Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler le titre exécutoire du 11 décembre 2019 émis par le maire de Saint-Hilliers d'un montant de 19 789,95 euros à raison d'un trop-perçu de traitements, ensemble la décision par laquelle cette autorité a rejeté son recours gracieux formé contre ce titre exécutoire, ainsi que le courrier du 1er avril 2020, d'autre part, de prononcer la décharge totale de l'obligation de payer la créance litigieuse, enfin de condamner la commune de Saint-Hilliers à lui payer la somme de 29 789,95 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, outre les intérêts au taux légal.
Par jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun lui a donné acte de son désistement de ses conclusions à fin d'annulation du courrier du 1er avril 2020 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
I°) Sous le n°24PA00436, par une requête et un mémoire enregistrés les 29 janvier et 24 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Lerat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 11 décembre 2019 émis par le maire de la commune de Saint-Hilliers ;
3°) de prononcer la décharge totale de l'obligation de payer la créance litigieuse ou la décharge partielle de cette créance en tenant compte des fautes de la commune de Saint-Hilliers ;
4°) de condamner la commune de Saint-Hilliers au versement d'une somme de 24 789,95 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la commune, outre les intérêts au taux légal ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilliers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance est recevable dès lors que le délai de recours a été conservé par le recours gracieux qu'elle a formé par courrier du 30 avril 2020 ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le titre exécutoire est entaché d'une insuffisance de motivation, faute d'indication des bases de liquidation ;
- le titre exécutoire est dépourvu de base légale dès lors qu'il indique qu'il vise à recouvrer des salaires indument versés alors que les sommes en cause sont constituées par des indemnités de coordination auxquelles elle n'avait pas droit ;
- la commune de Saint-Hilliers a commis une faute consistant dans le versement d'indemnités de coordination auxquelles elle n'avait pas droit ; le préjudice financier découlant de ces fautes s'élève à un montant de 19 789,95 euros et le préjudice moral au montant de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2024, la commune de Saint-Hilliers, représentée par Me Ferre, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance présentée par Mme A... est irrecevable car tardive, faute pour les délais de recours d'avoir été conservés par le courrier du 30 avril 2020 qui n'est pas un recours gracieux ou hiérarchique ;
- aucun des moyens de sa requête n'est fondé.
Par lettre du 20 juin 2025, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'incompétence du juge administratif, en vertu des dispositions des articles L. 142-8 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, pour statuer sur les conclusions visant à l'annulation de l'avis des sommes à payer attaqué en tant qu'il concerne des indemnités journalières de sécurité sociale et à la décharge des sommes correspondant à ces indemnités indument versées et, d'autre part, de l'irrégularité du jugement attaqué qui n'a pas déclaré le juge administratif matériellement incompétent, au profit du juge judiciaire, pour statuer sur ces conclusions.
II°) Sous le n°24PA00506, par une requête et un mémoire enregistrés les 1er février et 24 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Lerat, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables compte tenu de sa situation financière précaire ;
- elle fait état de moyens sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2024, la commune de Saint-Hilliers, représentée par Me Ferre, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- la demande de première instance présentée par Mme A... est irrecevable ;
- aucun des moyens de sa requête n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
- et les observations de Me Sanches pour Mme A....
Une note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2025, a été présentée, au titre de l'instance n° 24PA00436, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., rédactrice territoriale, a été recrutée par la commune de Saint-Hilliers (Seine-et-Marne) en qualité de secrétaire de mairie. Elle a été placée en congé de longue maladie du 22 octobre 2014 au 21 octobre 2017 puis placée en disponibilité d'office à compter du 22 octobre 2017. Par un avis des sommes à payer valant titre exécutoire émis le 11 décembre 2019 accompagné d'un courrier du 1er avril 2020, le maire de Saint-Hilliers lui a réclamé le " remboursement [de] salaires " trop perçus pour la période courant de novembre 2017 à octobre 2019. Par la requête enregistrée sous le n° 24PA00436, elle relève appel du jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire, de décharge de l'obligation de payer mise à sa charge, et de condamnation de la commune de Saint-Hilliers au versement d'une somme en réparation des préjudices résultant des fautes commises par la commune. Par la requête enregistrée sous le n° 24PA00506, elle sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes n° 24PA00436 et n° 24PA00506 présentées par Mme A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance de Mme A... :
3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ".
