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30/03/2022 | FRANCE | N°19TL24376

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19TL24376


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019 sous le n°19BX04376 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 19TL24376 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires ampliatifs enregistrés le 5 mars 2021 et le 11 mars 2022, la société La ferme éolienne de Viarouge 2, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 19 juillet 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 408

523 euros en réparation du préjudice qu'elle estime imputable à une faute commise pa...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019 sous le n°19BX04376 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 19TL24376 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires ampliatifs enregistrés le 5 mars 2021 et le 11 mars 2022, la société La ferme éolienne de Viarouge 2, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 19 juillet 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 408 523 euros en réparation du préjudice qu'elle estime imputable à une faute commise par la direction générale de l'aviation civile, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'émission successive par la direction générale de l'aviation civile d'avis contradictoires et inexacts sur son projet éolien sur le territoire de la commune de Ségur constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- il existe un lien de causalité direct et certain entre cette faute et les préjudices dont elle demande l'indemnisation dès lors que seul l'avis positif de la direction générale de l'aviation civile l'a incitée à engager des dépenses en vue de la réalisation du projet ;

- les préjudices subis sont constitués à hauteur de 396 900 euros par les frais engagés pour le développement du projet et à hauteur de 11 623 euros par la moitié des frais de location et d'installation d'un mât de mesure.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2021, la ministre de la transition écologique, représenté par Me Briec, conclut :

1°) à titre principal, à ce que la cour se déclare incompétente ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

3°) à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative ne sont pas applicables au présent litige indemnitaire qui doit être renvoyé au tribunal administratif de Paris ;

- la direction générale de l'aviation civile n'a pas commis de faute et ses avis émis au stade de la pré-consultation ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat ;

- les préjudices allégués ne présentent pas un caractère personnel et certain, les dépenses dont le remboursement est demandé ayant été réglées par la société Volkswind et la preuve de leur règlement effectif n'étant en outre pas rapportée ;

- le lien de causalité fait défaut alors que ces dépenses ont été effectuées postérieurement à l'arrêté préfectoral rejetant la demande d'autorisation.

Par ordonnance du 21 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société La ferme éolienne de Viarouge 2.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Bonnin, pour la société requérante ;

- et les observations de Me Leconte, pour la ministre de la transition écologique.

Une note en délibéré, présentée pour la société La ferme éolienne de Viarouge 2, a été enregistrée le 21 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 30 avril 2019, la préfète de l'Aveyron a rejeté la demande d'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Ségur déposée par la société La ferme éolienne de Viarouge 2. Cette dernière demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 408 523 euros en réparation des préjudices qu'elle estime imputables aux fautes qu'aurait commises la direction générale de l'aviation civile lors de sa consultation sur le projet. En demandant la réparation des préjudices subis, elle a ainsi donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein-contentieux.

Sur la compétence en premier et dernier ressort de la cour :

2. Aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative: " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : / 1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement... ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les cours administratives d'appel sont compétentes en premier et dernier ressort pour connaître de l'ensemble des litiges portant sur les décisions qu'elles citent ou leurs refus, y compris les litiges tendant à la réparation des préjudices occasionnés par ces décisions. Par suite, l'exception d'incompétence opposée en défense doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Il résulte de l'instruction que la société Volkswind, afin de densifier le parc éolien déjà existant de Viarouge 1 sur le territoire de la commune de Ségur, a saisi, dans le cadre d'une phase dite de pré-consultation, la direction générale de l'aviation civile de deux demandes d'avis en juillet 2016 et en juin 2017 portant sur des polygones élargis d'étude ne comportant pas d'indication précise de localisation des éoliennes envisagées puis en mars 2018 d'une demande d'avis portant sur un projet d'implantation, à une altitude comprise entre 935 et 971 mètres, de 8 éoliennes d'une hauteur de 130 mètres et de 150 mètres, culminant, en bout de pales, entre 1085 et 1101 mètres d'altitude, en précisant les coordonnées envisagées de localisation. Par courrier du 22 novembre 2018, la direction générale de l'aviation civile répondait que le projet n'était pas situé dans une zone de servitudes aéronautiques et radioélectriques gérées par l'aviation civile et n'aurait pas d'incidence sur les procédures de circulation aérienne. Ce courrier rappelait que l'avis émis dans le cadre de la phase de pré-consultation était établi en l'état des informations recueillies et ne préjugeait pas de celui qui serait rendu dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale. La société Volkswind déposait le 26 novembre 2018 une nouvelle demande d'avis, toujours dans le cadre de la phase de pré-consultation, portant cette fois sur l'implantation de 7 éoliennes d'une hauteur en bout de pales de 130 et de 145 mètres et culminant à une altitude, pales comprises, entre 1083 mètres et 1105 mètres. Sans attendre la réponse, sa filiale, la société La ferme éolienne de Viarouge 2, déposait le 17 décembre 2018 une demande d'autorisation environnementale portant sur ce nouveau projet. Par courrier du 18 février 2019, la direction générale de l'aviation civile émettait un avis défavorable en estimant que le projet interférait avec les procédures de vol aux instruments de l'aérodrome de Rodez en précisant les procédures ainsi concernées. La demande d'autorisation environnementale a été rejetée le 30 avril 2019 par la préfète de l'Aveyron qui s'est fondée exclusivement sur l'impact du projet sur la circulation aérienne civile et, notamment, sur son incompatibilité avec les procédures de circulation aérienne de l'aérodrome de Rodez, en reprenant les motifs exposés par la direction générale de l'aviation civile et en précisant qu'il convient d'appliquer une marge de franchissement d'obstacle de 450 mètres en région montagneuse, et que, même en réduisant cette marge à 375 mètres, celle-ci fait obstacle à l'installation d'éoliennes d'une telle hauteur.

5. Le ministère chargé de l'aviation civile fait valoir en défense que ses services ont dû, pour des raisons de sécurité de la circulation aérienne, majorer entre le 22 novembre 2018 et le 18 février 2019 la marge de franchissement d'obstacle appliquée à proximité de l'aéroport de Rodez, en la faisant passer de 300 mètres à 450 mètres, abaissable à 375 mètres, compte tenu de la multiplication des projets d'éoliennes dans le secteur. La société requérante ne conteste ni la réalité de la multiplication des parcs éoliens déjà existants ou projetés susceptibles d'impacter les procédures de vol de l'aéroport de Rodez, ni le bien-fondé au regard des contraintes aéronautiques de l'évolution de la marge de franchissement d'obstacle appliquée par la direction générale de l'aviation civile. Par suite, et à supposer même que les projets ayant donné lieu aux avis du 22 novembre 2018 et du 18 février 2019 puissent être regardés comme similaires, malgré l'absence d'identité de localisation et de cote en bout de pales des éoliennes envisagées, la société La ferme éolienne de Viarouge 2 ne démontre pas que les services de l'Etat auraient commis une faute en émettant successivement, dans le cadre de la phase de pré-consultation, un avis favorable dont le caractère provisoire et conditionnel était expressément rappelé, puis un avis défavorable dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société La ferme éolienne de Viarouge 2.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge de la société requérante le versement à l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société La ferme éolienne de Viarouge 2 est rejetée.

Article 2 : La société La ferme éolienne de Viarouge 2 versera à l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La ferme éolienne de Viarouge 2 et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19TL24376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19TL24376
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Compétence à l'intérieur de la juridiction administrative.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-03-30;19tl24376 ?
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