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29/09/2022 | FRANCE | N°21TL22356

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21TL22356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2102245 du 22 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 4 juin 2021 sous le n° 21BX02356 au greffe de la cour administrative de Bordea...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2102245 du 22 avril 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021 sous le n° 21BX02356 au greffe de la cour administrative de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL22356 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté par Me Bachelet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans le délai de 24 heures suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait entachant l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté portant transfert aux autorités autrichiennes est entaché d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il vise un accord implicite en date du 5 mars 2021 de reprise en charge par les autorités autrichiennes de sa demande d'asile alors qu'un accord explicite a été rendu le 18 février 2021 ;

- l'arrêté portant transfert aux autorités autrichiennes a été pris au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 non mises en œuvre ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant afghan né le 30 mai 1997, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 janvier 2021. Le 8 février 2021, il s'est présenté auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne pour déposer une demande d'asile. Lors de l'enregistrement de son dossier, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Autriche le 12 octobre 2019. Les autorités autrichiennes, saisies le 9 février 2021 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, ont donné leur accord explicite le 18 février 2021. Par des arrêtés du 19 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence. M. B... fait appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

2. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".

3. Afin d'établir que M. B... a été reçu en entretien individuel le 8 février 2021 conformément à l'article 5 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne a joint à son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Toulouse la preuve d'un entretien réalisé le 22 novembre 2019 dans le cadre d'une précédente demande d'asile qui a fait l'objet le 5 octobre 2020 d'une décision des autorités autrichiennes de rejet de la demande d'asile. Ces pièces, ainsi que le relève M. B... en appel, ne correspondent pas à la nouvelle demande d'asile introduite auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne le 8 février 2021. Ceux-ci n'ont pas répondu à la demande que la cour leur a adressée de produire les pièces complémentaires qui seraient de nature à établir l'exactitude du motif relatif à cet entretien mentionné dans l'arrêté du 19 avril 2021. Ainsi, M. B... est fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement n° 604/2013 suite à l'enregistrement de sa demande de protection internationale le 8 février 2021 et que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne, intervenu au terme d'une procédure irrégulière le privant d'une garantie, est entaché d'illégalité.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au moyen d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2021. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102245 du 22 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 19 avril 2021 portant transfert aux autorités autrichiennes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Mathilde Bachelet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

A. A...L'assesseur le plus ancien,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL22356 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22356
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BACHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-29;21tl22356 ?
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