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05/08/2025 | FRANCE | N°24PA04487

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 août 2025, 24PA04487


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2412441 du 2 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :


> Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 novembre 2024 et 17 juin 2025, M. B..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2412441 du 2 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 novembre 2024 et 17 juin 2025, M. B..., représenté par Me Ziane, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2412441 du 2 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 du préfet de police

3°) d'enjoindre à ce préfet de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée de défaut d'examen sérieux de sa situation, en méconnaissance de l'article R. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en violation des articles L. 423-3 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Ziane, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 10 mai 1974, est entré en France le 22 avril 2016 selon ses déclarations. Le 27 mars 2023, il a sollicité son admission au séjour, sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 avril 2024, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 2 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne s'est pas prononcé de manière suffisamment précise sur le moyen tiré du défaut d'examen approfondi de sa situation, en ne prenant pas en compte les éléments relatifs à l'ancienneté de sa présence en France et l'intensité de sa vie familiale. Toutefois ce moyen, tel qu'il est formulé, en ce qu'il met en cause l'insuffisante prise en considération par la première juge des éléments relatifs notamment à la vie privée et familiale du requérant, relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressé, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que M. B... ne justifie pas de l'intensité d'une vie privée et familiale établie en France, qu'il est père d'une enfant née le 27 juin 2013 et scolarisée en France depuis 2016 et que son expérience et ses qualifications professionnelles ne sont pas de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour. La décision litigieuse mentionne ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et il n'en ressort pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de M. B.... Par suite les moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée et d'examen personnalisé de la situation de l'intéressé doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ". Cet article est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. D'une part, M. B... soutient qu'il réside sur le territoire français depuis 2002, qu'il a bénéficié de titres de séjour de 2005 à 2016, dont une carte de résident valable du 10 juin 2006 au 9 juin 2016 et qu'il est bien intégré socialement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges au point 6 du jugement attaqué, le requérant n'établit pas, par les pièces qu'il produit, sa résidence continue et habituelle en France à compter de l'expiration de sa carte de résident. En outre, il ne ressort pas de ces pièces que le requérant justifierait d'une insertion professionnelle. D'autre part, si M. B... soutient qu'il est père de deux enfants, dont l'un est de nationalité française et l'autre est née en France et y est scolarisée depuis 2016, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas entretenir des liens avec son fils de nationalité française, né le 11 février 2005, ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille, de nationalité tunisienne, née le 27 juin 2013. Par suite, le préfet de police n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. B... dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la décision par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ces mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation du requérant.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B... ne justifie pas entretenir des liens avec son fils de nationalité française, ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille, de nationalité tunisienne. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 août 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA04487 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04487
Date de la décision : 05/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : ZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-08-05;24pa04487 ?
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