Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2406083 du 12 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Angliviel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 juin 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Angliviel au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés de ce que les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et interdiction de retour sur le territoire français étaient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- les premiers juges, en n'ordonnant pas la production par les services préfectoraux des documents ayant permis de conclure à la possibilité d'une prise en charge effective de sa pathologie en Côte d'Ivoire et au rejet de sa demande de titre de séjour, ont méconnu le principe du contradictoire ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Par ordonnance du 21 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision du 17 janvier 2017 relative à la composition et au fonctionnement du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fombeur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante ivoirienne née le 25 juin 1981 et entrée en France en 2019 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade. Par un arrêté du 4 décembre 2023, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 12 juin 2024, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français, Mme B... soutenait notamment, par voie d'action ou d'exception, que le refus de titre et l'interdiction de retour étaient entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, qui entraînerait son annulation en tant seulement qu'il se prononce sur la première de ces décisions, Mme B... est fondée à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur Mme la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale (...) est composé de trois médecins (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ".
5. En premier lieu, il ressort de l'avis du 28 août 2023 du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ainsi que de son bordereau de transmission, que le collège était composé des docteurs Tretout, Douzon et Triebsch. Contrairement à ce que soutient la requérante, ceux-ci ont été régulièrement désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'OFII, régulièrement publiée sur le site internet de l'OFII.
6. En second lieu, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre, d'un moyen relatif à la possibilité, pour le requérant dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, le juge administratif doit s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France. A cette fin, il lui appartient de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, dont, le cas échéant, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 août 2023, qui mentionnait que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers la Côte d'Ivoire.
8. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, en particulier du certificat médical établi, le 4 octobre 2023, par le psychiatre qui suit la requérante au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences ainsi que de deux certificats médicaux des 6 et 8 février 2024 établis respectivement par un médecin et un ophtalmologue exerçant au sein de l'hôpital Hôtel-Dieu, que Mme B..., qui est atteinte d'une infection par le virus de l'immunodéficience humain (VIH), diagnostiquée en 2021, souffre également d'un glaucome ainsi que d'une hypertension artérielle traitée par quadrithérapie associée à un suivi rapproché pour mesure de la pression artérielle. En outre, l'intéressée, qui bénéficie d'un suivi en psychiatrie en raison d'une symptomatologie probablement liée à un vécu traumatique, a fait l'objet, en octobre 2022, d'une polypectomie de l'endomètre avec conisation, une dysplasie de haut grade nécessitant une surveillance gynécologique annuelle, et une tumeur au pancréas lui a également été découverte en août 2023, impliquant une surveillance d'abord semestrielle pendant un an, puis plus espacée. La requérante, qui bénéficie d'un traitement médicamenteux à base de Biktarvy, médicament associant trois antirétroviraux, d'Aprexevo, un antihypertenseur, d'Indapamide et d'Aldactone, deux diurétiques utilisés dans le traitement de l'hypertension, de Mirtazapine, un antidépresseur, de Paracétamol, de vitamine D3 et d'un collyre à base de Latanoprost commercialisé sous le nom de C..., soutient que l'Aprexevo et l'Irbésartan, antagoniste de l'angiotensine II composant l'Aprexevo, l'Indapamide, la Mirtazapine, le Latanoprost, le Biktarvy ainsi que le Bictégravir, un inhibiteur d'intégrase constituant l'un des trois antirétroviraux composant le Biktarvy avec l'Emtricitabine et le Ténofovir alafénamide, ne sont pas disponibles en Côte d'Ivoire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les antirétroviraux Emtricitabine et Ténofovir alafénamide sont disponibles en Côte d'Ivoire et, d'autre part, que d'autres inhibiteurs d'intégrase et de l'angiotensine II ainsi que d'autres diurétiques, antidépresseurs et collyres destinés à diminuer la tension intraoculaire figurent sur la liste des médicaments essentiels en Côte d'Ivoire établie en 2020 et présentent la même portée thérapeutique que les molécules prescrites à l'intéressée. Or celle-ci n'apporte pas d'éléments relatifs aux particularités des pathologies pour lesquelles elle doit suivre ces traitements, propres à établir que ces molécules ne seraient pas substituables. Par ailleurs, alors que la Côte d'Ivoire dispose de structures hospitalières permettant une prise en charge multidisciplinaire, les éléments d'ordre général dont se prévaut la requérante, concernant notamment la prévalence du VIH dans ce pays et la stigmatisation dont les personnes atteintes de ce virus font l'objet, ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait accéder effectivement à un traitement approprié à son état de santé. Enfin, si Mme B... fait valoir que son état de stress post-traumatique est en lien avec des évènements survenus en Côte d'Ivoire et que sa prise en charge médicale en France ne peut être interrompue, la seule production d'un certificat précisant que la requérante présente une symptomatologie psychiatrique caractérisée " très probablement en lien avec un vécu traumatique dans son pays d'origine " n'est pas suffisante pour établir qu'elle ne pourrait poursuivre son suivi en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu en l'espèce, au vu des pièces produites, d'ordonner la communication des éléments sur lesquels se sont fondés les médecins du collège de l'OFII, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet, qui, au vu de la rédaction de sa décision, ne s'est par ailleurs pas cru à tort en situation de compétence liée, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, le préfet de police, en prenant cette décision de refus, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, Mme B... ne peut se prévaloir de son illégalité au soutien de sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit, par suite, être écarté.
10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui se prévaut d'une présence en France depuis 2019 sans l'établir, est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas de liens personnels dans la société française et n'établit pas ni même n'allègue ne pas avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologiques dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la requérante n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ni qu'elle y serait personnellement exposée à un risque de traitements inhumains et dégradants en raison de sa séropositivité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... ne peut se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les (...) décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
15. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
17. D'une part, la décision prononçant à l'encontre de Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise que l'intéressée ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 8 février 2022 à laquelle elle s'est soustraite, une interdiction de retour peut être prononcée pour une durée maximale de deux ans à l'encontre de l'étranger obligé de quitter le territoire français, en application de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision mentionne également que Mme B..., qui indique être entrée en France en 2019, se déclare célibataire et qu'elle ne justifie pas avoir de charge familiale en France ni être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police de Paris n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme B..., la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
18. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit au point 10, que Mme B..., qui n'établit pas la réalité de sa présence sur le territoire dès 2019, est célibataire et sans charge de famille en France et qu'elle ne justifie pas d'attaches personnelles dans la société française. Par ailleurs, il ressort des mentions non contestées de la décision en litige que Mme B... s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 8 février 2022. Dans ces conditions, et alors même que le comportement de Mme B... n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public, le préfet de police, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. En troisième lieu, la requérante n'établissant pas qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Côte d'Ivoire, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 4 décembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 juin 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour, rapporteure,
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2025.
La présidente de chambre,
A. Menasseyre La présidente-rapporteure,
P. Fombeur
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03270