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12/05/2022 | FRANCE | N°20TL04489

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 12 mai 2022, 20TL04489


Vu I°) la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fondation Partage et Vie a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2017 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé à Aubais.

Par jugement n° 1801109 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 d

cembre 2020 sous le n° 20MA04489 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite s...

Vu I°) la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fondation Partage et Vie a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2017 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé à Aubais.

Par jugement n° 1801109 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020 sous le n° 20MA04489 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04489 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 28 octobre 2021, la Fondation Partage et Vie, représentée par Me Lérat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2017 ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée l'exonération de cotisation foncière des entreprises prévue à l'article 1447 du code général des impôts et en particulier elle répond à des besoins non satisfaits par le secteur concurrentiel en offrant certains services et elle pratique des tarifs inférieurs à ceux du secteur commercial ;

- elle est en droit de se prévaloir, dès lors qu'il s'agit d'avis d'impositions supplémentaires, de la réponse ministérielle Spiller du 10 décembre 1993 relative à l'exonération de cotisation foncière des entreprises pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dont la gestion est assurée de manière désintéressée par un organisme sans but lucratif présentant un caractère social et dont les prix sont homologués ou fixés par l'autorité publique, ce qui est le cas en l'espèce ;

- son activité au titre de l' établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes concerné n'est pas lucrative tout comme l'essentiel de son activité, sa seule activité lucrative consistant en l'activité domotique exercée dans quatre autres établissements qui représente moins de 1% de son chiffre d'affaires.

Par des mémoires enregistrés les 22 mars 2021 et 1er février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requérante ne sont pas fondés, la condition d'exercice dans des conditions différentes de celles du secteur marchand n'étant pas remplie ;

- s'il ne remet pas en cause la gestion désintéressée par la fondation requérante, celle-ci exerce bien une activité commerciale puisqu'elle déclare depuis 2013 des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés et elle est, en outre, présente sur internet en étant susceptible d'atteindre ainsi un large public.

La clôture de l'instruction a été prononcée à compter du 28 février 2022 par ordonnance du 8 octobre 2021.

Vu II°) la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fondation Partage et Vie a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes situé à Aubais.

Par jugement n° 1901921 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 août 2021 sous le n° 21MA03731 à la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03731 à a cour administrative d'appel de Toulouse, la Fondation Partage et Vie, représentée par Me Lérat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle développe les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance 20TL04489.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il oppose les mêmes moyens que dans la requête 20TL04489.

La clôture de l'instruction a été prononcée à compter du 5 avril 2022 par ordonnance du 22 mars 2022.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement des deux requêtes de la Fondation Partage et Vie.

Vu les jugements attaqués.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Lérat.

Considérant ce qui suit :

1. La Fondation Partage et Vie, dont l'objet statutaire est la prise en charge de la dépendance sous toutes ses formes, de l'étude jusqu'à la mise en œuvre de ses moyens d'intervention, en conciliant la meilleure qualité de service avec le moindre coût pour les bénéficiaires et l'économie nationale, a été reconnue d'utilité publique par décret du 11 avril 2001. Par sa requête n° 20TL04489, elle fait appel du jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2017 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Mazets de l'Argilier " situé à Aubais. Par sa requête n° 21TL03731, elle fait appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 pour ce même établissement. Ces deux requêtes présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) II. - La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa (...) ". Aux termes du premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du même code : " Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés (...) les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) les fondations reconnues d'utilité publique (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas (...) " un montant indexé chaque année sur la prévision de l'indice des prix à la consommation et fixé à 61 634 euros pour l'année 2018.

3. Pour l'application de ces dispositions, les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts ne sont exclus du champ de la cotisation foncière des entreprises que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il reste exclu du champ de la cotisation foncière des entreprises s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre.

4. Pour estimer que la Fondation Partage et Vie devait être soumise sur le terrain de la loi à la cotisation foncière des entreprises pour son établissement " Les Mazets de l'Argilier ", l'administration fiscale, qui n'a pas remis en cause le caractère désintéressé de sa gestion, s'est fondée sur la circonstance qu'elle est soumise à l'impôt sur les sociétés, qu'elle n'exerce pas cette activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales en retenant en particulier que les tarifs pratiqués dans son établissement ne sont pas inférieurs à ceux de la concurrence ou différenciés en fonction de critères sociaux et qu'elle ne répond pas à des besoins insatisfaits par le secteur concurrentiel.

