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13/10/2022 | FRANCE | N°20TL04529

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 13 octobre 2022, 20TL04529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1805692 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 7 décembre 2020 sous le n° 20MA04529 au g

reffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04529 au greffe de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1805692 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 7 décembre 2020 sous le n° 20MA04529 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04529 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Groupe B..., représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 ;

3°) d'ordonner le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'acte anormal de gestion n'est pas établi dès lors, d'une part, que l'aide consentie par la société Vignobles B... à la société à la société des Domaines de B... sous forme d'avances en compte courant non rémunérées s'inscrit dans le cadre d'une gestion normale au regard des relations commerciales existant depuis la signature, en 1993, d'un contrat de commercialisation, d'autre part, que, compte tenu de sa situation financière, la société des Domaines de B... n'aurait pu continuer, sans cette aide, à satisfaire les besoins de son unique client, qui craignait une perte d'approvisionnement significative et poursuivait un accroissement constant de ses achats ;

- la doctrine référencée BOI-BIC-BASE-50-10-20130129 n° 120 et n° 130 distingue l'aide à caractère commercial de l'aide à caractère financier, à partir du lien existant entre les sociétés concernées ;

- les intérêts ont été calculés au taux de l'intérêt légal, sans qu'aucune justification ne soit apportée sur la possibilité d'obtenir un taux comparable en cas de placement auprès d'un établissement financier ;

- la position de l'administration est entachée, sur ce point, d'une insuffisante motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Groupe B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Groupe B... fait appel du jugement du 5 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013. Cette imposition procède de la réintégration, dans les résultats de la société Vignobles B..., dont elle détient 99,17 % des actions, dans le cadre d'un groupe d'intégration fiscale, du montant des intérêts sur l'avance en compte courant consentie à la société des Domaines de B....

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

3. La proposition de rectification que le service a adressée le 28 juillet 2015 à la société Vignobles B... comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant à la contribuable de présenter utilement ses observations. En particulier, l'indication selon laquelle les " intérêts sont calculés à partir du solde annuel, d'après le taux de l'intérêt légal fixé à (...) 2,79 % pour l'exercice clos en 2013 " était suffisamment précise pour permettre à la contribuable d'engager une discussion sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les prêts à terme ou les avances à vue accordés sans intérêts par une entreprise au profit de tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage accordé à un tiers sous la forme de la renonciation à la perception d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors qu'elle établit l'existence d'avances sans intérêts consenties par l'entreprise à des tiers et que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier en retour de contreparties, notamment commerciales ou financières.

5. Il résulte de l'instruction que le compte courant ouvert au nom de la société des Domaines de B... dans les écritures de la société Vignobles B... présentait un solde débiteur au 31 décembre 2013, à hauteur de 1 309 027,71 euros. Cette créance correspondait à des avances de trésorerie consenties, pour ce montant et sans intérêt, à la société Vignobles B.... L'administration a estimé que de telles avances non rémunérées ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale.

6. Pour justifier de contreparties en faveur de la société Vignobles B..., la requérante fait valoir que la renonciation à la perception d'intérêts lui a permis d'augmenter le niveau de ses approvisionnements auprès de son principal fournisseur, qui connaissait des difficultés financières. Si elle relève notamment un endettement élevé et un déficit chronique, liés à une augmentation constante des besoins de la société Vignobles B..., qui bénéficie d'un contrat de commercialisation et de distribution exclusive de sa production depuis 1993, il résulte toutefois de l'instruction qu'à la clôture des exercices 2012 et 2013, la situation nette comptable de la société des Domaines de B... était positive et qu'à ces mêmes dates, le montant de ses capitaux propres représentait plus de la moitié du capital social, lequel avait fait l'objet d'une augmentation en 2012 par compensation avec les créances liquides et exigibles détenues par les deux associés sur la société. Par ailleurs, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société des Domaines de B..., par jugement du tribunal de commerce de Carcassonne du 13 mars 2019, n'est pas de nature à révéler l'ampleur de ses difficultés financières en 2013, alors qu'elle était motivée au surplus par la réorganisation de l'entreprise, la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Si l'administration ne conteste pas l'existence de relations commerciales entre les deux sociétés, elle relève toutefois que la société Vignobles B... n'a comptabilisé aucune avance de nature commerciale en compte fournisseur et que le solde débiteur du compte courant de la société des Domaines de B... provenait en grande partie d'une cession de créance engagée par la société Groupe B..., avec laquelle elle n'entretenait aucune relation commerciale. Dans ces conditions, la requérante ne justifie pas que les avantages consentis auraient eu pour la société Vignobles B... des contreparties, y compris en permettant un accroissement de son chiffre d'affaires. Ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant que l'octroi des avances sans intérêts était étranger à une gestion commerciale normale.

7. La société Groupe B... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la distinction entre les aides à caractère commercial et les aides à caractère financier exprimée dans une doctrine administrative du 29 janvier 2013, référencée BOI-BIC-BASE-50-10-20130129 n° 120 et n° 130, qui ne peut être regardée comme comportant une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.

8. Le taux normal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre doit être apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a fixé à 2,79 % le taux des intérêts que la société Vignobles B... aurait dû réclamer à la société des Domaines de B..., " d'après le taux de l'intérêt légal (...) pour l'exercice clos en 2013 ". Dans son mémoire en défense, l'administration indique, sans être contestée, qu'il a été fait application du taux d'intérêt légalement fixé au titre de 2013 pour les rémunérations de sommes laissées sur les comptes courants d'associé et que ce taux est inférieur au taux effectif global de 3,39 %, fixé au 28 décembre 2012 dans le cadre de l'actualisation du contrat de commercialisation et de distribution exclusive conclu le 1er janvier 1993 entre la société Vignobles B... et la société des Domaines de B.... Dans ces conditions, alors que la société requérante ne fait pas état de la pratique de taux inférieurs, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que le taux retenu n'est pas supérieur à la rémunération que la société Vignobles B... aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé, dans le cadre du placement, dans des conditions analogues, de sommes d'un montant équivalent.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, y compris ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Groupe B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Fabien, présidente assesseure,

- M. Lafon, président assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL04529 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL04529
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-13;20tl04529 ?
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