Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 3 novembre 2020 par lesquels la préfète du Tarn a refusé de leur délivrer les documents de circulation pour étrangers mineurs qu'ils avaient sollicités au bénéfice de leurs quatre enfants.
Par quatre ordonnances n° 2103151, n° 2103152, n° 2103153 et n° 2103154 du 11 février 2022, le président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces requêtes en retenant leur tardiveté.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022 sous le n° 22TL20923, M. et Mme C..., représentés par Me Meliodon, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2103152 du 11 février 2022 du président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté n°8108006810 du 3 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de délivrer à leur fils, M. E... C..., un document de circulation pour étranger mineur dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête introduite devant le tribunal n'était pas tardive ;
- en refusant de leur délivrer un document de circulation pour étranger mineur, la préfète du Tarn a méconnu les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- en refusant de leur délivrer un document de circulation pour étranger mineur, la préfète du Tarn a méconnu les dispositions de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en refusant de leur délivrer un document de circulation pour étranger mineur, la préfète du Tarn a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête introduite par les époux C... devant le tribunal administratif de Toulouse était bien tardive ;
- les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022 sous le n° 22TL20924, M. et Mme C..., représentés par Me Meliodon, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n°2103151 du 11 février 2022 du président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté n°8108006809 du 3 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de délivrer à leur fils, M. F... C..., un document de circulation pour étranger mineur dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 22TL20923.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soulève les mêmes moyens que ceux invoqués en défense à l'occasion de l'instance d'appel relative à la requête n° 22TL20923.
III. Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022 sous le n° 22TL20925, M. et Mme C..., représentés par Me Meliodon, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n°2103153 du 11 février 2022 du président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté n°8108006807 du 3 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de délivrer à leur fils, M. G... C..., un document de circulation pour étranger mineur dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux présentés dans les requêtes n° 22TL20923 et n°22TL20924.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soulève les mêmes moyens que ceux invoqués en défense à l'occasion de l'instance d'appel relative aux requêtes n°22TL20923 et n°22TL20924.
IV. Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022 sous le n° 22TL20926, M. et Mme C..., représentés par Me Meliodon, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n°2103154 du 11 février 2022 du président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté n°8108006808 du 3 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de délivrer à leur fille, B... C..., un document de circulation pour étranger mineur dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux présentés dans les requêtes n° 22TL20923, n° 22TL20924 et n° 22TL20925.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soulève les mêmes moyens que ceux invoqués en défense à l'occasion de l'instance d'appel relative aux requêtes n° 22TL20923, n° 22TL20924 et n° 22TL20925.
Vu les autres pièces de ces dossiers.
Vu :
- la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 octobre 2020, M. A... et Mme D... C..., ressortissants algériens admis à séjourner sur le territoire français, ont présenté une demande auprès des services de la préfecture du Tarn afin que leurs quatre enfants se voient délivrer des documents de circulation pour étranger mineur. Par arrêtés du 3 novembre 2020, la préfète du Tarn s'est opposée à la délivrance de ces documents. Par quatre ordonnances du président de la première chambre rendues le 11 février 2022, dont les intéressés relèvent appel, leurs demandes dirigées à l'encontre de ces arrêtés ont été rejetées.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 22TL20923, n° 22TL20924, n° 22TL20925 et n° 22TL20926 introduites par M. et Mme C... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, conformément à ce que prévoit l'article R. 421-5 du code de justice administrative, l'administration est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires. Elle n'est pas tenue d'ajouter d'autres indications, comme notamment les délais de distance, la possibilité de former des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs ou la possibilité de former une demande d'aide juridictionnelle. Si des indications supplémentaires sont toutefois ajoutées, ces dernières ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.
