Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2024 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2422946/4-3 du 24 octobre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, à l'article 1er du jugement, admis Mme E... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, à l'article 2, annulé la décision fixant le pays à destination duquel elle peut être éloignée en tant qu'elle n'exclut pas la Colombie, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kati de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à l'article 4, rejeté le surplus de la demande de Mme E... A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2024, le préfet de police de Paris demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme B... A... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de sa décision du 11 juillet 2024 fixant le pays de destination vers lequel l'intéressée peut être éloignée d'office et à ce qu'une somme soit mise à la charge de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen, soulevé par Mme E... A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par Mme E... A... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2025, Mme E... A..., représentée par Me Kati, demande à la cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de rejeter la requête du préfet de police de Paris et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que le moyen soulevé par le préfet de police de Paris n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... A..., ressortissante colombienne née le 13 mai 1986 et entrée en France le 28 juin 2023 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2023, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 14 mars 2024. Par un arrêté du 11 juillet 2024, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Le préfet de police de Paris relève appel du jugement du 24 octobre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné a annulé la décision fixant le pays à destination duquel elle peut être éloignée en tant qu'elle n'exclut pas la Colombie, et mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kati de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Aux termes de l'article 20 de cette loi : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris :
3. Pour annuler partiellement la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E... A..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a tenu pour établies les circonstances de l'assassinat de son compagnon survenu le 4 mai 2023 dans un probable contexte de narcotrafic et pour plausible que le domicile de Mme E... A... ait par la suite fait l'objet d'une surveillance avant qu'elle ne décide de quitter son lieu de résidence puis son pays dès le 27 juin 2023, et que dans ces conditions, et compte tenu de la vulnérabilité particulière de Mme E... A..., femme seule en charge d'un enfant mineur et dont le centre des intérêts se situe dans une zone où elle établissait, par la production de sources publiques pertinentes, que le taux de criminalité est particulièrement élevé, la requérante était fondée à soutenir que le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fixer la Colombie comme pays à destination duquel elle pouvait être éloignée. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des décisions rendues successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, respectivement les 30 novembre 2023 et 14 mars 2024, qu'à supposer même que la mort violente de son ex-compagnon et père de son enfant s'inscrive dans un contexte de délinquance et que son domicile ait, dans ce cadre, fait l'objet d'une surveillance de la part de personnes non identifiées, l'intéressée n'a pas démontré qu'elle-même et son enfant ont été et sont toujours personnellement menacés par les assassins de celui-ci. Les seules circonstances, invoquées par Mme E... A..., que le quartier de Cuba, dans la ville de Pereira, où elle a indiqué qu'elle vivait avec le père de son enfant avant l'assassinat de celui-ci et son déménagement dans un autre quartier, est considéré comme un quartier dangereux, dans lequel des activités criminelles sont menées et des groupes armées opèrent, que son statut de femme seule la rend particulièrement vulnérable, en l'absence de protection effective des autorités colombiennes, et que son fils pourrait être victime d'un recrutement forcé par un groupe armé, ne sont pas suffisantes pour établir le risque allégué de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Colombie.
4. Par suite, le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 12 juillet 2024 fixant le pays à destination duquel Mme E... A... peut être éloignée en tant qu'elle n'exclut pas la Colombie, au motif tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... A... devant le tribunal administratif de Paris à l'appui des conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 12 juillet 2024 du préfet de police de Paris fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00598 du 7 mai 2024 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial, le préfet de police a donné délégation à M. Youssef Berqouqi, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, à supposer même que Mme B... A... ait entendu soulever ce moyen à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
8. En indiquant que Mme E... A... pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité, qui est mentionnée dans la décision, et en relevant que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines et traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans ce pays ou tout autre pays dans lequel elle établirait être effectivement admissible, le préfet de police de Paris a suffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police de Paris a procédé à un examen approfondi de la situation de Mme B... A... avant de prononcer la décision contestée.
10. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme E... A..., dont la demande d'asile a été rejetée, n'établit pas le risque allégué, pour son fils et elle, de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Colombie. Alors que cette circonstance est au demeurant postérieure à l'arrêté litigieux du 11 juillet 2024, l'intéressée, qui n'a pas relevé appel du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, n'établit pas davantage ni même n'allègue que le ressortissant français avec lequel elle a indiqué vivre et avoir conclu un pacte civil de solidarité le 8 octobre 2024 ne pourrait pas la suivre ou lui rendre visite en Colombie. Par suite, en fixant ce pays comme possible pays de destination, le préfet de police de Paris n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 12 juillet 2024 fixant le pays à destination duquel Mme E... A... peut être éloignée en tant qu'elle n'exclut pas la Colombie et a en conséquence mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kati d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
12. Enfin, ces dernières dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre en appel par Mme E... A..., qui est la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Mme D... est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2422946/4-3 du 24 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : Les conclusions présentées devant le premier juge par Mme E... A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 11 juillet 2024 fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet et à ce que la somme de 1 500 euros soit versée à Me Kati en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, tout comme ses conclusions d'appel relatives aux frais d'instance, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Mme C... E... A....
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et à Me Kati.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA04794