Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1502392 du 2 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de la majoration de 80 % prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure initiale devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2017, M. A..., représenté par Me Dagnon, a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2017, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des intérêts de retard correspondants.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière du fait des irrégularités affectant la procédure de vérification de la comptabilité de la société KJD Capital 54 ;
- l'administration aurait dû émettre un avis de mise en recouvrement et non procéder par voie de rôle homologué ;
- seule la brigade de la Guadeloupe était compétente pour mettre l'imposition en recouvrement ;
- l'appréciation du tribunal administratif quant au bien-fondé de l'imposition litigieuse est erronée.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2018, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle ne comporte pas de moyen relatif au bien-fondé de l'imposition ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un arrêt n° 17BX03761 du 5 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2017.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une décision n° 434217 du 4 juin 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 5 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après le renvoi du Conseil d'Etat
Par un mémoire, enregistré le 6 juillet 2021 sous le n° 21BX02397 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL22397 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 24 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas de moyen relatif au bien-fondé de l'imposition ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 23 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Houillon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2017, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- compte tenu du principe d'unicité de la procédure prévu à l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure d'imposition suivie à son encontre est irrégulière du fait des irrégularités affectant la procédure de vérification de la comptabilité de la société KJD Capital 54 et il en résulte une violation des droits de la défense, protégés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions applicables dès lors que, pour juger que les contrats de location n'avaient pas un caractère commercial, il s'est fondé sur l'absence de participation de la société KJD Capital 54 en tant que bailleur, aux responsabilités et aux risques inhérents à l'exploitation des plantations ;
- les plantations de christophines ont le caractère d'un investissement neuf.
Par une ordonnance du 17 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2022.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier, notamment la lettre du 21 juin 2021 par laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a demandé au requérant, sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif dans le délai d'un mois à peine de désistement, la lettre du même jour par laquelle la cour a informé le requérant de la reprise d'instance après cassation et lui a indiqué qu'il avait la possibilité de produire de nouveaux mémoires ou d'éventuelles observations, et la lettre du 6 juillet 2021 par laquelle la cour a communiqué au requérant le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et l'a invité à présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le requérant a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008, la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'un investissement consistant en l'acquisition et en la mise à disposition de deux plantations de christophines d'une superficie respective de trois et quatre hectares, situées en Guadeloupe, réalisé par l'intermédiaire de la société en participation KJD Capital 54, laquelle était représentée par la société en nom collectif KJD Capital. L'administration a remis en cause cette réduction d'impôt à l'issue d'un contrôle. Par un jugement du 2 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des pénalités prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt du 5 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement en tant qu'il n'avait pas entièrement fait droit à sa demande. Par une décision du 4 juin 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt pour erreur de droit quant au motif retenu pour apprécier le caractère commercial du contrat de location de l'investissement productif neuf mis à disposition, auquel est subordonné le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ".
3. Il résulte de l'instruction que l'imposition supplémentaire mise à la charge du requérant au titre de l'année 2008 résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont il se prévalait à raison d'un investissement outre-mer réalisé en 2008 au travers de la société en participation KJD Capital 54, et non du rehaussement du résultat de cette société, taxable entre les mains de ses associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du même code relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Le requérant ne fait état d'aucun supplément d'imposition résultant directement du rehaussement du résultat déclaré par la société KJD Capital 54. En conséquence, l'imposition litigieuse doit être regardée comme procédant exclusivement du contrôle sur pièces dont il a fait l'objet et ce, alors même que ce contrôle sur pièces aurait été effectué consécutivement à une vérification de comptabilité de la société KJD Capital 54. Compte tenu de l'indépendance des procédures d'imposition, et à supposer même qu'un vice de procédure ait entaché la procédure de vérification de comptabilité de cette société, la rendant ainsi irrégulière, cette circonstance est sans incidence sur les suppléments d'imposition mis à la charge du requérant, qui a d'ailleurs eu la possibilité, dans le cadre de la procédure qui le concerne, de contester le bien-fondé de la remise en cause de la réduction d'impôt en litige. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à demander la décharge de l'imposition litigieuse en invoquant un vice de procédure relatif à la vérification de comptabilité de la société KJD Capital 54 ou la violation des droits de la défense en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...). En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. / (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies et si 60 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant. (...) " et aux termes du quinzième alinéa du paragraphe I de l'article 217 undecies du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " 2° Le contrat de location revêt un caractère commercial ". Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus des articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances pour 2001 dont elles sont issues, que lorsqu'un investissement productif neuf réalisé dans un département d'outre-mer est mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est subordonné à la condition que ce contrat porte sur une opération de location à caractère commercial, dont les revenus relèvent, par leur nature, de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.
6. Il résulte de l'instruction que, selon un protocole d'accord du 30 décembre 2008 portant vente et location, la société KJD Capital a acquis, en tant que mandataire apparent de la société KJD Capital 54, une plantation de christophines, d'une superficie de quatre hectares, située en Guadeloupe, pour un montant de 164 393 euros hors taxes. Par le même protocole, la plantation ainsi acquise a été donnée en location à son ancien propriétaire, un exploitant agricole, pour une durée de soixante mois à compter de la date de signature du procès-verbal de livraison de la plantation, pour qu'il l'exploite. Selon un protocole d'accord du même jour portant vente et location, la société KJD Capital a acquis, en tant que mandataire apparent de la société KJD Capital 54, une plantation de christophines, d'une superficie de trois hectares, située en Guadeloupe, pour un montant de 123 295 euros hors taxes. Par le même protocole, la plantation ainsi acquise a été donnée en location à son ancien propriétaire, un exploitant agricole, pour une durée de soixante mois à compter de la date de signature du procès-verbal de livraison de la plantation, pour qu'il l'exploite. Toutefois, à la suite d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration a estimé que la réalisation de l'investissement n'était pas établie, dès lors qu'il n'était justifié ni de l'origine des plants ni, à supposer que les exploitants agricoles les aient eux-mêmes fournis, des dépenses relatives à la mise en culture. S'il est vrai que la circonstance qu'une plantation ne soit pas réalisée à partir de plants créés in vitro, mais à partir de rejetons résultant de la multiplication naturelle des plantes en cause, n'est pas de nature en elle-même à la priver de son caractère d'investissement neuf, le requérant n'apporte aucun élément permettant de justifier de l'origine des plants et de la réalité des dépenses engagées par les exploitants agricoles pour leur mise en culture. C'est donc à bon droit que l'administration a considéré que l'investissement en cause n'était pas éligible aux dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au requérant, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Fabien, présidente assesseure,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.
La rapporteure,
V. B...Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL22397 2