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30/03/2022 | FRANCE | N°19TL24375

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 30 mars 2022, 19TL24375


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019 sous le n° 19BX04375 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 19TL24375 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires ampliatifs enregistrés le 5 mars 2021 et le 11 mars 2022, la société La ferme éolienne de Prades-Salars, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 19 juillet 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de

291 623 euros en réparation du préjudice qu'elle estime imputable à une faute commis...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019 sous le n° 19BX04375 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 19TL24375 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires ampliatifs enregistrés le 5 mars 2021 et le 11 mars 2022, la société La ferme éolienne de Prades-Salars, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 19 juillet 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 291 623 euros en réparation du préjudice qu'elle estime imputable à une faute commise par la direction générale de l'aviation civile, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'émission successive par la direction générale de l'aviation civile d'avis contradictoires et inexacts sur son projet éolien sur le territoire de la commune de Prades-Salars constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- il existe un lien de causalité direct et certain entre cette faute et les préjudices dont elle demande l'indemnisation dès lors que seul l'avis positif de la direction générale de l'aviation civile l'a incitée à engager des dépenses en vue de la réalisation du projet ;

- les préjudices subis sont constitués à hauteur de 280 000 euros par les frais engagés pour le développement du projet et à hauteur de 11 623 euros par la moitié des frais de location et d'installation d'un mât de mesure.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2021, la ministre de la transition écologique, représentée par Me Briec, conclut :

1°) à titre principal, à ce que la cour se déclare incompétente ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

3°) à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative ne sont pas applicables au présent litige indemnitaire qui doit être renvoyé au tribunal administratif de Paris ;

- la direction générale de l'aviation civile n'a pas commis de faute et ses avis émis au stade de la pré-consultation ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat ;

- les préjudices allégués ne présentent pas un caractère personnel et certain, les dépenses dont le remboursement est demandé ayant été réglées par la société Volkswind et la preuve de leur règlement effectif n'étant en outre pas rapportée ;

- le lien de causalité fait défaut alors que ces dépenses ont été effectuées postérieurement à l'arrêté préfectoral rejetant la demande d'autorisation.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société La ferme éolienne de Prades-Salars.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Bonnin, pour la société requérante ;

- et les observations de Me Leconte, pour la ministre de la transition écologique.

Une note en délibéré, présentée pour la société La ferme éolienne de Prades-Salars, a été enregistrée le 21 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 30 avril 2019, la préfète de l'Aveyron a rejeté la demande d'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Prades-Salars déposée par la société La ferme éolienne de Prades-Salars. Cette dernière demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 291 683 euros en réparation des préjudices qu'elle estime imputables aux fautes qu'aurait commises la direction générale de l'aviation civile lors de sa consultation sur le projet. En demandant la réparation des préjudices subis, elle a ainsi donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein-contentieux.

Sur la compétence en premier et dernier ressort de la cour :

2. Aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative: " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : / 1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement... ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les cours administratives d'appel sont compétentes en premier et dernier ressort pour connaître de l'ensemble des litiges portant sur les décisions qu'elles citent ou leurs refus, y compris les litiges tendant à la réparation des préjudices occasionnés par ces décisions. Par suite, l'exception d'incompétence opposée en défense doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Il résulte de l'instruction que la société Volkswind a saisi, dans le cadre d'une phase dite de pré-consultation, la direction générale de l'aviation civile de deux demandes d'avis en octobre 2014 et en juin 2017 portant sur des polygones élargis d'étude dans le secteur de Prades-Salars ne comportant pas d'indication précise de localisation des éoliennes envisagées puis en mars 2018 d'une demande d'avis portant sur un projet à Prades-Salars d'implantation de 5 éoliennes d'une hauteur comprise entre 110 et 130 mètres, sur des sommets culminant entre 914 et 956 mètres et dominant le lac de Pareloup, en précisant les coordonnées exactes de localisation de ces éoliennes. Par courrier du 19 juillet 2018, la direction générale de l'aviation civile répondait que le projet n'était pas situé dans une zone de servitudes aéronautiques et radioélectriques gérées par l'aviation civile et n'aurait pas d'incidence sur les procédures de circulation aérienne. Ce courrier rappelait que l'avis émis dans le cadre de la phase de pré-consultation était établi en l'état des informations recueillies et ne préjugeait pas de celui qui serait rendu dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale. Par courrier du 18 février 2019, elle émettait un avis défavorable à la demande déposée en décembre 2018 par la société La ferme éolienne de Prades-Salars, filiale de la société Volkswind, tendant à être autorisée à implanter à Prades-Salars 5 éoliennes, d'une hauteur de 110 à 119 mètres avec une hauteur en bout de pale de 130 à 145 mètres, en estimant qu'eu égard à la marge de franchissement d'obstacle de 450 mètres qu'il convient d'appliquer en région montagneuse, et même en réduisant cette marge à 375 mètres, celle-ci fait obstacle à l'installation d'éoliennes d'une telle hauteur. La préfète de l'Aveyron rejetait le 30 avril 2019 l'autorisation demandée en se fondant exclusivement sur l'impact du projet sur la circulation aérienne civile et, notamment, sur son incompatibilité avec les procédures de circulation aérienne de l'aérodrome de Rodez, en reprenant les motifs exposés par le ministère chargé de l'aviation civile.

