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27/10/2022 | FRANCE | N°20TL01702

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 27 octobre 2022, 20TL01702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015 et de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1803647 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa dema

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2020 sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015 et de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1803647 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2020 sous le n° 20MA01702 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL01702 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme B..., représentée par Me Maurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015 et de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a reconstitué son chiffre d'affaires à partir d'achats réalisés auprès d'une entreprise de droit espagnol avec laquelle elle n'a jamais entretenu de relations commerciales ;

- les signatures apposées sur les factures en cause révèlent une usurpation d'identité, qui est à l'origine d'un dépôt de plainte avec constitution de partie civile ;

- la juridiction administrative saisie, alors qu'une affaire pénale déterminante pour l'issue du litige est pendante, doit nécessairement surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale ;

- les éléments matériel et moral des manœuvres frauduleuses ayant fondé l'application d'une majoration de 80 % en application du c de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas caractérisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B....

Par ordonnance du 11 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... fait appel du jugement du 24 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015 et de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Ces impositions procèdent, à l'issue d'une vérification de comptabilité, de la reconstitution du chiffre d'affaires de la boucherie-épicerie qu'elle exploite à Narbonne sous l'enseigne " Le Potager d'Anatole ", après rejet de sa comptabilité.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

3. Il n'est pas contesté que la comptabilité de Mme B..., qui était notamment dépourvue de caisse enregistreuse, de ventilation des ventes opération par opération, de brouillard de caisse et de pièces justificatives du livre de caisse et qui ne permettait pas de justifier les produits vendus et leur quantité, comportait ainsi, compte tenu en outre des discordances significatives constatées dans les acquisitions intracommunautaires, de graves irrégularités au sens des dispositions précitées. Les impositions supplémentaires procédant de la reconstitution de recettes contestée ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Aude au cours de sa séance du 7 juillet 2017. Dans ces conditions, la charge de prouver le caractère exagéré des bases d'imposition arrêtées par l'administration incombe à Mme B... en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

4. Pour reconstituer le chiffre d'affaires tiré par Mme B... de son activité de boucherie-épicerie et évaluer ses acquisitions intracommunautaires taxables, le service s'est fondé sur les résultats de l'assistance administrative internationale formulée auprès des autorités espagnoles le 18 octobre 2016 et dont la réponse a révélé l'existence d'achats réalisés par l'intéressée auprès de trois fournisseurs espagnols au cours des années 2013 à 2015.

5. Dans ce cadre, la société de droit espagnol Roca a fourni les factures de ventes de marchandises effectuées au profit de l'entreprise de la requérante, portant son numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, les bons de livraison correspondants, mentionnant l'adresse du lieu d'activité de l'intéressée, et un document bancaire indiquant que le paiement d'une facture du 29 octobre 2013 avait été effectué par Mme B.... Les montants des achats reconstitués par la vérificatrice à partir des factures transmises par ce fournisseur correspondent aux sommes déclarées par ce dernier dans les bases intracommunautaires.

6. Les circonstances qu'aucun de ces documents ne comporte de tampon commercial, de signature de Mme B... ou d'un ordre d'achat de sa part, que son chef boucher a affirmé ne jamais avoir été en relation avec la société Roca, que cette dernière a déclaré avoir pour contact une personne qui n'appartiendrait pas à la boucherie-épicerie " Le Potager d'Anatole " et que la requérante, qui affirme d'ailleurs que l'ordre de virement bancaire relatif à la facture du 29 octobre 2013 serait falsifié, a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du procureur de la République le 28 juillet 2017 pour usurpation d'identité ne permettent pas d'établir que les factures en cause, qui sont formellement régulières, seraient des faux. Ainsi, Mme B..., qui n'établit pas qu'un tiers aurait usurpé son identité afin de procéder à des achats à son insu auprès de la société Roca, n'apporte la preuve du caractère exagéré de la reconstitution opérée par le service.

En ce qui concerne les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

8. L'administration a assorti de la majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui procèdent de la dissimulation d'un fournisseur en 2013 et 2014 et de la comptabilisation d'avoirs non justifiés en 2015. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que l'existence d'achats effectués en 2013 et 2014 auprès de la société Roca, dont aucun n'a fait l'objet d'un enregistrement comptable, est avérée. La requérante ne conteste pas, par ailleurs, avoir procédé à la comptabilisation d'avoirs dont la réalité n'a pu être établie. Eu égard à la nature de ces procédés, qui sont imputables personnellement à Mme B..., à leur répétition, aux montants des achats dissimulés et des avoirs non justifiés, ainsi qu'à l'absence de justificatif détaillé des recettes, le service doit être regardé comme établissant que Mme B... a entendu éluder l'impôt en créant, lors de la souscription de ses déclarations, des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Le service a donc pu, à bon droit et sans méconnaître le principe de personnalité des peines, assortir les impositions en cause de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction pénale sur la plainte déposée le 28 juillet 2017, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Fabien, présidente assesseur,

- M. Lafon, président assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL01702 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01702
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-27;20tl01702 ?
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