Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° R/21-0348 du 8 avril 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la décharger du paiement de cette amende.
Par un jugement n° 2212691 du 4 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, la société Air France, représentée par
Me Pradon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ou de la décharger du paiement de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que dès lors que ses agents ne sont pas habilités à procéder à des contrôles d'identité, ils ne peuvent pas demander à un passager de retirer son masque, de sorte que les éléments retenus pour justifier le caractère manifeste de l'usurpation ne doivent prendre en compte que les éléments du visage visibles lorsque le passager en cause est masqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Air France ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
26 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les conclusions de Mme Saint-Macary, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° R/21-0348 du 8 avril 2022, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France, sur le fondement des dispositions des articles L. 821-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir, le 6 octobre 2021, débarqué sur le territoire français une passagère en provenance de Casablanca, de nationalité indéterminée, titulaire d'un passeport manifestement usurpé. La société Air France relève appel du jugement du 4 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".
3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. L'obligation faite aux transporteurs aériens de s'assurer que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides, ne constitue pas un contrôle d'identité au sens de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Dans ces conditions, un agent de l'entreprise de transport est habilité à solliciter le retrait du masque d'un ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne dès lors que l'intéressé est tenu de justifier de son identité et que cette vérification ne confère pas au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, mais a seulement pour objet l'examen de la régularité des documents requis. Par suite, la société Air France n'est pas fondée à soutenir que le caractère manifeste de l'usurpation d'identité par la passagère en cause, qui portait un masque, devait s'apprécier au regard des seules parties visibles de son visage, lesquelles présentent en outre des dissemblances physionomiques avec la photographie apposée sur le passeport. Dès lors, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement, et en fixer le montant à 10 000 euros, en l'absence de circonstances particulières.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02069 2