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18/10/2022 | FRANCE | N°20TL03258

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 20TL03258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Domaine du Rouquet a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 mars 2019 la mettant en demeure, en sa qualité de propriétaire, de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation situés au premier étage du bâtiment ...

Par un jugement n° 1901799 du 29 juin 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpell

ier a annulé l'arrêté du 25 mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Domaine du Rouquet a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 mars 2019 la mettant en demeure, en sa qualité de propriétaire, de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation situés au premier étage du bâtiment ...

Par un jugement n° 1901799 du 29 juin 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 25 mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 31 août 2020, enregistrée à la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et une pièce complémentaire produite le 14 septembre 2022, le ministre de la santé et de la prévention demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de l'EARL Domaine du Rouquet ;

Le ministre soutient que :

- c'est à tort que la première juge au titre de l'erreur de fait, a pris en compte les hauteurs sous plafond mentionnées dans l'attestation de surface produite par l'EARL plutôt que celles détaillées par l'inspecteur de salubrité de l'agence régionale de santé, pour considérer que les locaux n'étaient pas impropres à l'habitation ;

- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'erreur d'appréciation quant à la qualification de locaux impropres à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, sa qualification étant principalement fondée sur l'insuffisance de hauteur sous plafond de ses pièces de vie même s'il existe d'autres désordres structurels qui confortent l'appréciation de l'incompatibilité des locaux avec un usage d'habitation ; le préfet est en tout de cause fondé à prendre en compte la hauteur sous plafond de 2,20 mètres fixée par l'article 40.4 du règlement sanitaire départemental de l'Hérault, cette hauteur ayant pour finalité de préserver la santé des occupants de locaux d'habitation ; les hauteurs constatées ne constituent pas de simples méconnaissances du règlement sanitaire départemental, mais portent sur des hauteurs très nettement inférieures à la hauteur minimale prescrite pour permettre une habitation respectueuse des conditions d'hygiène et de sécurité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, l'EARL Domaine du Rouquet, représentée par Me Alet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État.

L'EARL fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

T

Par ordonnance du 26 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 mars 2019, le préfet de l'Hérault a mis en demeure l'exploitation Domaine du Rouquet, en sa qualité de propriétaire, de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation situés au premier étage du bâtiment .... Par un jugement n° 1901799 du 29 juin 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de l'EARL Domaine du Rouquet, l'arrêté précité.

2. Par la présente requête, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour d'annuler le jugement du 29 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier et de rejeter la demande de l'EARL Domaine du Rouquet.

Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de la loi 2008-1021 du 23 novembre 2018 : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'État dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 40 de l'arrêté portant règlement sanitaire du département de l'Hérault : " (...) 40.1.Ouvertures et ventilation : Les pièces principales et les chambres isolées doivent être munies d'ouvertures donnant à l'air libre et présentant une section ouvrante permettant une aération suffisante. Les pièces de service (cuisine, salles d'eau et cabinets d'aisance), lorsqu'elles sont ventilées séparément, doivent comporter les aménagements suivants en fonction de leur destination : a) pièces de service possédant un ouvrant donnant sur l'extérieur ; ces pièces doivent être équipées d'un orifice d'évacuation d'air vicié en partie haute. En sus, les cuisines doivent posséder une amenée d'air frais en partie basse ; b) Pièces de service ne possédant pas d'ouvrant donnant sur l'extérieur : ces pièces doivent être munies d'une amenée d'air frais, soit par gaine spécifique, soit par l'intermédiaire d'une pièce possédant une prise d'air sur l'extérieur. L'évacuation de l'air vicié doit s'effectuer en partie haute, soit par gaine verticale, soit par gaine horizontale à extraction mécanique conformes à la règlementation en vigueur...40-4 Hauteur sous plafond : La hauteur sous plafond ne doit pas être inférieure à 2,20 mètres (...) ".

5. Si un local ne saurait être qualifié d'impropre par nature à l'habitation au seul motif qu'il méconnaîtrait l'une des prescriptions du règlement sanitaire départemental applicable, lequel n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, il appartient toutefois à l'administration, pour apprécier si un local est impropre par nature à l'habitation, de prendre en compte toutes les caractéristiques de celui-ci, notamment celles qui méconnaissent les prescriptions du règlement sanitaire départemental.

6. Le ministre dans sa requête d'appel, conteste le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier uniquement en tant que, par ce jugement, il a été considéré que les hauteurs sous plafond étaient suffisantes, la magistrate désignée ayant estimé que si " ... la hauteur sous plafond n'atteint pas 2,20 mètres, il résulte de l'attestation de surface réalisée par un professionnel qu'elle atteint néanmoins 2,13 mètres dans la pièce à vivre, 2,05 mètres dans la chambre et 1,94 mètre dans la salle de bain et les toilettes ... " .

7. Pour contester ce jugement, le ministre fait valoir que les données retenues par le premier juge seraient erronées dès lors, d'une part, que ce jugement se fonde sur les données fournies par l'EARL provenant d'une expertise réalisée par une société privée n'ayant pas spécifié dans son rapport la méthode utilisée pour obtenir ces données, et, d'autre part, qu'au contraire, l'agence régionale de santé a, à la suite d'une visite du 8 janvier 2019, rédigé un rapport, le 24 janvier 2019, selon lequel les hauteurs sous plafond sont en-deçà de ce qu'indique l'expertise privée précitée et très en-deçà de la hauteur de 2,20 mètres indiquée par le règlement sanitaire départemental.

