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17/07/2025 | FRANCE | N°24PA04784

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 17 juillet 2025, 24PA04784


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2307790 du 5 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a re

jeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 24 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2307790 du 5 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Koszczanski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2307790 du 5 juillet 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 juillet 2023 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que, d'une part, le préfet n'a pas saisi le procureur de la République, en application du 5° de l'article 40-29 du code de procédure pénale, pour complément d'information ;

- ce vice de procédure l'a privé d'une garantie et a exercé une influence sur le sens de la décision attaquée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 17 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2025.

Le préfet de Seine-et-Marne, a produit un mémoire en défense le 23 mai 2025.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 10 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri-lankais né le 1er janvier 1967 et entré en France, selon ses déclarations, le 10 janvier 2015, a sollicité, le 15 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le préfet de la Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 4 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens de légalité externe communs à l'obligation de quitter le territoire français et au refus de délai de départ volontaire :

2. En premier lieu les décisions, qui mentionnent les éléments de faits propres à la situation personnelle de M. A... ainsi que les dispositions légales et réglementaires sur lesquelles le préfet, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances relatives à cette situation, a entendu se fonder, sont suffisamment motivées.

3. En second lieu, l'examen de la motivation des décisions attaquées ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...)/ 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public.(...) ".

5. Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et des demandes de visa ou d'autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 312-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ".

6. Ces dispositions se rapportent aux enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 qui concernent, notamment, l'instruction des demandes de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers mais non celle des décisions d'éloignement. En tout état de cause, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que le préfet de Seine-et-Marne se serait fondé sur des informations qui seraient issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires pour prendre une mesure d'éloignement à l'encontre du requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 40 - 29 du code de procédure pénale ne peut qu'être écarté.

7. A supposer que M. A... ait déposé une demande de titre de séjour qui n'aurait pas été implicitement rejetée, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que l'autorité administrative prenne à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

8. Il ressort des termes de l'arrêté que si la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne que M. A... constitue une menace pour l'ordre public, elle a également pour fondement le fait, non contesté, qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il ne dispose pas d'un titre de séjour en cours de validité. Dans ces conditions, la circonstance que l'atteinte à l'ordre public que représente la présence de M. A... ne serait pas établie est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur son entrée irrégulière sur le territoire et son maintien sans disposer d'un titre de séjour en cours de validité.

9. Enfin M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 du même code " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...). ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français et qu'il a expressément déclaré lors de son audition son intention de ne pas retourner au Sri Lanka. Dans ces conditions, en retenant, pour refuser un délai de départ volontaire à M. A..., qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

13. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui cite l'article L. 612-6 précitée, que pour prononcer l'interdiction en litige le préfet de Seine-et-Marne a examiné les quatre critères énoncés à l'article L. 612-10 précité et, par suite, a suffisamment motivé sa décision.

14. M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait les dispositions précitées des articles L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle serait entachée d'une erreur d'appréciation, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

15. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

P. HamonLa présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA04784 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04784
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24pa04784 ?
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