Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D..., Mme C... D... et leur assureur, la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement la commune de Cavaillon et son assureur, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à leur verser la somme globale de 83 761,12 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018, date de leur demande préalable, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la présence d'ovins en état de divagation sur leur propriété.
Par un jugement n° 1801310 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2020 sous le n° 20MA02994 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL02994, M. et Mme D... et leur assureur, la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, représentés par Me Pons, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner solidairement la commune de Cavaillon et son assureur la SMACL à leur verser la somme globale de 83 761,12 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018 en réparation des dommages qu'ils estiment avoir subis du fait de la divagation d'ovins sur leur propriété, à titre principal, au titre de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et, à titre subsidiaire, au titre des dommages causés aux tiers par le propriétaire du troupeau en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public ou, à défaut, au titre des dommages commis par ce dernier en sa qualité d'agent contractuel de droit public de la commune ;
3°) d'enjoindre à la commune de Cavaillon de faire cesser la divagation d'animaux sur leur propriété dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Cavaillon et de son assureur la société d'assurance mutuelle SMACL la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la régularité du jugement attaqué : le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en omettant de communiquer à la partie adverse leur réponse au moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de conclusions tendant à la réparation des désordres causés au cours d'une opération d'entretien du domaine privé de la commune entre 2013 et août 2014 ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- la responsabilité de la commune de Cavaillon est engagée, à titre principal, en raison de la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il détient au titre des dispositions du 7° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dès lors que l'autorité communale n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour mettre fin à la divagation d'ovins sur leur propriété dans le cadre de l'opération de débroussaillage entreprise sur la colline Saint-Jacques entre l'année 2013 et le 13 août 2014 en faisant appel à un éleveur ovin ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune est engagée au titre des désordres causés par le propriétaire du troupeau d'ovins, lequel doit être regardé comme ayant la qualité de collaborateur occasionnel du service public dans le cadre de l'opération de débroussaillage précitée ;
- à titre infiniment subsidiaire, la responsabilité de la commune est engagée du fait des fautes de service commises par M. B... en sa qualité d'agent contractuel recruté par celle-ci en vue d'assurer une mission de débroussaillage devant être qualifiée de mission de service public ;
- la présence d'ovins en état de divagation sur leur propriété au cours et postérieurement à l'opération de débroussaillage leur a causé, d'une part, un préjudice matériel qu'ils évaluent à la somme de 33 761,12 euros hors taxes correspondant respectivement au remplacement d'une baie vitrée pour un montant de 717,12 euros, suivant un devis du 4 février 2014, à la remise en état de murs de soutènement en pierres sèches endommagés par le passage d'ovins pour un montant de 30 234 euros hors taxes, suivant un devis établi le 1er septembre 2016 et à la construction d'un contrefort en pierres sèches afin de soutenir un mur de soutènement abritant une fosse septique pour un montant de 2 810 euros, suivant un devis du 1er septembre 2016 et, d'autre part, un préjudice moral ainsi qu'un préjudice de jouissance des extérieurs de leur propriété et de leur piscine qu'ils évaluent à la somme globale de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, la commune de Cavaillon et la SMACL, représentées par Me Expert, concluent au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation mise à leur charge soit ramenée à de plus justes proportions et à ce que M. et Mme D... et la société mutuelle d'assurance Groupama Méditerranée leur versent respectivement la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, d'une part, les conclusions dirigées contre la SMACL en sa qualité d'assureur de la commune de Cavaillon ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative, d'autre part, les conclusions de la requête tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Cavaillon en raison des dommages causés par M. B... en qualité de collaborateur occasionnel du service public et en qualité d'agent contractuel de droit public sont portées devant une juridiction incompétente pour un connaître dès lors que seul le juge judiciaire est compétent pour apprécier la responsabilité d'une commune dans la gestion d'une forêt relevant de son domaine privé et, enfin, les conclusions tendant à la condamnation de la commune à leur verser la somme de 717,12 euros au titre des frais de remplacement d'une baie vitrée sont tardives dès lors que la demande préalable tendant à l'indemnisation de ce préjudice, adressée par un courrier du 13 avril 2015, reçu le 20 avril suivant, a déjà fait l'objet d'une décision de rejet du 8 septembre 2015 qui n'a pas donné lieu à un recours contentieux de sorte que la nouvelle demande préalable en date du 18 janvier 2018, tendant aux mêmes fins, et la décision de rejet subséquente du 28 février 2018 sont purement confirmatives sur ce point ;
- à titre subsidiaire, aucune faute ne saurait être reprochée à la commune et, en tout état de cause, il y a lieu de réduire sa part de responsabilité en ramenant la condamnation mise à sa charge à de plus justes proportions.
Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. et Mme D... et de la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée.
Par une ordonnance du 28 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code forestier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des marchés publics ;
- loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de Mme El Gani-Laclautre, rapporteure ;
-les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
-les observations de Me Callens, représentant M. et Mme D... et la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, et de Me Elissalde, représentant la commune de Cavaillon et la société d'assurance mutuelle SMACL.
Considérant ce qui suit :
1. À la suite d'un incendie survenu en 2012 sur la colline Saint-Jacques située sur le territoire de la commune de Cavaillon (Vaucluse), une opération de débroussaillage pastoral d'un sous-bois a été organisée par cette commune au cours de l'année 2013 en faisant intervenir un troupeau de 800 ovins appartenant à M. B..., éleveur. Imputant à la présence de ce troupeau la dégradation d'une baie vitrée et de murs de soutènement en pierres sèches de leur propriété, appelés " restanques " dans la région, M. et Mme D... et leur assureur, la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, ont obtenu la tenue de deux expertises amiables au contradictoire de la commune de Cavaillon et de son assureur, la SMACL, M. B..., n'étant ni présent ni représenté. Les constatations de l'expert ont été consignées dans un procès-verbal d'expertise établi le 13 novembre 2015. M. et Mme D... ont, par un courrier du 5 août 2014, saisi le maire de Cavaillon d'une demande tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police afin de mettre fin aux dégâts causés par la présence d'ovins sur leur propriété et à la communication des coordonnées de l'assureur du propriétaire du troupeau. Par un courrier du 13 août 2014, le maire de Cavaillon a indiqué aux intéressés avoir pris contact avec l'éleveur afin qu'il procède à l'enlèvement des ovins laissés à l'état de divagation sur la colline Saint-Jacques et informé l'Office national des forêts de la présence de ces animaux afin qu'il y remédie. Par un courrier du 8 septembre 2015, la SMACL, assureur de la commune de Cavaillon, a rejeté la demande préalable, adressée par un courrier du 13 avril 2015, par l'assureur de M. et Mme D..., tendant au versement de la somme de 717,12 euros correspondant aux frais de remplacement d'une baie vitrée endommagée. Par une décision du 28 février 2018, la commune de Cavaillon a rejeté la nouvelle demande préalable tendant au versement de la somme de 83 761,12 euros hors taxes présentée par les intéressés par un courrier du 18 janvier 2018. M. et Mme D... et leur assureur, la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, relèvent appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Cavaillon à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la divagation persistante d'ovins sur leur propriété à la suite de l'opération de pastoralisme menée sur la colline Saint-Jacques entre l'année 2013 et le mois d'août 2014.
Sur les exceptions d'incompétence de la juridiction administrative :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances : " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (...) ". En vertu de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier et de l'article 29 du code des marchés publics, un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions du code des marchés publics en application de son article 2, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d'un contrat administratif. L'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre relève de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 précitée. Le contrat d'assurance conclu entre la commune de Cavaillon et la SMACL étant constitutif d'un contrat administratif, les conclusions de M. et Mme D... et de leur assureur dirigées contre la SMACL, assureur de la commune de Cavaillon ressortissent bien à la compétence de la juridiction administrative. Par suite, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal, l'exception d'incompétence opposée en défense sur ce point ne peut qu'être écartée.
3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 2211-1 du même code : " Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-1 de ce code : " Font également partie du domaine privé : (...) / 2° Les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier ". Aux termes de l'article L. 211-1 du code forestier : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : (...) / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes (...) : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes (...) ".
4. D'autre part, lorsqu'une personne publique gère son domaine forestier à seule fin d'en assurer l'entretien, elle accomplit une activité de gestion de son domaine privé, qui n'est pas, par elle-même, constitutive d'une mission de service public. Les agents recrutés par cette personne publique pour participer à l'exécution d'une telle activité sont par suite, à défaut de texte législatif en disposant autrement, soumis à un régime juridique de droit privé dont il revient au juge judiciaire de connaître. De la même manière, la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître de la responsabilité d'une commune consécutive aux dommages causés par la gestion de son domaine privé.