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi le 24 janvier 2019 par le technicien sanitaire de l'agence régionale de santé à la suite d'une visite de l'immeuble qui a eu lieu le 8 janvier 2019, produit par le ministre sur demande de la cour et communiqué à l'EARL Domaine du Rouquet, et des photographies qui y sont annexées, que les hauteurs sous plafond dans la pièce à vivre comportant le séjour et la cuisine sont de 1,90 à 1,95 mètre et non de 2,13 mètres comme le soutenait l'EARL Domaine du Rouquet, sur la base d'une attestation de surface habitable établie le 30 juillet 2019 par une société privée. Dans ces conditions, alors même que les hauteurs sous plafond dans les autres pièces sont de façon moins significative inférieures à celles attendues, l'insuffisance de hauteur sous plafond et les caractéristiques du local ne permettent pas l'hébergement de personnes dans des conditions conformes à la dignité humaine et sont susceptibles de nuire à leur santé. Il en résulte que les lieux sont, par leur structure même, impropres à l'habitation. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu, par son arrêté du 25 mars 2019, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, regarder le local en litige comme étant impropre à l'habitation en application de l'article L. 1331-22 précité du code de la santé publique et mettre en demeure l'EARL Domaine du Rouquet, en sa qualité de propriétaire, de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation situés au premier étage du bâtiment .... Dès lors, c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a estimé qu'en mettant en demeure l'EARL Domaine du Rouquet de faire cesser sa mise à disposition à fin d'habitation de ses locaux, se trouvant au domaine du Rouquet à Saint-Gély-du-Fesc, le préfet de l'Hérault avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.

9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EARL Domaine du Rouquet tant en première instance qu'en appel.

10. En premier lieu, l'arrêté contesté du 25 mars 2019 a été signé par M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté du préfet de l'Hérault n° 2019-I-225 du 1er mars 2019, le préfet de l'Hérault lui a donné délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault et, notamment, tous les actes administratifs intéressant les services départementaux des administrations civiles de l'État, à l'exception des réquisitions en temps de guerre et des réquisitions des comptables. Ainsi, M. A... a régulièrement reçu par cette délégation, qui n'est contrairement à ce que soutient l'EARL Domaine du Rouquet ni générale ni absolue, compétence pour signer la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

11. En deuxième lieu, l'EARL Domaine du Rouquet fait valoir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit, en ce qu'il ferait application du règlement sanitaire départemental. Il appartient à l'administration de prendre en compte toutes les caractéristiques des locaux litigieux, notamment celles qui caractérisent une méconnaissance de la règlementation applicable, telle qu'elle est en particulier prévue par le règlement sanitaire départemental, même si toute méconnaissance de ce règlement, qui n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, ne justifie pas la qualification de local impropre par nature à l'habitation. Si le préfet dans son arrêté de mise en demeure a évoqué le fait que les hauteurs sous plafond des locaux constituant des pièces de vie (séjour et chambres) n'atteignaient pas la hauteur de 2,20 mètres indiquée à l'article 40.4 du règlement sanitaire du département de l'Hérault, il a toutefois exercé son pouvoir d'appréciation quant à l'habitabilité des locaux au regard des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Dans ces conditions, le moyen invoqué par l'EARL Domaine du Rouquet quant à l'erreur de droit dont serait entachée la mise en demeure du 25 mars 2019, doit être écarté.

12. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'EARL Domaine du Rouquet, la mise en demeure du 25 mars 2019 de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation de locaux dont elle est propriétaire, procède - par référence notamment au rapport motivé établi le 24 janvier 2019 par l'agence régionale de santé - en considération des faits tenant en particulier à l'insuffisance des hauteurs sous plafond, à la qualification de ces locaux, au regard notamment de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et du règlement sanitaire départemental, comme se trouvant impropres à l'habitation. Dans ces conditions, la mise en demeure n'est pas, contrairement à ce que soutient l'EARL Domaine du Rouquet, entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits, l'expression utilisée par cette mise en demeure selon laquelle ces locaux sont " par nature " impropres à l'habitation ne faisant, en tout état de cause, que reprendre les termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.

13. En quatrième lieu, compte tenu de ce qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision au regard du seul manquement tenant à l'insuffisance des hauteurs sous plafond, les moyens invoqués critiquant les autres motifs de la mise en demeure du 25 mars 2019 sont sans incidence sur la légalité de cette décision.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 mars 2019 mettant en demeure, en sa qualité de propriétaire, l'EARL Domaine du Rouquet de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation situés au premier étage du bâtiment ....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

15. L'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par l'EARL Domaine du Rouquet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901799 du 29 juin 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'exploitation agricole à responsabilité limitée Domaine du Rouquet et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la santé et de la prévention et à l'EARL Domaine du Rouquet.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20TL03258

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL03258
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Pierre-Maurice BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN ALET AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-18;20tl03258 ?
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