour faire des grillades.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le maire de Banyuls-sur-Mer a édicté un premier arrêté du 9 octobre 2016 portant " réglementation de stationnement, circulation et sécurité ", pour la Fête des Vendanges du dimanche 9 octobre 2016. L'article 1er de cet arrêté, intitulé " Déroulement de la fête des vendanges " dispose que " (...) les " colles " [groupes de personnes] organisées sont identifiées . Les feux de grillades des différentes " colles " se feront uniquement dans les tranchées prévues à cet effet sous la responsabilité du ou des référents du groupe ". Le même arrêté prévoit également la présence des forces de l'ordre sur les lieux de cette manifestation. Un plan était annexé à cet arrêté matérialisant de façon précise les différentes zones de la plage sur lesquelles la fête devait se dérouler, au nombre desquelles se trouvaient notamment indiquées, proches de l'eau, la " ligne de feux pour les grillades ", les " zones occupées par des stands grillades associatifs ", la " zone occupée par les " colles ". Il résulte des termes de cet arrêté, que le maire, dans l'exercice de son pouvoir de police et compte tenu par ailleurs de la responsabilité de l'association " Fête des vendanges " organisatrice de la manifestation, a adopté les mesures adéquates pour prévenir les risques en termes de sécurité présentés par l'organisation de la manifestation. En outre, il résulte de l'instruction et notamment des photographies produites au dossier, qu'eu égard à l'étendue de la plage sur laquelle s'est déroulée la manifestation en cause et à l'affluence qu'elle provoquait, une surveillance étroite de l'ensemble de la plage ne pouvait être exigée de la commune, notamment quant à la présence de braises provenant de feux de bois.

7. Par ailleurs et en admettant même que, comme ils l'affirment, les époux C... ne connaissaient pas les lieux, compte tenu de la nature de l'événement festif s'étant produit sur la plage de Banyuls-sur-Mer au cours duquel il était notamment prévu la mise en place de feux de bois, pour des repas à base de grillades, ils ne pouvaient pas, du fait de cette mise en place de feux de bois, et de l'affluence sur cette plage, ignorer le caractère dangereux pour un enfant de quatre ans, déchaussé, de marcher sur la plage sans la surveillance étroite de ses parents, l'exposant à différents risques et notamment à celui qui a entraîné la réalisation du dommage, inhérent à la présence de braises sur la plage.

8. Dans ces conditions, à supposer même, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la couleur des braises se serait confondue avec celle des galets, l'accident survenu à A... C..., auquel, compte tenu de son âge, aucune faute d'absence de discernement ne peut être opposée, est entièrement imputable au défaut de surveillance des parents et à un manquement à leur devoir de vigilance. Par conséquent et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, aucune faute de la commune ne peut être retenue au titre de l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police. Dès lors, la responsabilité, même partielle, de la commune de Banyuls-sur-Mer ne saurait être engagée.

9. Si la cour est saisie, de par l'effet dévolutif de l'appel, des autres moyens invoqués par M. et Mme C... tant en première instance qu'en appel, ces moyens ne reposent que sur l'existence d'une faute commise par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. et Mme C... tendant à la condamnation de la commune de Banyuls-sur-Mer à les indemniser des préjudices subis par leur enfant A... C... ne peuvent être que rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Banyuls-sur-Mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements du 1er octobre 2019 et du 21 avril 2020 le tribunal administratif de Montpellier l'a reconnue responsable des préjudices subis par l'enfant des intimés et l'a condamnée à les indemniser.

Sur l'appel incident de M.et Mme C... :

11. Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 6 à 10 du présent arrêt, l'appel incident présenté par M. et Mme C... ne peut qu'être rejeté.

Sur les frais d'expertise :

12. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 1 500 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Montpellier doivent être mis à la charge définitive de M. et Mme C....

Sur les frais liés au litige :

13. Les conclusions présentées par M. et Mme C..., parties perdantes au présent litige, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M.et Mme C..., une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Banyuls-sur-Mer.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du 1er octobre 2019 et du 21 avril 2020 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.

Article 2 : Les demandes de M.et Mme C... et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetées.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 1 500 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Montpellier sont mis à la charge définitive de M. et Mme C....

Article 4 : M.et Mme C... verseront une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Banyuls-sur-Mer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Banyuls-sur-Mer, à M. et Mme D... et B... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne , à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et à la mutuelle générale de l'éducation nationale section pyrénées orientales.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20TL04412

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL04412
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre-Maurice BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : VERGELONI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;20tl04412 ?
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