4. Il est constant que Mme A... a reçu notification le 10 avril 2020 de l'avis des sommes à payer du 11 décembre 2019. Elle a adressé au maire de Saint-Hilliers un courrier du 30 avril 2020, dont le maire a accusé réception par courrier du 25 mai suivant, par lequel elle indiquait à cette autorité qu'elle estimait ne pas être débitrice des sommes mises à sa charge par l'avis des sommes à payer. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Hilliers, ce courrier est constitutif d'un recours gracieux ayant conservé le délai de recours contentieux. Du silence gardé sur ce recours gracieux à l'issue d'un délai de deux mois est née le 25 juillet 2020 une décision implicite de rejet. Il s'ensuit que la requête de première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 27 juillet 2020, n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée à la requête de première instance de Mme A... doit, dès lors, être écartée.
Sur l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire du 11 décembre 2019 :
5. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement.
6. Il ressort des mentions figurant tant sur l'avis des sommes à payer en litige que sur son annexe listant, mois par mois, les sommes en vue du recouvrement desquelles il a été émis qu'il vise au " remboursement [de] salaires " trop versés au cours de la période courant du 15 novembre 2017 à octobre 2019 pour un montant total de 19 789,05 euros. A cet égard, dans ses écritures en défense, la commune de Saint-Hilliers fait valoir que les droits à congés de maladie de Mme A... avaient expiré le 20 octobre 2017, mais que celle-ci a indûment continué de percevoir un demi-traitement postérieurement au 15 novembre 2017, date à laquelle le comité médical s'est réuni et a émis un avis favorable à sa mise en disponibilité. Toutefois, il ressort des bulletins de salaire de Mme A..., versés aux débats pour la première fois en appel, que si celle-ci a effectivement perçu à tort un demi-traitement pour la période s'étendant du 15 novembre au 31 décembre 2017, les sommes qu'elles a perçues à compter du 1er janvier 2018 lui ont été versées au titre d'une " indemnité de coordination ", soit d'une indemnité journalière de sécurité sociale. Il ne ressort donc pas de ces bulletins de salaire que Mme A... aurait indûment continué à percevoir à partir du mois de janvier 2018 un demi-traitement. Il en résulte que Mme A... est fondée à soutenir que n'ayant plus perçu, à compter de janvier 2018, de telles sommes correspondant à des demi-traitements, l'avis des sommes à payer en litige ne pouvait légalement mettre à sa charge le remboursement de tels salaires.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Mme A... demande l'indemnisation du préjudice qui serait résulté pour elle du versement indu de sommes auxquelles elle n'avait pas droit. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le versement indu d'un demi-traitement auquel elle n'avait plus droit à la suite de la réunion du comité médical n'a été indûment poursuivi que pour la seconde moitié du mois de novembre 2017 et pour le mois de décembre 2017. Compte tenu de la durée très limitée pendant laquelle s'est maintenu ce versement indu, Mme A... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un quelconque préjudice. D'autre part, des versements indus accomplis à compter du mois de janvier 2018 au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, qualifiées sur ses bulletins de salaire d'indemnités de coordination, n'est résulté aucun préjudice dont Mme A... serait fondée à demander l'indemnisation, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sommes ainsi versées à tort auraient fait l'objet d'une procédure tendant à leur recouvrement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Hilliers.
8. Il résulte tout ce qui précède, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'avis des sommes à payer du 11 décembre 2019, en tant qu'il couvre la période courant du 1er janvier 2018 à octobre 2019, et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 18 130,78 euros mise à sa charge au titre de cette période.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
9. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 24PA00436, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023 présentées dans la requête n° 24PA00506.
Sur les frais liés à l'instance :
10. D'une part, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilliers la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
11. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes affaires, la somme demandée par la commune de Saint-Hilliers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'avis des sommes à payer du 11 décembre 2019 émis par la commune de Saint-Hilliers est annulé en tant qu'il couvre la période courant du 1er janvier 2018 à octobre 2019.
Article 2 : Mme A... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 18 130,78 euros mise à sa charge par l'avis des sommes à payer du 11 décembre 2019.
Article 3 : Le jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement n° 2005777 du 8 décembre 2023 présentées dans la requête enregistrée sous le n° 24PA00506
Article 5 : La commune de Saint-Hilliers versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24PA00436 est rejeté.
Article 7 : Les conclusions de la commune de Saint-Hilliers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : L'arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Saint-Hilliers.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2025.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00436-24PA00506 2