Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2404718 du 20 septembre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2024, M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 20 septembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de mettre fin à son signalement au système d'information Schengen et de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
- il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en qualité de salarié, de sorte qu'il devait se voir délivrer un titre et ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son intégration professionnelle ;
Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire dès lors qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes, n'a jamais troublé l'ordre public et a construit sa vie ne France ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet, qui aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire, ne pouvait légalement prendre une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de son intégration personnelle et professionnelle dans la société française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 juin 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 juin 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fombeur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 25 décembre 1985 et entré en France en 2017 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 20 septembre 2024, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. Pour rejeter la demande de M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé qu'il ne pouvait se prévaloir d'un motif exceptionnel ou humanitaire lui permettant de prétendre au bénéfice de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne justifiait pas d'une intégration ancienne ou forte en France, qu'il conservait des attaches familiales dans son pays d'origine et que son activité professionnelle, à temps partiel, lui procurant une rémunération mensuelle inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance, ne justifiait pas une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2017, que, depuis le mois de septembre 2020, il travaille en qualité d'agent de service pour le même employeur, la société Synergie Propreté Multiservices, et qu'il bénéficie du soutien de cet employeur qui a sollicité une autorisation de travail à son profit. Toutefois, alors qu'il travaille à temps partiel, pour un nombre d'heures mensuel pouvant varier de 23 à 152 selon les mois, son insertion professionnelle n'est pas d'une durée et d'une nature telles qu'elle constituerait un motif exceptionnel justifiant une admission au séjour au titre du travail. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales, notamment son père et ses deux sœurs selon les mentions non contestées de l'arrêté attaqué, dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans. Dans ces conditions, en estimant que la situation de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B..., ainsi qu'il a été dit au point 3, soutient être entré en France en 2017 et justifie exercer une activité professionnelle depuis septembre 2020 à temps partiel en tant qu'agent de service. Par ailleurs, il est célibataire et sans charge de famille en France et ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son père et ses deux sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
7. Pour refuser à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il s'était déjà soustrait à une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français prise le 18 octobre 2021 à son encontre. Si M. B... fait valoir qu'il a reconstruit sa vie en France, qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, qu'il possède un passeport en cours de validité et qu'il réside à une adresse certaine et connue de l'administration, ces circonstances ne faisaient pas obstacle à ce que le risque qu'il se soustraie de nouveau à la décision portant obligation de quitter le territoire français soit regardé comme établi. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. En premier lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 7 que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus, le préfet pouvait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le requérant, qui ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une telle mesure soit prise à son encontre, n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.
10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été ci-dessus, que M. B... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 18 octobre 2021 et qu'il ne justifie d'aucune attache familiale en France. Dans ces conditions, en dépit de l'absence de menace pour l'ordre public, d'une certaine durée de présence sur le territoire français et de l'exercice d'une activité professionnelle, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la cour,
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2026.
La présidente de chambre,
A. Menasseyre La présidente, rapporteure,
P. Fombeur
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04136