Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 février 2022 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé la société FSB Service à le licencier pour inaptitude physique.
Par un jugement n° 2204358 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mai 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 25 avril 2025, qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société FSB Service, représentée par Me Gallet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a accueilli le moyen, soulevé par M. A..., tiré de ce que son ancien mandat de représentant de la section syndicale de la CGT pour lequel il bénéficiait encore d'une protection à la date de la décision attaquée n'ayant pas été porté à la connaissance de l'administration, l'inspectrice du travail n'a pas été mise à même de procéder aux contrôles qu'elle était tenue d'exercer compte tenu des exigences propres au mandat de représentant d'une section syndicale, notamment les contrôles relatifs à l'accès non discriminatoire aux mesures de reclassement ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, appuyé de pièces complémentaires enregistrées le 21 mars 2025, et un mémoire enregistré le 26 juin 2025, qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, M. A..., représenté par Me Durif Jonsson, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge, solidairement, de l'Etat et de la société FSB Service au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par la société FSB Service n'est pas fondé ;
- en tout état de cause, la décision attaquée a été prise par une autorité territorialement incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure qui n'a pas été contradictoire ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen, l'inspectrice du travail n'ayant pas vérifié les obligations relatives au transfert de son contrat de travail à la société Excess Baggage Compagny qui a repris le marché perdu par son employeur ;
- c'est à tort que l'inspectrice du travail a estimé que son employeur avait respecté son obligation de reclassement ;
- c'est à tort que l'inspectrice du travail a considéré que la demande de licenciement était dépourvue de lien avec son mandat ;
- l'inspectrice du travail a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas le motif d'intérêt général pour refuser son licenciement.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gallet, pour la société FSB Service, et de Me Durif-Jonsson, pour M. A....
Des notes en délibéré, présentées pour M. A..., ont été enregistrées les 2 et 3 juillet 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 décembre 2021, la société FSB Service a sollicité auprès de l'administration l'autorisation de licencier pour inaptitude physique M. A..., salarié protégé. Par une décision du 28 février 2022, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne a autorisé le licenciement de ce dernier. La société FSB Service relève appel du jugement du 19 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.
3. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Par suite, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé et, le cas échéant, à l'autorité administrative saisie de recueillir les éléments de fait de nature à établir ou non, compte tenu de chacun des mandats du salarié concerné, le caractère discriminatoire de la mesure envisagée.
4. Aux termes de l'article L. 2142-1-1 du code du travail : " Chaque syndicat qui constitue (...) une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. / Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs. (...) ". Aux termes de l'article L. 2142-1-2 du même code : " Les dispositions (...) du livre IV de la présente partie relatives à la protection des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale. ". Et aux termes de l'article L. 2411-3 du même code : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'en adressant le 31 décembre 2021, à l'administration sa demande d'autorisation de licenciement de M. A..., la société FSB Service, qui avait été informée de cette désignation par courrier recommandé du 16 avril 2019 dont elle ne conteste pas, dans son mémoire en réplique, avoir accusé réception le 19 avril suivant, n'a pas mentionné que M. A... avait été titulaire d'un mandat de représentant d'une section syndicale jusqu'au 1er juillet 2021 et au titre duquel, en application des dispositions des articles L. 2142-1-2 et L. 2411-3 du code du travail, M. A... bénéficiait d'une protection jusqu'au 2 juillet 2022. Toutefois, il ressort des termes mêmes du courrier du 16 avril 2019 qu'une copie de ce courrier a été communiquée à l'inspection du travail, qui doit donc être regardée comme en ayant eu connaissance, alors même que l'inspectrice n'y fait pas allusion dans sa décision ni dans le questionnaire d'enquête produit au dossier de l'instance par le ministre. En tout état de cause, à supposer même que l'inspectrice du travail qui a pris la décision attaquée n'en aurait pas eu connaissance, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors que les exigences propres aux mandats de délégué syndical et de représentant syndical au CSE que M. A... a exercé à compter du 1er juillet 2021 et qu'il exerçait encore à la date de la demande d'autorisation de licenciement, au regard desquelles l'inspectrice du travail a effectué son contrôle, sont très largement similaires à celles du mandat, exercé entre le 19 avril 2019 et le 1er juillet 2021, de représentant de section syndicale, il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail ne se serait pas livrée à un contrôle différent, s'agissant notamment du lien éventuel entre le licenciement et l'exercice passé ou contemporain de ces mandats et l'existence d'un motif d'intérêt général pouvant justifier que l'autorisation de licenciement soit refusée.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne n'aurait pas été mise à même de procéder aux contrôles qu'elle était tenue d'exercer compte tenu des exigences propres au mandat de représentant d'une section syndicale pour annuler sa décision du 28 février 2022.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.
8. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : " La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, l'établissement s'entend comme celui doté d'un comité social et économique disposant des attributions prévues à la section 3, du chapitre II, du titre I, du livre III. ".
9. Il est constant que depuis 2011, M. A... exerçait les fonctions de bagagiste sur le site de l'aéroport d'Orly. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la note d'information à destination du personnel des sites des aéroports de Roissy et de Charles-de-Gaulle du 15 juin 2021, que la société a perdu le marché relatif à l'activité " filmage bagage " sur ces aéroports et qu'il a été mis fin au contrat avec Aéroport de Paris à compter du 21 septembre 2021. Il en résulte qu'à la date à laquelle la société FSB Service a demandé l'autorisation de licencier M. A..., le 31 décembre 2021, l'aéroport d'Orly n'était plus le lieu de travail de l'intéressé et qu'à défaut, l'inspecteur du travail compétent était celui du siège social et établissement principal de la société FSB Service dans le 17ème arrondissement de Paris. Par suite, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne n'était pas compétente pour autoriser le licenciement de M. A....
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société FSB Service n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 28 février 2022 de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 du Val-de-Marne.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société FSB Service demande au titre des frais de l'instance.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société FSB Service une somme que M. A... demande sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société FSB Services est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société FSB Service, à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02252