Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 avril 2022 par laquelle le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de trois jours, de condamner cet établissement à l'indemniser des préjudices subis et d'enjoindre au directeur de cet établissement de procéder à la revalorisation de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et du complément indemnitaire annuel auquel elle pouvait prétendre au titre de l'année 2020.
Par un jugement n° 2221936 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2024 et le 10 mars 2025, Mme B..., représentée par Me Viegas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de condamner l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à lui verser une indemnité provisoire de 1 500 euros dans l'attente d'une expertise ;
4°) d'enjoindre à cet établissement de la classer dans le groupe 1 des assistants ingénieurs, de lui verser en conséquence le complément indemnitaire annuel pour l'année 2020 et de revoir le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 1er avril 2020 ;
5°) de mettre à la charge de cet établissement une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Paris n'était pas territorialement compétent ;
- le dossier individuel qu'elle a pu consulter préalablement à la sanction contestée était incomplet ;
- la sanction prononcée est disproportionnée ;
- le préjudice moral subi justifie le versement d'une indemnité de 1 500 euros ;
- l'emploi qu'elle occupait équivalait à un emploi d'assistante chargée de responsabilités de pilotage, de coordination et d'expertise justifiant un classement dans le groupe 1 de la cartographie des fonctions de l'établissement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, représenté par Me Creveaux, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- les observations de Me Viegas représentant Mme B... ;
- et les observations de Me Cwiklinski représentant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est titulaire du grade d'assistant ingénieur au sein de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et occupait depuis le 1er avril 2020 des fonctions d'assistante en gestion administrative. Par une décision du 15 avril 2022, le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois jours. Le 20 juin 2022, Mme B... a formé un recours gracieux contre cette décision et a demandé la réévaluation du groupe auquel appartient l'emploi qu'elle occupe, la révision rétroactive de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et de son complément indemnitaire annuel. Par un courrier du 25 août 2022, l'Institut a rejeté ce recours gracieux. La demande de Mme B..., qui sollicite l'annulation de la décision du 15 avril 2022 et la condamnation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à l'indemniser des préjudices subis, doit également être regardée comme tendant à l'annulation de la décision rejetant sa demande de révision de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et de son complément indemnitaire annuel. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 312-12 du code de justice administrative : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne (...) ". Le lieu d'affectation d'un agent public au sens de ces dispositions est le lieu d'affectation administrative de l'agent et non le lieu où il exerce effectivement ses fonctions.
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, à la date des décisions attaquées, Mme B... exerçait ses fonctions au sein de l'unité de recherche U 1018 intitulé " centre de recherche en épidémiologie et santé des populations ", unité située dans les locaux de l'hôpital Paul Brousse à Villejuif, dans le département du Val-de-Marne. Toutefois, cette unité de recherche était administrativement rattachée à la délégation régionale de Paris XI de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ainsi que cela ressort des mentions des bulletins de salaire de Mme B..., laquelle était donc administrativement affectée à cette direction régionale. Il n'est pas contesté que cette délégation régionale est située à Paris et, par suite, le tribunal administratif de Paris était bien territorialement compétent pour connaître de sa demande de première instance.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 avril 2022 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, codifié à l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a signé sans émettre ni réserve ni commentaire le procès-verbal de consultation de son dossier individuel établi le 19 janvier 2022 et listant l'ensemble des documents présents dans les quatre pochettes composant ce dossier. La circonstance qu'un nouveau procès-verbal de consultation, établi le 12 février 2024, mentionne un nouveau commentaire de Mme B... indiquant que le dossier n'était pas complet lors de sa consultation en janvier et février 2022 n'est pas de nature à établir l'incomplétude alléguée du dossier lors de sa consultation préalable à l'édiction de la sanction disciplinaire contestée, alors d'ailleurs que les responsables des ressources humaines attestent pour leur part que seuls des documents postérieurs au 9 février 2022 ont pu y être ajoutés. Par ailleurs, à supposer même qu'un courrier du 12 février 2013 ne figurait pas au dossier consulté le 19 janvier 2022 ainsi que le fait valoir la requérante, elle ne précise pas la nature de ce document et ne permet pas d'apprécier si son absence aurait été de nature à la priver d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article L. 533-1 du même code : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / 1° Premier groupe : / a) L'avertissement ; / b) Le blâme ; / c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. En l'espèce, pour prononcer la sanction en litige de trois jours d'exclusion temporaire de fonctions, le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale s'est fondé sur le motif tiré de ce que la requérante a, au cours du mois de décembre 2021, falsifié un avenant de prolongation de contrat à durée déterminée pour un chercheur employé par l'établissement afin qu'il puisse bénéficier d'une prolongation de ses accès à un serveur sur lequel étaient stockées des données protégées, qu'elle a ainsi entravé le bon fonctionnement du service et méconnu les règles relatives à la protection des données et que ces agissements constituaient un manquement grave aux obligations d'intégrité et d'exécution correcte de ses fonctions.
8. D'une part, la matérialité des faits est reconnue par Mme B... qui a admis, alors que l'avenant au contrat du chercheur en question devait prendre fin le 31 décembre 2021, avoir irrégulièrement modifié cette date, de son propre chef, et pour y substituer celle du 31 décembre 2022 afin de maintenir les accès informatiques de l'intéressé au-delà de la date de son engagement contractuel. La matérialité des faits reprochés à Mme B... est dès lors établie.
9. D'autre part, ni le contexte, à le supposer établi, d'une charge de travail déraisonnable, ni l'absence de dommage pour le service alors que le chercheur en question a continué à collaborer avec l'équipe, ni même l'insistance dont ce dernier aurait fait preuve à l'égard de Mme B... ne sont de nature à faire obstacle ce que les faits qui lui sont reprochés puissent légalement être regardés comme constituant une faute professionnelle de nature à justifier une sanction disciplinaire.
10. Enfin, compte tenu de la gravité des faits de falsification reprochés et des enjeux de sécurité de données protégées, dont l'intéressée ne semble pas prendre la mesure, et malgré les évaluations favorables dont bénéficiait Mme B..., qui n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, en prononçant son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours, n'a pas pris une sanction disproportionnée eu égard à la gravité de la faute commise.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision relative à l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et au complément indemnitaire annuel :
11. Alors que l'argumentation de Mme B... est strictement identique à celle développée en première instance et qu'elle ne produit aucune pièce nouvelle de nature à établir ses allégations, le moyen tiré de ce que les fonctions qu'elle exerçait relevait du groupe 1 de la cartographie des fonctions de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 13 à 18 de leur jugement.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'annulation, d'indemnisation et d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale sur le fondement de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2025.
La rapporteure,
W. LELLIG
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00456