5. Il ressort du rapprochement entre, d'une part, les montants des " dépenses et recettes " ou des dotations allouées entre 2013 et 2017 par arrêtés du président du conseil général puis départemental du Gard à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Mazets de l'Argilier " comportant 70 places d'hébergement avec, d'autre part, les tarifs d'hébergement journaliers fixés par ces arrêtés variant entre 59,32 euros en 2013 et 60,28 euros en 2017 que, ainsi que le soutient la fondation requérante, son établissement était agréé à l'aide sociale pour l'ensemble de sa capacité au titre de la période en litige en pouvant ainsi accueillir uniquement des résidents susceptibles de bénéficier de l'aide sociale ainsi que de l'aide personnalisée au logement au titre de laquelle l'établissement est également agréé. Il n'est en outre pas contesté par l'administration fiscale que le tarif ainsi défini réglementairement a été appliqué à l'ensemble des résidents. Si l'administration fiscale soutient que ce tarif ne serait pas inférieur à ceux qui seraient pratiqués selon un site internet par deux établissements du secteur privé lucratif dans le département du Gard, non agrées à l'aide sociale et à l'aide personnalisée au logement, il ressort des données émanant de ce même site qu'elle a retenu des tarifs journaliers d'hébergement en chambre simple erronés aussi bien pour l'établissement " Les Opalines " à Nîmes, pour lequel ce tarif s'élevait en 2018 à 72 euros et non à 63 euros, que pour l'établissement " Les Magnans ", pour lequel ce tarif s'élevait en 2018 à 65 euros et non à 58 euros, ce second établissement étant au demeurant situé à Saint-Martin de Valgalgues à plus de 60 kilomètres d'Aubais et ne pouvant en conséquence être considéré comme appartenant à la même zone géographique d'attraction que " Les Mazets de l'Argilier ". En revanche, la fondation requérante établit, en produisant un tableau élaboré à partir des données de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sur 26 établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes recensés dans un rayon de 20 kilomètres, que le tarif d'hébergement en chambre simple aux " Mazets de l'Argilier " se situait en 2020 dans la moyenne de ceux pratiqués par les établissements publics et privés à caractère non lucratif et qu'il était en revanche inférieur d'environ 20 % à ceux pratiqués par les établissements privés à caractère lucratif, l'administration fiscale ne remettant pas en cause la pertinence de ces données pour rendre compte de la différence tarifaire au cours de la période en litige.

6. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'agrément de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Mazets de l'Argilier " au titre de l'aide sociale pour l'ensemble de sa capacité et de ce que les tarifs d'hébergement en son sein sont inférieurs à ceux des établissements privés à caractère lucratif du même secteur géographique d'attractivité en s'adressant ainsi à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises du secteur concurrentiel, la fondation requérante est fondée à soutenir qu'elle exerçait au titre de la période en litige dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales du secteur.

7. Si l'administration fiscale fait valoir en défense que la Fondation Partage et Vie est présente sur Internet en étant susceptible de toucher un large public, elle ne soutient pas qu'elle aurait eu recours à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre. Quant à la circonstance que la fondation requérante soit soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices qu'elle déclare pour son activité accessoire de domotique dans quatre autres établissements, elle est dépourvue d'incidence sur le présent litige.

8. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Partage et Vie est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015, 2017 et 2018 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Mazets de l'Argilier " situé à Aubais. Par suite, il y a lieu d'annuler les jugements attaqués et de prononcer les décharges demandées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la fondation requérante d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 1801109 et 1901921 du tribunal administratif de Nîmes sont annulés.

Article 2 : La Fondation Partage et Vie est déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015, 2017 et 2018 pour son établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Mazets de l'Argilier ".

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la Fondation Partage et Vie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Partage et Vie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL04489,21TL03731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL04489
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-01 Contributions et taxes. - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS OXYNOMIA;ASSOCIATION D'AVOCATS OXYNOMIA;ASSOCIATION D'AVOCATS OXYNOMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-12;20tl04489 ?
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