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14/04/2022 | FRANCE | N°19TL02873

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 14 avril 2022, 19TL02873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Parc éolien de Landelle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 octobre 2016 portant refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Saissac.

Par jugement n° 1701122 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019 sous le n° 19MA02873 au greffe de la cour administrative d'appel d

e Marseille puis sous le n° 19TL02873 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Parc éolien de Landelle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 octobre 2016 portant refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Saissac.

Par jugement n° 1701122 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juin 2019 sous le n° 19MA02873 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 19TL02873 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 8 juillet 2021, la société Parc éolien de Landelle, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou à tout le moins de procéder à son réexamen et ce dans un délai de 30 jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché " d'illégalité " en raison de la composition du tribunal qu'elle ne peut vérifier faute de disposer d'une copie de ce jugement ;

- le préfet de l'Aude a commis une erreur dans l'appréciation des dangers et des inconvénients présentés par le projet pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, la conservation des sites et des éléments du patrimoine archéologique protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 8 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Parc éolien de Landelle ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Parc éolien de Landelle.

Par ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2022.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Durand pour la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien de Landelle demande à la cour d'annuler le jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comportant cinq aérogénérateurs d'une puissance unitaire de trois mégawatts sur le territoire de la commune de Saissac.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. La société requérante a joint à sa requête une copie intégrale de la minute du jugement attaqué. Par suite, elle ne saurait soutenir être dans l'impossibilité de vérifier la régularité de la composition de la formation de jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, qui est soulevé sans autre précision, ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, dans leur rédaction actuellement en vigueur, que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

4. Le projet de la société Parc éolien de Landelle, dans sa version ayant fait l'objet de la demande d'autorisation environnementale en litige, comporte l'implantation, sur des parcelles situées aux lieux-dits La Guille et Landelle à Saissac, de cinq éoliennes, d'une hauteur en bout de pale de 126 mètres, sur deux lignes orientées nord-est/sud-ouest. Pour rejeter cette demande par arrêté du 17 octobre 2016, le préfet de l'Aude s'est fondé exclusivement sur les dangers et inconvénients présentés par le projet pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ainsi que pour la conservation des sites et des monuments.

5. Il résulte de l'instruction que les terrains d'implantation du projet se situent en amont et à environ 1 kilomètre de l'entrée de Saissac, au sein du site Natura 2000 de la vallée du Lampy et d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), dans une zone naturelle et agricole de boisements mixtes, de landes à fougère et de prairies d'altitude qui est traversée par la Rigole de la Montagne Noire alimentant le canal du Midi et inscrite au patrimoine de l'UNESCO ainsi que par des chemins de randonnée et par la route départementale 629, route touristique fréquentée. Celle-ci dessert à partir de Carcassonne le village de Saissac, site cathare dont le château, les remparts et les tours sont classés monuments historiques et elle donne accès aux lacs des Cammazes et de Saint-Ferréol, ainsi que, par la route départementale 4, au bassin du Lampy et à la Rigole de la Montagne Noire, lieux de promenade, de baignade et de pêche. Ces terrains se situent sur le versant sud de la Montagne Noire qui ouvre sur la chaîne des Pyrénées et les Corbières et qui domine la plaine et le canal du Midi auxquels il impose sa présence visuelle même à grande distance. Le village de Saissac, avec son château perché sur un piton rocheux, constitue un repère essentiel en étant visible de loin et offre lui-même un vaste panorama. Ce versant sud de la Montagne Noire, dit versant de Saissac, présente donc, par son exposition et son intérêt paysager, patrimonial et naturel, un caractère remarquable. Le plan de gestion des paysages audois classe d'ailleurs ainsi le versant de Saissac comme étant de sensibilité très forte et non adapté à l'éolien. Les terrains d'implantation du projet se situent à l'extrême limite de ce secteur, tel que cartographié par ce document d'orientation, sur le secteur dit du plateau du Lampy et de la Loubatière, considéré comme de sensibilité plus limitée car offrant un éventuel cloisonnement par le micro-relief, les bois et les parcelles de sylviculture intensive et où des projets éoliens peuvent être envisagés en retrait du rebord sud s'ils sont adaptés aux caractéristiques du paysage et aux contraintes afin d'éviter tout à la fois une interaction avec les paysages du versant de Saissac, la proximité d'arbres fournissant un étalon de lecture d'échelle, une implantation dans les champs visuels des ouvrages d'alimentation du canal du Midi, du menhir de la Pierre levée de Picarel classé monument historique et du sentier de grande randonnée 7.

6. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier, et en particulier des plans, photographies et photomontages joints à l'étude d'impact, que les éoliennes projetées doivent surplomber le village de Saissac et son château perché sur un piton rocheux en étant co-visibles avec ces derniers à partir de la route touristique départementale 629 en venant de Carcassonne et en portant en conséquence une atteinte à l'intérêt paysager et patrimonial de ce site classé que la plantation d'une haie le long de cette voie ne permettrait pas de supprimer.

7. Il ressort en deuxième lieu de ces pièces que le parc éolien devrait être situé en amont et à plus d'un kilomètre du centre de Saissac, en bordure de la route départementale 629, entre le pont du Pesquier et le lieu-dit Picou, à une altitude comprise entre 578 et 632 mètres, en dominant les petites prairies d'altitude consacrées à l'élevage de brebis et formant de l'autre côté de la route le rebord du versant sud qui ouvre, comme le village de Saissac, sur le vaste panorama des Pyrénées et de la plaine. Par ailleurs, les cinq éoliennes seront implantées entre 200 et 500 mètres de la voie, en émergeant de plus d'une centaine de mètres sur les landes ou au-dessus de la végétation partiellement conservée à dominante de feuillus et de broussailles, le mouvement de leurs pâles culminant jusqu'à environ 758 mètres en attirant inévitablement le regard. De plus, l'étude d'impact relève que le remplacement des chemins de terre par des voies de 6 mètres de largeur en grave et gravier ainsi que la réalisation des socles des éoliennes auront un impact négatif à long terme sur le paysage de l'aire immédiate. Le parc éolien projeté ne sera donc pas implanté en retrait du rebord sud au sein de microreliefs et des parcelles de sylviculture du plateau du Lampy et de la Loubatière, à la différence d'autres parcs éoliens exploités ou autorisés à quelques kilomètres, mais quasiment sur le rebord dégagé du versant de Saissac en n'étant dissimulé, même partiellement, par aucun relief ou écran végétal et en étant visible de loin en se détachant sur le ciel. Il compromettra de ce fait l'intérêt paysager présenté par la Montagne Noire ou celui présenté à partir de ce versant de Saissac et de la route touristique départementale 629 en participant, comme l'a relevé le préfet de l'Aude, au mitage et à la banalisation des paysages de sensibilité majeure du massif.

8. En troisième lieu, il ressort également des plans et des photomontages qu'en émergeant d'une centaine de mètres au-dessus de la ligne des arbres située au nord du projet, les éoliennes créeront sur la route départementale 4, donnant accès au lac du Lampy et à la Rigole de la Montagne Noire, un point d'appel visuel et un étalon de lecture d'échelle portant atteinte à l'intérêt patrimonial de la Pierre Levée de Picarel distante d'environ 700 mètres et classée monument historique.

9. Enfin et en quatrième lieu, le déboisement et le défrichage prévus sur 30 809 m² seront de nature à créer de forts risques de visibilité, en particulier en période hivernale, à partir de la Rigole de la Montagne Noire, bordée essentiellement de feuillus et dont la zone de sensibilité de préservation est distante de 400 mètres, ainsi qu'avec le sentier de grande randonnée 7 qui longe cette Rigole et que rejoint à partir de Saissac le sentier de petite randonnée du " Château à la Rigole ".

10. Il résulte de ce qui précède que la réalisation du projet de parc éolien porterait atteinte à l'intérêt paysager de forte sensibilité du versant sud de la Montagne Noire ainsi qu'à l'intérêt patrimonial de plusieurs sites classés. La société Parc éolien de Landelle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Parc éolien de Landelle demande sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la société Parc éolien de Landelle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de Landelle et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19TL02873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19TL02873
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-04-14;19tl02873 ?
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