5. Tel qu'énoncé au point 1 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... ont présenté, le 23 octobre 2020, une demande tendant à la délivrance de documents de circulation pour leurs quatre enfants. Par arrêtés du 3 novembre 2020, notifiés le 6 novembre suivant, la préfète du Tarn a refusé de leur délivrer ces documents puis, par lettre du 21 janvier 2021, cette même autorité a rejeté leur recours gracieux. En outre, il ressort également des pièces du dossier et notamment de celle produite en appel attestant du dépôt d'un courrier effectué par les époux C... le 2 janvier 2021, que ces derniers ont entendu saisir le ministre de l'intérieur d'un recours hiérarchique en procédant à l'envoi d'une lettre avec demande d'avis de réception à une adresse erronée alors même que celle-ci était conforme aux indications portées dans l'encadré relatif aux voies et délais de recours figurant dans les arrêtés en litige. Après retour de ce courrier, les époux C... ont effectué, le 19 janvier 2021, un nouvel envoi en apportant les corrections nécessaires. Par une lettre du 29 mars 2021, le ministre a expressément rejeté ce recours hiérarchique qui, à raison de l'inexactitude des mentions apposées sur les arrêtés querellés, a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux jusqu'au 31 mai 2021. Dès lors, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les requêtes de M. et Mme C... introduites le 29 avril 2021, n'étaient pas tardives. Il s'ensuit que les ordonnances n° 2103151, n° 2103152, n° 2103153 et n° 2103154 du 11 février 2022 doivent être annulées.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les époux C... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la légalité des arrêtés du 3 novembre 2020 :
7. En premier lieu et aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après : a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence de dix ans ou du certificat d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre de regroupement familial ; b) Le mineur qui justifie, par tous moyens, avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins six ans ; c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, pour opposer les décisions de refus contestées, la préfète du Tarn s'est fondée sur plusieurs circonstances tenant à ce que les enfants du couple C... n'avaient pas été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial où leur résidence habituelle n'était pas établie depuis au moins six ans et que leur entrée sur le territoire s'était faite sous couvert de visas de court séjour non délivrés par les autorités consulaires françaises. Sans critiquer utilement ces motifs, les appelants se bornent à citer les stipulations de l'accord franco-algérien sans même apporter les précisions nécessaires à l'appréciation du bien-fondé de ce moyen. En tout état de cause, il demeure constant que les enfants du couple sont nés en Algérie, ne sont entrés sur le territoire français qu'en 2016 sous couvert d'un visa espagnol pour lequel la durée n'est pas précisée et qu'ils n'ont pas été admis à y séjourner au titre du regroupement familial alors même que M. C... allègue être titulaire d'une carte de résident longue durée, sans, du reste, que la pièce produite à cet effet ne soit de nature à en attester, à raison de son illisibilité. Dès lors, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Tarn aurait méconnu les stipulations citées au point précédent en refusant de leur délivrer les documents de circulation pour étrangers mineurs demandés.
9. En deuxième lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit de manière complète les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants algériens sur le territoire français. Les conditions de circulation des Algériens mineurs sont ainsi exclusivement régies par les stipulations précitées de l'article 10 de cet accord. Dès lors, M. et Mme C... ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
11. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'appartient à aucune des catégories prévues par les textes, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que le refus de délivrer ce document ne méconnaît pas lesdites stipulations. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire français, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
12. M. et Mme C... sont régulièrement admis à séjourner en France et aucun élément du dossier n'est de nature à démontrer que leurs enfants ne pourraient pas se déplacer en leur compagnie ou, sans eux, en obtenant les visas leur permettant de se rendre périodiquement en Algérie dans le but de visiter les membres de leur famille qui y résident et pour lesquels il n'est ni établi ni même allégué que des circonstances de fait ou de droit feraient obstacle à la délivrance de visas touristiques français. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 3-1 précité que la préfète du Tarn a refusé de leur délivrer les documents de circulation pour étrangers mineurs sollicités.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 3 novembre 2020. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les ordonnances du président de la première chambre du tribunal administratif de Toulouse n° 2103151, n° 2103152, n° 2103153 et n° 2103154 du 11 février 2022 sont annulées.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que le surplus des conclusions de leurs requêtes n° 22TL20923, n° 22TL20924, n° 22TL20925 et n° 22TL20926 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,
M. Bentolila, président-assesseur,
M. Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
Le président rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
P. BentolilaLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL20923-22TL20924-22TL20925-22TL20926