5. Le ministère chargé de l'aviation civile fait valoir en défense que ses services ont dû, pour des raisons de sécurité de la circulation aérienne, majorer entre le 19 juillet 2018 et le 18 février 2019 la marge de franchissement d'obstacle appliquée à proximité de l'aéroport de Rodez, en la faisant passer de 300 mètres à 450 mètres, abaissable à 375 mètres, en raison de la multiplication des projets d'éoliennes dans le secteur. La société requérante ne conteste ni la réalité de la multiplication des parcs éoliens déjà existants ou projetés susceptibles d'impacter les procédures de vol de l'aéroport de Rodez, ni le bien-fondé au regard des contraintes aéronautiques de l'évolution de la marge de franchissement d'obstacle appliquée par la direction générale de l'aviation civile. Par suite, et à supposer que le projet ayant donné lieu aux avis des 19 juillet 2018 et 18 février 2019 puisse être regardé comme similaire, en dépit de l'absence de stricte identité des coordonnées de localisation et de cote en bout de pales des éoliennes envisagées, la société requérante ne démontre pas que les services de l'Etat auraient commis une faute en émettant successivement, dans le cadre de la phase de pré-consultation, un avis favorable dont le caractère provisoire et conditionnel était expressément rappelé puis, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, un avis défavorable sur celle-ci.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société La ferme éolienne de Prades-Salars.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge de la société requérante le versement à l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société La ferme éolienne de Prades-Salars est rejetée.

Article 2 : La société La ferme éolienne de Prades-Salars versera à l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La ferme éolienne de Prades-Salars et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. KinachLa République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19TL24375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19TL24375
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - INSTALLATION DES ÉOLIENNES - COMPÉTENCE DES CAA EN PREMIER ET DERNIER RESSORT (ART - R - 311-5 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - INCLUSION - RECOURS INDEMNITAIRE LIÉ AUX DÉCISIONS EXIGÉES PAR L'INSTALLATION DES ÉOLIENNES 1).

17-05 L'article R. 311-5 du code de l'environnement donne compétence aux cours administratives d'appel en premier et dernier ressort pour les litiges portant sur les décisions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement y compris les refus. En application de ces dispositions, une cour administrative d'appel (CAA) est compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours indemnitaire lié aux décisions qu'exige l'installation des éoliennes.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INSTALLATION DES ÉOLIENNES - RECOURS INDEMNITAIRE LIÉ AUX DÉCISIONS EXIGÉES PAR L'INSTALLATION DES ÉOLIENNES - COMPÉTENCE DES CAA EN PREMIER ET DERNIER RESSORT (ART - R - 311-5 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - INCLUSION 1).

44-02-04 L'article R. 311-5 du code de l'environnement donne compétence aux cours administratives d'appel en premier et dernier ressort pour les litiges portant sur les décisions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement y compris les refus. En application de ces dispositions, unne cour administrative d'appel (CAA) est compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours indemnitaire lié aux décisions qu'exige l'installation des éoliennes.


Références :

1) Rappr., s'agissant de la compétence des CAA en premier et dernier ressort pour connaître d'un recours indemnitaire lié à un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, CE, 2 mars 2022, Société Distaff, n° 440079, à mentionner aux Tables.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-03-30;19tl24375 ?
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