5. Il résulte de la délibération du conseil municipal de Cavaillon du 12 novembre 2007 que la forêt communale de Saint-Jacques, dominée par la colline Saint-Jacques où s'est produit le fait générateur du dommage, relève du régime forestier tandis qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce massif forestier serait spécialement affecté à l'usage du public ou qu'il aurait fait l'objet d'aménagements qui, par leur nature et leur importance, permettraient de les considérer comme spécialement adaptés à l'exploitation d'un service public. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 2212-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 211-1 du code forestier, cette forêt appartient au domaine privé de la commune de Cavaillon. Il en résulte que les opérations de débroussaillage pastoral menées par la commune de Cavaillon sur la colline Saint-Jacques en faisant appel à un éleveur qui a mis à disposition son troupeau d'ovins à l'origine des désordres occasionnés sur la propriété de M. et Mme D... doivent être regardées comme une simple activité d'entretien du domaine privé communal exclusive de toute exécution d'une mission de service public. Il en résulte également que cet éleveur ovin ne saurait avoir, par sa seule participation à cette opération de pastoralisme menée sur le domaine privé de la commune, ni la qualité d'agent contractuel de droit public auquel pourrait être imputée une faute dans l'exécution de ses missions, ni être regardé comme un collaborateur occasionnel du service public à l'origine de dommages causés à des tiers. Dès lors que les préjudices ont pour fait générateur une opération d'entretien du domaine privé de la commune de Cavaillon, les conclusions par lesquelles M. et Mme D... et leur assureur entendent engager la responsabilité de cette commune au titre des dommages causés à leur propriété par la présence d'ovins en état de divagation dans le cadre d'une opération d'entretien de son domaine privé sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, ainsi que l'a jugé le tribunal.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 de ce code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " (...) Elle [la décision] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".
7. D'une part, lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge informe les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative cité ci-dessus, que sa décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, cette information n'a pas par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction. La communication par le juge, à l'ensemble des parties, des observations reçues sur ce moyen relevé d'office n'a pas non plus par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction, y compris dans le cas où, par l'argumentation qu'elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen. La réception d'observations sur un moyen relevé d'office n'impose en effet au juge de rouvrir l'instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l'instruction, que si ces observations contiennent l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction.
8. D'autre part, il résulte des articles R. 741-2 et R. 611-7 du code de justice administrative que lorsqu'une partie se borne à produire des observations sur des moyens relevés d'office, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant l'audience publique et de les viser dans sa décision, sans être tenu de les analyser.
9. Il ressort des pièces de la procédure de première instance que, le 5 mai 2020, le tribunal administratif de Nîmes a communiqué aux parties un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de conclusions tendant à la réparation des désordres causés au cours d'une opération d'entretien du domaine privé de la commune entre 2013 et août 2014. Des observations adressées par M. et Mme D... et leur assureur en réponse à ce moyen d'ordre public ont été enregistrées le 20 mai 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée le 14 mai 2020, à 12 heures, par une ordonnance du président du tribunal administratif du 22 avril 2020. Dès lors, d'une part, que M. et Mme D... et leur assureur se sont bornés à répondre à ce moyen d'ordre public sans soulever de nouveaux moyens ni conclusions et, d'autre part, que leurs observations ne contiennent pas l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont ils n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, le tribunal, qui n'était pas tenu de communiquer aux parties les observations produites à la suite de la communication de ce moyen d'ordre public qu'il avait relevé d'office mais seulement d'en prendre connaissance et de les viser dans sa décision, n'a ainsi pas méconnu le principe du contradictoire. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune d'irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
10. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces (...) ". Ces dispositions confient à l'autorité de police municipale le soin de prendre et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et les dommages résultant de l'errance d'animaux sur le territoire de la commune. Le dépôt, dans un lieu désigné, du bétail en état de divagation sur le territoire municipal est au nombre des mesures que le maire peut prendre en application de ces dispositions.
