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04/10/2022 | FRANCE | N°22TL00381

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 octobre 2022, 22TL00381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 13 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2103048 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 28 j

anvier 2022, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 13 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2103048 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 28 janvier 2022, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative de Toulouse, M. B..., représenté par Me Durand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que, dans son jugement, le tribunal, en réponse à son moyen invoqué sur le fondement de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire, a estimé que l'erreur commise quant à la nationalité du requérant était une erreur de plume ; le tribunal n'a pas examiné l'ensemble de ses moyens tenant au défaut de motivation ;

- en vertu de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a droit à un titre de séjour au regard de ses liens personnels et familiaux en France ;

- il remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 relative à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière, s'agissant des conjoints d'étrangers en situation régulière ;

- Mme C..., sa compagne, est insérée en France, et plusieurs membres de sa famille avec lesquels elle a des liens, s'y trouvent ; de son union avec elle, déjà mère d'un premier enfant âgé de huit ans, sont nés deux enfants, dont il assure la garde pendant que sa compagne travaille ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen dirigé contre l'arrêté du préfet relatif à la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ; par ailleurs, au sens de l'article 16 de la même convention l'arrêté préfectoral s'immisce de façon arbitraire dans l'équilibre et l'harmonie construits par la famille sur le territoire français.

Par ordonnance du 5 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 août 2022.

Une note en délibéré a été présentée par M.B... le 23 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 26 juillet 1990, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 28 juin 2021. Par un arrêté du 13 août 2021, le préfet de Vaucluse a rejeté cette demande, a assorti son refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. À supposer que M. B..., en faisant valoir que le tribunal administratif aurait insuffisamment motivé son jugement dans sa réponse à son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire, puisse être regardé comme critiquant la régularité du jugement, le moyen tiré de cette insuffisance de motivation était inopérant devant les premiers juges, dès lors qu'en vertu de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans l'hypothèse, comme en l'espèce, où le refus de séjour est pris sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du même code et qu'il est suffisamment motivé, ce qui est le cas en l'espèce et n'a en tout état de cause pas été contesté par M. B..., la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L .423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions n'est pas de plein droit mais se trouve subordonnée à l'appréciation par le préfet, sous le contrôle du juge, de l'existence et de l'intensité des liens familiaux et personnels auxquels il serait porté atteinte par la décision de refus de séjour.

5. En deuxième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 adressée aux préfets par le ministre de l'intérieur pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, qui est dépourvue de portée réglementaire.

6. En troisième lieu, M. B... se prévaut à l'appui de sa requête de l'existence d'une relation de concubinage, depuis 2020, avec Mme C..., ressortissante nigériane qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident et qui y travaille, et avec laquelle il a eu deux enfants nés le 2 février 2019 et le 8 février 2020. Toutefois, en admettant même que M. B..., qui est entré irrégulièrement en France et n'a été admis au séjour que par le fait de la présentation d'une demande d'asile, finalement rejetée, ait résidé en France de façon habituelle depuis 2018, la relation de concubinage est récente et il ne ressort d'aucune des pièces au dossier que la cellule familiale qu'il forme avec Mme C... - qui ne réside pas en France sous couvert d'un titre de séjour obtenu en qualité de réfugiée - sa fille et leurs deux enfants, ne pourrait se reconstituer dans leur pays d'origine où M.B... a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans et dans lequel il n'est pas allégué qu'il serait dépourvu d'attaches. Dans ces conditions, le préfet de Vaucluse a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, en vertu de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer les enfants de leur père, M. B... ayant la possibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France, notamment au Nigéria, pays dont il a, ainsi que sa concubine et les deux enfants du couple, la nationalité, et dans lequel il n'est ni allégué ni établi qu'existe un obstacle à la poursuite de leur scolarité. Par suite, et alors même que le requérant fait valoir que sa concubine est mère d'un enfant de huit ans de nationalité française, né d'une précédente union, mais pour lequel il soutient mais sans l'établir, que le père aurait l'autorité parentale, les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée n'ont pas été méconnues par les décisions contestées.

8. En cinquième lieu, selon l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".

9. En l'absence de toute circonstance mettant le requérant et sa concubine dans l'impossibilité d'emmener les enfants de A... B... et l'enfant de sa concubine, Mme C..., avec eux, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme contraire à l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 13 août 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

11. En vertu de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'hypothèse, comme en l'espèce, où le refus de séjour est pris sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 de ce code, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, dont le caractère suffisant de la motivation n'est pas contesté par le requérant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire est inopérant et doit être écarté et M. B... n'est donc pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

12. Si M. B... demande l'annulation de la décision portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, il ne présente pas de moyens à l'appui de ces conclusions en annulation qui doivent donc être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 13 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL00381

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00381
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Pierre-Maurice BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-04;22tl00381 ?
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