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06/07/2022 | FRANCE | N°19TL01841

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2022, 19TL01841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne Lou Faou del Cun a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les deux arrêtés du préfet de l'Hérault en date du 29 novembre 2016 par lesquels il a refusé de lui délivrer les permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Boisset et un second parc éolien sur le territoire de la commune de Verreries-de-Moussans, ensemble la décision implicite née le 27 mars 2017 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de ces refus de permis de c

onstruire.

Par jugement n° 1702467 du 20 février 2019, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne Lou Faou del Cun a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les deux arrêtés du préfet de l'Hérault en date du 29 novembre 2016 par lesquels il a refusé de lui délivrer les permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Boisset et un second parc éolien sur le territoire de la commune de Verreries-de-Moussans, ensemble la décision implicite née le 27 mars 2017 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de ces refus de permis de construire.

Par jugement n° 1702467 du 20 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019 sous le n° 19MA01841 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 19TL01841 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 24 janvier 2020, la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 29 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer les permis de construire sollicités dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'atteinte au paysage ;

- les refus de permis de construire sont entachés d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en l'absence d'atteinte à un intérêt paysager et patrimonial particulier ;

- ils sont entachés d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en tant que le préfet se serait fondé sur l'insuffisance de l'étude d'impact ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-26 du même code alors notamment que le classement du secteur en zone de sensibilité maximale pour l'avifaune est erroné et que des mesures de prévention des collisions avec les oiseaux et les chiroptères sont prévues.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2019, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

L'instruction a fait l'objet d'une clôture immédiate par ordonnance du 7 juillet 2020.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bonin pour la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 29 novembre 2016, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun les permis de construire, d'une part, un parc éolien comportant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Boisset et, d'autre part, un parc éolien comportant trois aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune voisine de Verreries-de-Moussans. Cette société fait appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a répondu de manière suffisamment précise au moyen soulevé en première instance par la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet quant à la compatibilité du projet avec l'intérêt patrimonial du site de Minerve et qu'il l'a ainsi mise en mesure de connaître les circonstances conduisant le tribunal à retenir également cette incompatibilité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison d'une insuffisante motivation n'est donc pas fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'erreur d'appréciation de l'atteinte portée aux sites et aux paysages :

3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

4. Il ressort des pièces du dossier que les crêtes dénommées " Les Tours " et " Lou Faou del Cun ", sur lesquelles doivent être implantées les huit éoliennes projetées, sur le territoire des communes de Boisset et de Verreries-de-Moussans, sont situées dans le massif forestier des Avant-Monts, au sein du parc naturel régional du Haut-Languedoc, en culminant à une altitude variant entre 716 et 796 mètres, et qu'elles s'inscrivent dans l'écrin paysager de la cité médiévale de Minerve, située à environ 8 kilomètres. Perchée sur un éperon rocheux des causses qui surplombent, parfois de 200 mètres, les gorges de la Cesse et du Briant, Minerve est classée parmi les plus beaux villages de France et est concernée par une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Ce village et les causses de Minerve ainsi que les gorges de la Cesse et du Briant ont fait l'objet, par décret du 14 janvier 2016, d'un classement au titre des Grands Sites. Ce secteur, très fréquenté par les touristes et les randonneurs, et l'écrin paysager dans lequel il s'insère constituent ainsi un site paysager remarquable à préserver.

5. Il ressort également des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les éoliennes projetées seront visibles du point de vue aménagé en halte dans le cadre de l'opération Grand Site, au sud de la cité de Minerve, en appelant le regard compte tenu de leur situation en crête, de leur hauteur en bout de pales de 99,50 mètres, de leur alignement sur une distance d'environ 6 kilomètres, de leur couleur blanche se détachant sur le ciel et du mouvement de leurs pales. Elles seront également visibles du hameau de Pujade qui constitue un point de vue remarquable, signalé dans le cadre de l'opération Grand Site, sur Minerve, les causses et les gorges, Dans ces conditions et alors même que d'autres éoliennes seraient déjà visibles de ces différents points, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet porterait atteinte à un site patrimonial et paysager naturel remarquable.

En ce qui concerne le caractère suffisant de l'étude d'impact et l'atteinte à la biodiversité :

6. Il ressort des termes des arrêtés en litige que, si le préfet de l'Hérault a émis des critiques sur certaines des analyses de l'étude d'impact en ce qui concerne les enjeux naturalistes du secteur et les conséquences du projet sur ceux-ci en rappelant que le secteur d'implantation se situe en zone d'enjeu local fort à très fort pour plusieurs espèces protégées de chiroptères et de rapaces, il ne s'est pas fondé pour rejeter les demandes de permis de construire sur le caractère insuffisant de cette étude au regard des exigences en ce domaine ou sur l'atteinte à la biodiversité mais uniquement sur l'atteinte aux sites et aux paysages, les arrêtés étant pris sur le seul fondement de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme. Les moyens tirés de l'erreur de droit et d'appréciation dont seraient entachés de tels motifs sont donc en tout état de cause dépourvus d'incidence sur la légalité de ces décisions.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne Lou Faou del Cun, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19TL01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19TL01841
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-06;19tl01841 ?
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