11. Selon les appelants, le maire de Cavaillon aurait commis une carence fautive dans l'exercice de son pouvoir de police en s'abstenant de mettre fin à la présence d'ovins errant sur leur propriété au cours des opérations de débroussaillage pastoral confiées au troupeau de M. B... et après qu'il a été mis fin à celles-ci. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite des courriers de plainte de M. et Mme D... des 22 juillet et 5 août 2014, l'autorité communale a, au plus tard le 13 août 2014, date du courrier de réponse adressé aux intéressés, d'une part, demandé au propriétaire du troupeau de procéder à l'enlèvement des derniers ovins laissés en état de divagation sur la colline Saint-Jacques et, d'autre part, invité l'Office national des forêts, gestionnaire de la forêt communale, à prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à cette divagation d'ovins. En outre, par un arrêté du 24 mars 2015, le maire de Cavaillon a placé en dépôt un bélier capturé par les pompiers tandis qu'un autre bélier blessé et menaçant a été euthanasié sur la propriété des requérants par un vétérinaire au mois d'octobre 2015.
12. Il résulte tout autant de l'instruction, notamment d'un courrier du 23 novembre 2015, que la commune de Cavaillon a sollicité le concours du chef du centre de secours de Cavaillon afin d'obtenir la mise à disposition d'un vétérinaire en appui d'une équipe composée des services de la police municipale, chargée de sécuriser le périmètre d'intervention, et d'agents de l'Office national des forêts en vue de procéder à la capture des ovins errants devenus sauvages tandis qu'une opération de capture a eu lieu le 19 juillet 2016 en faisant appel à un agriculteur et que le nombre d'ovins en état de divagation sur le terrain escarpé de la colline Saint-Jacques était compris entre un et six. Par un autre courrier du 18 août 2016, adressé sur les préconisations du service santé, protection animale et environnement de la direction départementale de la protection des populations de Vaucluse, le maire a, de nouveau, sollicité l'appui du service départemental et de secours afin de déclencher une cellule spécialisée pour permettre la capture des ovins encore présents sur la colline. Il résulte de ce même courrier que l'autorité municipale a, en vain, fait appel aux services d'un berger au mois de mars 2016 et complété ce dispositif par la mise en place de filets de capture pour la faune sauvage, lesquels n'ont été mis à disposition par l'Office national des forêts qu'au printemps 2016. À la suite de cette dernière saisine, une opération, conjointement menée par les services municipaux et une équipe spécialisée de sapeurs-pompiers, a été organisée le 1er septembre 2016 et a permis la capture de trois individus, un agneau ayant cependant réussi à s'échapper. En dépit des difficultés à localiser ce dernier lors de battues ultérieures, le dispositif de piégeage installé par la commune a été laissé en place. Dans ces conditions, eu égard à la topographie escarpée de la colline Saint-Jacques, à la diversité des moyens mis en œuvre par la commune et à la pluralité des acteurs et services mobilisés par ses soins pour capturer les derniers ovins laissés en état d'errance, le maire de Cavaillon doit être regardé comme ayant pris des mesures de police nécessaires, suffisantes et proportionnées pour mettre fin à la présence d'ovins en état de divagation sur ce site alors qu'il n'y a pas eu, depuis l'année 2017, de signalement de nouveaux désordres ni de nouvelle demande d'intervention de la part de M. et Mme D.... Dans ces conditions, le maire de Cavaillon ne peut être regardé comme ayant commis une carence fautive dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées du 7° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales de nature à engager la responsabilité de la commune.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté partielle des conclusions à fin d'indemnisation ni de se prononcer d'office sur l'intérêt donnant qualité à la société mutuelle d'assurance Groupama Méditerranée pour former une action en réparation par voie de subrogation dans les droits de ses assurés, M. et Mme D... et la société mutuelle d'assurance Groupama Méditerranée ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
14. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.
15. En l'absence de comportement fautif du maire de Cavaillon dans l'exercice de ses pouvoirs de police ainsi qu'il a été dit précédemment, les conclusions présentées par les appelants tendant à ce qu'il soit enjoint à cette commune de mettre fin à la divagation d'ovins sur leur propriété doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise solidairement à la charge de la commune de Cavaillon et de la SMACL, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. et Mme D... et leur assureur au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre solidairement à la charge de M. et Mme D... et de la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, une somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Cavaillon et à la SMACL au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... et de la société mutuelle d'assurance Groupama Méditerranée est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D... et la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée verseront solidairement à la commune de Cavaillon et à la SMACL une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... D..., à la société d'assurance mutuelle Groupama Méditerranée, à la commune de Cavaillon et à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL02994